Prise en charge de la fibrillation atriale aux urgences du centre hospitalier Henri Mondor d’Aurillac en France
S Sidibé1 (sambakp at yahoo dot fr) #, S Mariko2, M Font3, M Boulot4, S Coulibaly1, AK Sacko1, M Sako1, M Diakite1, SJB Tougouma5, M Konaté6, A Diarra7, CA Thiam8, HO Bâ9, N Diallo1, I Menta9, B Diallo1
1 Service de cardiologie, CHU Point G, Bamako, Mali. 2 Service de cardiologie, Hôpital de Tombouctou, Tombouctou, Mali. 3 Centre hospitalier Henri Mondor, Aurillac, Clermont Ferrand, France. 4 Centre hospitalier Emile Roux du Puy en Velay, Puy en Velay, Clermont Ferrand, France. 5 Institut supérieur des sciences de la santé (INSSA), Université Nazi Boni de Bobo Dioulasso (UNB), Bobo Dioulasso, Burkina Faso. 6 Service de cardiologie de l’hôpital du Mali, Bamako, Mali. 7 Service USAC/CNAM, Bamako, Mali. 8 Service de cardiologie, CH de Kati, Bamako, Mali. 9 Service de cardiologie, CHU Gabriel Toure, Bamako, Mali
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.6.2695
Date
2019-01-26
Citer comme
Research fr 2019;6:2695
Licence
Résumé

Introduction : La fibrillation atriale est l’arythmie cardiaque la plus fréquente dans la population générale. Notre travail visait à évaluer la prise en charge de la fibrillation atriale inaugurale aux urgences. Patients et méthodes : Il s’agissait d’une étude transversale et descriptive du 1er février au 31 juillet 2016 dans le service des urgences du centre hospitalier Henri Mondor d’Aurillac en France. Résultats : 43 patients ont été inclus. La moyenne d’âge était de 58,9 ± 16 ans avec une prédominance masculine (62,8%). Le tabagisme était le facteur de risque cardiovasculaire le plus rencontré (23,2%). Le principal signe fonctionnel était les palpitations (30,2%). L’insuffisance cardiaque était la circonstance majeure de découverte (32,5%). L’électrocardiogramme mettait en évidence en majorité une fibrillation atriale rapide dans 88,4% des cas. A l’échocardiographie, la dilatation de l’oreillette gauche était présente dans 69,8% des cas. La fibrillation atriale sur cardiopathie non valvulaire était prédominante (55,7%). Les anticoagulants oraux directs et les anti-vitamines K étaient prescrits chez 48,8% et 46,4% des cas respectivement. Conclusion : La fibrillation atriale est un trouble du rythme cardiaque fréquemment rencontré aux urgences. Le traitement anticoagulant doit être adapté à chaque situation clinique.

English Abstract

Introduction: Atrial fibrillation is the most common cardiac arrhythmia in the general population. Our study aimed to evaluate the management of « first-detected » atrial fibrillation at emergencies. Patients and methods: This was a cross-sectional and descriptive study from February 1st to July 31st, 2016 at the department of emergencies at Henri Mondor’s Hospital in Aurillac, France. Results: 43 patients were included. The age average was 58.9 ± 16 years with a male predominance (62.8%). Smoking was the most frequent cardiovascular risk factor (23.2%). The main functional sign reported was palpitations (30.2%). Heart failure led to a diagnosis of atrial fibrillation in 32.5% of cases. The majority of electrocardiograms showed rapid atrial fibrillation (88.4%). At echocardiography, dilation of the left atrium was described in 69.8% of cases. Atrial fibrillation on non-valvular heart disease was predominant, accounting for 55.7% of cases. Direct oral anti-coagulants and anti-vitamin K were prescribed in 48.8% and 46.4% of cases respectively. Conclusion: Atrial fibrillation is a cardiac rhythm disorder commonly encountered at emergencies, and the anticoagulant therapy should be adapted to each clinical situation.

Introduction

La fibrillation atriale est une activité électrique anarchique et rapide du myocarde atrial. Cette arythmie résulte de multiples foyers ectopiques doués d’automatismes anormaux au sein des oreillettes ou des veines pulmonaires et de nombreux microcircuits de réentrée en rapport avec des plages de fibrose. La prévalence de la FA est faible avant 40 ans (< 0,5 %), mais elle augmente à 5 % après 65 ans et atteint 10 % après 80 ans [1]. La Société française de Médecine d’Urgence (SFMU) en collaboration avec la Société Française de Cardiologie (SFC) a élaboré des recommandations de prise en charge de la fibrillation atriale en médecine d’urgence en juillet 2015. C’est dans ce contexte que nous nous proposons d’évaluer la prise en charge de la FA aux urgences du Centre Hospitalier Henri Mondor à Aurillac, France.

