Problématique de l’anticoagulation dans la fibrillation atriale non valvulaire du sujet âgé
S Sidibé1 (sambakp at yahoo dot fr) #, M Sako1, AK Sacko1, B Traore1, S Coulibaly1, M Diakité1, N Diallo1, HO Bâ2, I Sangaré2, A Kodio3, C Thiam4, M Konaté5, I Menta2, IB Diall1, B Diallo1
1 Service de cardiologie, CHU du point G, Bamako, Mali. 2 Service de cardiologie du CHU Gabriel Toure. 3 Service de cardiologie de l’Hôpital de Ségou, Ségou, Mali. 4 Service de cardiologie de l’Hôpital de Mali, Bamako, Mali. 5 Service de cardiologie de l’Hôpital de Kati, Kati, Mali
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.5.2618
Date
2018-06-29
Citer comme
Research fr 2018;5:2618
Licence
Résumé

Introduction : La fibrillation atriale est un trouble du rythme cardiaque fréquemment rencontré en cardiologie. Notre travail visait à décrire les difficultés rencontrées au cours du traitement anticoagulant dans la fibrillation atriale non valvulaire du sujet âgé dans le service de cardiologie CHU Point G à Bamako. Matériel et méthodes : Il s’agissait d’une étude prospective de mars 2016 à février 2017 dans le service de cardiologie du CHU Point G, ayant inclus tous les patients hospitalisés durant cette période. Résultats : Pendant la période d’étude, sur 504 patients admis, 42 patients l’étaient pour la fibrillation atriale non valvulaire soit une prévalence de 8,33%. L’âge moyen était de 82,5 ans. La prédominance était masculine avec un sex ratio de 1,33. La provenance était rurale dans 26,20%. Presque les 2/3 de nos patients avaient un revenu mensuel faible. Les facteurs de risque cardiovasculaire étaient dominés par l’HTA (71,40% des cas). L’insuffisance cardiaque était le motif majeur de découverte dans 73,8% des cas. A l’échocardiographie, la dilatation de l’oreillette gauche était décrite dans 47,6%. Plus de la moitié des patients n’étaient pas anti coagulés (54,8% des cas). Cette restriction était due à un problème de ressources financières, et l’absence d’un laboratoire d’analyse dans ces localités rurales. Les complications étaient les accidents vasculaires ischémiques chez 23,80%. La mortalité était de 16,6% des cas. Conclusion : La fibrillation atriale non valvulaire est fréquemment rencontrée chez les patients âgés et souvent révélée par une insuffisance cardiaque.

English Abstract

Introduction: Atrial fibrillation is a frequent cardiac rhythm disorder in the cardiology department. Our study aimed to describe the difficulties encountered during anticoagulation treatment in non-valvular atrial fibrillation of the elderly in the department of cardiology at Point G’s University Hospital in Bamako. Material and methods: This was a prospective study from March 2016 to February 2017 in the department of cardiology at Point G’s University Hospital including all patients admitted during this period. Results: Out of 504 patients admitted, 42 patients were admitted for non-valvular atrial fibrillation. The prevalence was 8.33%. The average age was 82.5 years. The predominance was male with a sex ratio 1.33. Almost 2/3 of our patients had a low monthly income. Cardiovascular risk factors were dominated by hypertension (71.40% of cases). Heart failure was the major reason for discovery in 73.8% of cases. At echocardiography, dilation of the left atrium was described in 47.6%. More than half of the patients were not anticoagulated (54.8% of cases). This restriction was due to a problem of financial resources, and the absence of laboratory in these rural localities. The complications were ischemic stroke in 23.80%. Mortality was 16.6% of cases. Conclusion: Non-valvular atrial fibrillation is frequently encountered in elderly patients and often revealed by heart failure.

Introduction

La fibrillation atriale est une cause majeure de mortalité et de morbidité. Elle est responsable de la formation de thrombus dans l’auricule gauche, dont l’embolisation peut entrainer des accidents vasculaires cérébraux. C’est une affection fréquente qui croit en même temps que le vieillissement de la population atteignant 1 à 2% de la population générale et de 5 à 15% de la population de plus de 80 ans [1]. Elle était de 5,3 % au Sénégal en 2010 [2]. L’absence des données épidémiologiques et la létalité de plus en plus élevée justifient la présente étude visait à décrire les difficultés rencontrées au cours du traitement anticoagulant dans la fibrillation atriale du sujet âgé chez les malades hospitalisés ou suivis dans le service de cardiologie du CHU du point « G ».

Matériel et méthodes

Il s’agissait d’une étude prospective et analytique réalisée dans le service de cardiologie du CHU Point du « G » de Mars 2016 à Février 2017 et a concerné tous les malades hospitalisés durant la période d’étude.

Les critères d’inclusion étaient les patients âgés de 65 ans ou plus, des deux sexes hospitalisés ou suivis dans le service de cardiologie pour une fibrillation atriale non valvulaire et ayant bénéficiés en plus de l’ECG d’une échocardiographie.

N’étaient inclus de l’étude:

  • - les patients en FA n’ayant pas réalisé le bilan inclusif,
  • - les patients ayant leurs dossiers incomplets,
  • - les patients âgés de moins de 65 ans.

Les critères de jugement étaient basés sur :

  • 1- Le diagnostic positif de la fibrillation atriale, reposait à l’ECG sur :
    • - un rythme non sinusal avec absence d’onde P,
    • - des ondulations de la ligne de base avec des ondes auriculaires anormales d’une fréquence très élevée entre 400 à 600/mn,
    • - des QRS non équidistants et non équipotents.
  • 2- Les patients âgés de 65 ans ou plus,
  • 3- L’absence d’un rétrécissement mitral ou d’une prothèse valvulaire mitrale ou aortique à l’échocardiographie.

Le score CHA2DS2VASC était le score thrombotique utilisé dans ce travail.

Le score de Hasbled était le score hémorragique utilisé dans ce travail.

Les nouveaux anticoagulants oraux n’ont pas été utilisés dans ce travail.

Définition des termes

La fibrillation atriale (FA) est un trouble du rythme supra ventriculaire caractérisé par une activité électrique atriale anarchique et inefficace avec pour conséquence une altération de la fonction mécanique des atria. L’activité ventriculaire est irrégulière, généralement rapide en l’absence de troubles de conduction auriculo-ventriculaire.

La Fibrillation atriale non valvulaire est une fibrillation atriale qui survient en absence de rétrécissement mitral ou de prothèse valvulaire

La fibrillation atriale était classée paroxystique avec une réduction spontanée en mois de 7 jours, généralement en moins de 48 heures.

La fibrillation atriale était classée persistante avec une durée supérieure à 7 jours nécessitant une réduction par médicamenteuse ou électrique.

La fibrillation atriale était classée permanente avec échec de cardioversion ou si la fibrillation atriale était acceptée.

La collecte des données

Les patients étaient recrutés à partir du dossier d’hospitalisation. Les paramètres étudiés dans ce dossier étaient les données sociodémographiques, les circonstances cliniques de découverte, les résultats la NFS, du dosage des hormones thyroïdiennes, de la glycémie à jeun, la créatininémie, l’ionogramme sanguin, de la radiographie du thorax de face et de l’échocardiographie. Les logiciels Word et Excel 2013 ont été utilisés pour la saisie des données et les logiciels SPSS 16.0 et Epi Info 3.3.2 pour leur analyse. Le test statique utilisé était le ki2 avec comme seuil de signification à 5 %.

Tableau 1. Répartition des patients en fonction le sexe et de l’âgé .
Sexe/Age 65-75 76-85 86-95 96 et plus
Masculin17520
Féminin10611
Effectifs271131
Pourcentage64,2926,197,142,38
Résultats