Patients et méthodes

Il s’agissait d’une étude transversale et descriptive du 1er février au 31 juillet 2016 dans service des urgences du centre hospitalier Henri Mondor à Aurillac, ayant inclus tous les patients admis durant cette période.

Les critères d’inclusion : étaient les patients de tout âge et des deux sexes hospitalisés ou suivis dans le service de cardiologie pour une fibrillation atriale et ayant bénéficiés en plus de l’ECG d’une échocardiographie et du bilan biologique.

Critères d’exclusion :

  • les patients en FA n’ayant pas réalisé le bilan inclusif,
  • les patients ayant leurs dossiers incomplets.

Les critères de jugement étaient basés sur :

  • La démarche diagnostique

    Tous les patients admis dans le service des urgences pour fibrillation atriale ont bénéficié d’un examen clinique complet, d’un bilan biologique et d’une échocardiographie Trans thoracique.

  • Les critères diagnostiques

    Le diagnostic de la fibrillation atriale reposait à électrocardiographiques sur :

    • un rythme non sinusal avec absence d’onde P,
    • des ondulations de la ligne de base avec des ondes auriculaires anormales d’une fréquence très élevée entre 400 à 600/mn,
    • des QRS non équidistants et non équipotents.

Score de CHAD2DS2VASC : était le score thrombotique utilisé dans ce travail.

Score de HASBLED : était le score hémorragique utilisé dans le travail.

Définition des termes

La fibrillation atriale (FA) est un trouble du rythme supra ventriculaire caractérisé par une activité électrique atriale anarchique et inefficace avec pour conséquence une altération de la fonction mécanique des atria. L’activité ventriculaire est irrégulière, généralement rapide en l’absence de troubles de conduction auriculo-ventriculaire.

La Fibrillation atriale non valvulaire est une fibrillation atriale qui survient en absence de rétrécissement mitral ou de prothèse valvulaire

La fibrillation atriale était classée paroxystique avec une réduction spontanée en mois de 7 jours, généralement en moins de 48 heures.

La fibrillation atriale était classée persistante avec une durée supérieure à 7 jours nécessitant une réduction par médicamenteuse ou électrique.

La fibrillation atriale était classée permanente avec échec de cardioversion ou si la fibrillation atriale était acceptée.

La collecte des données

Données recueillies étaient, l’âge, le sexe, les comorbidités associées : dysthyroïdie, BPCO, syndrome d’apnée du sommeil (SAS), insuffisance rénale chronique (IRC), les signes cliniques ;

  • les anomalies biologiques : numération formule sanguine (NFS), créatininémie, ionogramme sanguin, TSH
  • les autres anomalies électriques ;
  • les anomalies écho cardiographiques ;
  • les facteurs déclenchants ;
  • les complications thromboemboliques artérielles ;
  • le traitement.
Collecte et analyse des données

La collecte des données a été faite à l’aide d’une fiche d’enquête prenant en compte les variables étudiées.

Le test statique utilisé était le ki2 avec comme seuil de signification à 5 %.

Résultats

Pendant la période d’étude, sur 10750 patients admis, 43 l’étaient pour la fibrillation atriale soit une prévalence hospitalière de 0,4%. La moyenne d’âge était de 58,9 ± 16 ans avec des extrêmes de 41 et 94 ans. La prédominance était masculine avec 62,8% ce qui fait un sex ratio de 1,7. La prééminence de l’ HTA dans les antécédents personnels était classique avec 41,9%. Le tabagisme et le diabète étaient les facteurs de risque cardiovasculaire les plus rencontrés avec respectivement 23,2% et 20,9% des cas.