Pendant la période d’étude, sur 504 patients admis, 42 l’étaient pour la fibrillation atriale non valvulaire soit une prévalence hospitalière de 8,33%. L’âge moyen dans la série était de 82,5 ans avec des extrêmes de 65 à 100 ans. La prédominance était masculine avec 57,10% ce qui fait un sex ratio de 1,33%. La provenance était rurale dans 26,20% et les laboratoires d’analyse capable de réaliser le dosage de l’INR étaient inexistants dans ces localités. Presque les 2/3 (64,30%) de nos patients avaient un revenu mensuel faible inférieur au SMIG du Mali (de 40000 fcfa 1euro=655,55fcfa). Les facteurs de risque cardiovasculaire étaient marqués par l’HTA et le tabagisme avec respectivement 71,40% et 50% des cas. L’insuffisance cardiaque était la circonstance majeure de découverte avec 73,80% des cas. L’électrocardiogramme inscrivait en majorité une fibrillation rapide 73,80%, une hypertrophie ventriculaire gauche soit 11,9% et des extrasystoles ventriculaires 9,5% des cas. A l’échocardiographie, la dilatation de l’oreillette gauche était décrite dans 47,60% des patients. Quant à l’hypertrophie pariétale, elle était notée dans 28,50% des cas. La fonction systolique du ventricule gauche était altérée dans 28,6% et la péricardite dans 78,60% des cas. L’insuffisance rénale, l’hyperthyroïdie étaient les anomalies biologiques majeures retrouvées avec respectivement 11,9% et 7,10% des cas. Les étiologies étaient dominées par la cardiomyopathie dilatées (61,9%) et la cardiothyréose (14,3%). Malgré un score CHA2DS2VASC supérieur à deux chez 41 patients soit 97,6% des cas, plus de la moitié des patients (23) n’étaient pas anti coagulés soit 54,7% des cas. Cette restriction était principalement due à la modicité des ressources financières dans 33,3% et de l’inaccessibilité géographique des laboratoires d’analyse pour le dosage de l’INR dans ces localités rurales. Seulement, 45,2% avaient bénéficié d’un traitement anticoagulant par anti vitamine K. Les autres médicaments utilisés étaient constitués d’IEC, de diurétiques, d’anti arythmiques et de digitalique. Les bétabloquants étaient la classe d’anti arythmique la plus utilisée. Ils étaient prescrits dans 52,40% des cas. Le séjour hospitalier moyen était de 15±6 jours avec des extrêmes de 4 à 32 jours et une évolution naturelle favorable sans complication hospitalière dans 14,3% des cas. A la sortie de l’hôpital les complications observées étaient l’accident vasculaire cérébral ischémique confirmé par un scanner cérébral chez 23,8% et une décompensation cardiaque dans 7,6 % des malades. Les accidents hémorragiques étaient notés dans 7,10% des cas avec un arrêt du traitement anticoagulant. La mortalité était de 16,6% des cas.

Tableau 2. Répartition des patients selon la raisons de non anticoagulation.
Raisons de non anticoagulation Effectifs Pourcentage
Manque de moyen financier14 33,33
Situation géographique avec absence de laboratoire614,29
Accident vasculaire ischémique moins de 48h37,14
Total2354,76
Discussion