Tableau 1. Répartition des patients en fonction des signes fonctionnels.
Signes fonctionnels Effectifs Pourcentage
Palpitation1330,2
Dyspnée716,3
Douleur thoracique613,9
Malaise49,3

Le principal signe fonctionnel était des palpitations avec 30,2% ; suivie de la dyspnée: 16,3% et de la douleur thoracique 13,9% (Tableau 1). L’insuffisance cardiaque était la circonstance majeure de découverte avec 32,5% des cas. L’insuffisance rénale, le diabète et l’hyperthyroïdie étaient les anomalies biologiques retrouvées avec respectivement 30,2%, 20,9% et 16,3% des cas. L’électrocardiogramme inscrivait en majorité une fibrillation rapide 88,4%, une hypertrophie ventriculaire gauche soit 34,8% et un bloc de branche gauche dans 23,2% des cas. La radiographie du thorax de face objectivait une cardiomégalie avec des signes de surcharge chez 10 patients (23,2%) et des foyers de pneumopathie chez 10 patients.

Tableau 2. Répartition des patients en fonction du traitement anticoagulant.
Traitements Effectifs Pourcentage
Anticoagulants oraux directs2148,9
AVK2046,4
Fermeture de l’auricule gauche12,3
Pas de traitement12,3

A l’échocardiographie, la dilatation de l’oreillette gauche était décrite chez 69,8% des patients. Les valvulopathies mitrales étaient observées chez 16,2% des patients. Il s’agissait de l’insuffisance mitrale 11,6 %, le rétrécissement mitral et la maladie mitrale étaient observées avec le même pourcentage de 2,3%. Quant à l’hypertrophie pariétale, elle était retrouvée chez 34,6 % des malades. La dilatation ventriculaire gauche avec altération de sa fonction systolique était retrouvée chez 56,2% des patients. Un trouble segmentaire de cinétique était décrit chez 39,5 % des patients.

L’AC/FA sur cardiopathies non valvulaires prédominait (55,7%). Il s’agissait surtout de la cardiomyopathie hypertensive et de l’ischémie coronaire avec des fréquences respectives à 32,5% et à 23,2 %. Elle était associée à une valvulopathie chez 25,5 % des cas. Dans 9,3 % des cas la fibrillation atriale n’était pas liée à une cardiopathie sous-jacente. L’âge supérieur à 80 ans et l’insuffisance rénale chronique étaient les comorbidités les plus représentées avec 39,5% et 27,9%. Le facteur déclenchant le plus retrouvé était la pneumopathie avec 23,2% des cas. Les anti coagulants oraux directs étaient prescrits chez 48,9% et les anti vitamines K chez 46,4% des cas. Seulement deux patients soit 4,6% n’ont pas été anti coagulés (Tableau 2). Les bétabloquants étaient la classe d’anti arythmique la plus utilisée avec 46,5% des malades, l’Amiodarone 13,3% et la digitalique chez 20,9% des cas. Le séjour hospitalier moyen était de 9 ± 6 jours avec des extrêmes de 4±3 et de 17±2 jours et une évolution naturelle favorable sans complication hospitalière dans 84,73% des cas.

Discussion

Durant la période d’étude nous avions colligé 43 patients répondants aux critères d’inclusion dans une population de 10750 malades soit une prévalence hospitalière de la fibrillation atriale valvulaire de 0,4%. Ceci dénote la prévalence faible de la fibrillation atriale aux urgences du centre hospitalier Henri Mondor à Aurillac, France. Son épidémiologie et ses facteurs étiologiques sont variables d’un pays à un autre. La prédominance était masculine avec 62%, ce qui fait un sex

ratio de 1,7% en accord avec la littérature [2]. L’âge moyen dans notre était de 58,9 ans (±16). Les facteurs de risque cardiovasculaires étaient marqués par l’HTA et le tabagisme avec respectivement 41,9% et 23,2% des cas en accord avec la littérature. Dans l’étude Framingham, l’hypertension artérielle, la décompensation cardiaque et les valvulopathies étaient les principales causes d’apparition de la fibrillation atriale [3]. L’insuffisance cardiaque était le motif majeur de découverte avec 32,5% des cas. Nous en déduisons que ce syndrome doit nous inciter à plus d’attention à la recherche d’une fibrillation atriale. La prééminence de l’hypertension artérielle parmi les facteurs de risque cardiovasculaire est classique dans la littérature mondiale [3, 4]. Son rôle pathogène est décrit dans la littérature A l’ECG, la FA était associé à une hypertrophie ventriculaire gauche chez 34,8% des malades. S SIDIBE rapportait une fréquence de l’hypertrophie ventriculaire gauche de 11,9 % dans sa série [2]. La dilatation atriale constatée dans notre étude a un rôle dans l’installation de la fibrillation atriale comme décrit dans les travaux de Wolf PA [3]. Parmi les facteurs étiologiques, les pathologies non valvulaires prédominaient (55,7%). Notre taux est proche de celui de MBaye au Sénégal en 2010 (63,3%) [5]. Il s’agissait surtout de la cardiomyopathie hypertensive et de la coronaropathie avec des fréquences respectives à 32,5% et 23,2%. Dans 7,3 % des cas la fibrillation atriale n’était pas liée à une cardiopathie sous-jacente. Aucun facteur étiologique n’était trouvé dans ces cas. Elle était idiopathique contre 6,7% de Mbaye au Sénégal. Les béta-bloquants ont été les plus prescrits (44,2%), dans notre série, contre 20% dans les séries canadienne et américaine où les inhibiteurs calciques étaient mieux prescrits avec respectivement 75% et 95,22% des cas [6]. Les anti coagulants oraux directs étaient prescrits chez 48,9% et les anti vitamines K chez 46,4% des cas. Ces anti-thrombotiques directs, ont pour avantage de dispenser de surveiller l’INR du fait d’une moindre variabilité interindividuelle par rapport aux anti-vitamines K (AVK). Seulement deux patients soit 4,6% n’ont pas été anti coagulés. Cette restriction pourrait expliquer d’une par la survenue d’une fibrillation paroxystique avec un score de CHA2DS2-VASc à zéro chez un patient anémié et de l’autre part par la survenu d’une fibrillation atriale chez un patient à un mois de chirurgie d’un anévrisme cérébral. La fermeture de l’auricule gauche a été proposée à ce patient. La contre-indication aux anticoagulants chez des patients en FA à très haut risque thromboembolique pourrait aboutir à discuter l’occlusion définitive de l’auricule gauche, siège électif de la thrombose [7, 8]. Les bétabloquants étaient la classe d’anti arythmique la plus utilisée avec 46,5% des cas.

Conclusion

Les valvulopathies et l’émergence des cardiopathies ischémiques font de la fibrillation atriale un trouble du rythme cardiaque fréquent en milieu hospitalier. Elle touche des sujets relativement jeunes et le plus souvent révélée par une insuffisance cardiaque. Le risque d'accidents vasculaires cérébraux doit justifier une prise en charge efficace pour la prévention de ces complications qui sont potentiellement graves et invalidantes. Les anti-thrombotiques directs ont pour avantage de dispenser de surveiller l’INR du fait d’une moindre variabilité interindividuelle par rapport aux anti-vitamines K (AVK). La mise en place d’un registre des patients admis pour fibrillation atriale pourrait fournir des données sur l’évolution des patients au long cours.

Références
  1. Wolf P, Abbott R, Kannel W. Atrial fibrillation: a major contributor to stroke in the elderly. The Framingham Study. Arch Intern Med. 1987;147:1561-4 pubmed
  2. Sidibé S, Sako M, Sacko AK, et al. Problématique de l’anticoagulation dans la fibrillation atriale non valvulaire du sujet âgé. Research fr 2018;5:2618. Disponible à partir du: www.research-journal.net/fr/Anticoagulation-in-non-valvular-atrial-fibrillation-in-the-elderly.html
  3. Wolf P, Benjamin E, Belanger A, Kannel W, Levy D, D Agostino R. Secular trends in the prevalence of atrial fibrillation: The Framingham Study. Am Heart J. 1996;131:790-5 pubmed
  4. Nattel S, Burstein B, Dobrev D. Atrial remodeling and atrial fibrillation: mechanisms and implications. Circ Arrhythm Electrophysiol. 2008;1:62-73 pubmed publisher
  5. Mbaye A, Pessinaba S, Bodian M, Mouhamadou B, Mbaye F, Kane A, et al. [Atrial fibrillation, frequency, etiologic factors, evolution and treatment in a cardiology department in Dakar, Senegal]. Pan Afr Med J. 2010;6:16 pubmed
  6. Wattigney W, Mensah G, Croft J. Increasing trends in hospitalization for atrial fibrillation in the United States, 1985 through 1999: implications for primary prevention. Circulation. 2003;108:711-6 pubmed
  7. Benussi S, Nascimbene S, Galanti A, Fumero A, Dorigo E, Zerbi V, et al. Complete left atrial ablation with bipolar radiofrequency. Eur J Cardiothorac Surg. 2008;33:590-5 pubmed publisher
  8. Edgerton Z, Edgerton J. A review of current surgical treatment of patients with atrial fibrillation. Proc (Bayl Univ Med Cent). 2012;25:218-23 pubmed
ISSN : 2334-1009