Durant la période d’étude nous avions colligé 42 patients répondants aux critères d’inclusion dans une population de 504 malades soit une prévalence hospitalière de la fibrillation atriale non valvulaire de 8,3%. Ceci dénote la prévalence élevée de la fibrillation atriale dans notre pays. Notre taux était supérieur au 2,82% de Diall en 2013 et de Coulibaly S en 2016 [3, 4]. La différence avec Diall pourrait s’expliquer par la nature de son étude qui concernait les accidents vasculaires cérébraux ischémiques sur AC/FA liée à une valvulopathie rhumatismale et celle de Coulibaly S qui concernait la fibrillation atriale en générale. L’âge moyen dans la série était de 82,5 ans avec des extrêmes de 65 à 100 ans nettement supérieur aux données de Mbaye (57 ans) [2], de Coulibaly S (57 ans) et 61,8 ans de Borgi en Tunisie [5]. Cette différence pourrait s’expliquer par la nature de notre étude qui concernait les patients de 65 ans et plus. La prédominance était masculine avec 57,10%, ce qui fait un sex ratio de 1,33% en accord avec Coulibaly I [6]. La résidence en majorité rurale (26,20%) s’expliquerait d’une part par des difficultés diagnostiques de la fibrillation atriale dans ces localités et d’autre part par l’absence des laboratoires d’analyse capable de réaliser le dosage de l’INR. Les facteurs de risque étaient marqués par l’HTA et le tabagisme avec respectivement 71,4% et 50% des cas en accord avec la littérature. L’insuffisance cardiaque était le motif majeur de découverte avec 73,80% des cas. Nous en déduisons que ce syndrome doit nous inciter à plus d’attention à la recherche d’une fibrillation atriale chez les patients âgés. Elle était surtout globale témoignant du retard diagnostic et de la sévérité lésionnelle. L’électrocardiogramme inscrivait en majorité une fibrillation atriale rapide 73,80%, une hypertrophie ventriculaire gauche soit 11,9% et des extrasystoles ventriculaires 9,5% des cas. Coulibaly S rapportait une fréquence de l’hypertrophie ventriculaire gauche de 13,33% dans sa série [4]. A l’échocardiographie, La dilatation atriale constatée dans notre étude a un rôle dans l’installation de la fibrillation atriale comme décrit dans les travaux de Danina en Roumanie [7]. L’insuffisance rénale, et l’hyperthyroïdie étaient les anomalies biologiques majeures retrouvées avec respectivement 11,90% et 7,10% des cas. Les étiologies étaient dominées par la cardiomyopathie dilatée (61,90%) et la cardiothyréose (14,30%). Malgré un score CHA2DS2VASC supérieur à deux chez 41 patients soit 97,60% des cas, Plus de la moitié des patients (23) n’étaient pas anti coagulés soit 54,76% des cas. Notre taux d’utilisation d’AVK était supérieur à celui de Coulibaly S (22,8%). Cette restriction pourrait expliquer par l’âge élevé de certains patients associé au manque d’autonomie, la modicité des ressources financières ne permettant pas la réalisation régulière de la surveillance biologique (INR) et l’absence d’un laboratoire de référence capable de faire l’INR dans ces localités rurales. Seulement, 45,20% soit 19 patients avaient bénéficié d’un traitement anticoagulant par anti vitamine K. Les autres médicaments utilisés étaient constitués d’IEC, de diurétiques, d’anti arythmique et de digitalique. Les bétabloquants étaient la classe d’anti arythmique la plus utilisée. Ils étaient prescrits dans 52,40% des cas. Sur 19 patients anti coagulés, 6 patients avaient arrêtés leurs anticoagulation pour des raisons financières et hémorragiques avec le même pourcentage de 7,10% soit 3 patients chacun. Le séjour hospitalier moyen était de 15 ± 6 jours avec des extrêmes de 4 à 32 jours et une évolution naturelle favorable sans complication hospitalière dans 14,30% des cas. A la sortie de l’hôpital les complications observées étaient l’accident vasculaire ischémique confirmé par un scanner cérébral chez 23,80% et une décompensation cardiaque chez 7,6 % des malades. Les accidents hémorragiques étaient notés dans 7,10% des avec un arrêt du traitement anticoagulant. La mortalité était de 16,60% des cas.

Conclusion

La fibrillation atriale non valvulaire est un trouble du rythme cardiaque fréquemment rencontré chez les patients âgés en hospitalisation dans le service de cardiologie. Elle est malheureusement souvent révélée par une insuffisance cardiaque et/ou par un évènement thromboembolique. Le traitement anticoagulant doit être adapté à chaque situation clinique en prenant en considération, l’âge, la présence de comorbidité et certaines contre-indications.

Références
  1. Wolf P, Abbott R, Kannel W. Atrial fibrillation: a major contributor to stroke in the elderly. The Framingham Study. Arch Intern Med. 1987;147:1561-4 pubmed
  2. Mbaye A, Pessinaba S, Bodian M, Mouhamadou B, Mbaye F, Kane A, et al. [Atrial fibrillation, frequency, etiologic factors, evolution and treatment in a cardiology department in Dakar, Senegal]. Pan Afr Med J. 2010;6:16 pubmed
  3. Diall IB, Traoré S, Coulibaly S, Menta I, Diallo BA. Aspects épidémiologiques cliniques et thérapeutiques de l’accident vasculaire cérébral ischémique sur fibrillation auriculaire liée à une valvulopathie rhumatismale dans le service de cardiologie du CHU du Point G. à propos de 12 cas. Mali Médical. 2013 ; 28 (2) :19-23. 5p.
  4. Coulibaly S, Diall IB, Menta I, Diakité M, Ba HO, Sibibé S, Diallo et al. Fibrillation atriale dans le service de Cardiologie du CHU du Point G: Clinique, facteurs étiologiques et évolution naturelle. Cardiologie Tropicale 2016 ; Volume 144. Disponible à partir du: tropical-cardiology.com/Accueil/index.php/2013-08-10-06-44-55/volume-n-144/174
  5. - Borgi WE, Romathane S, Siri W, Longo S, Hafsia R, Boujnah MR. Intérêt du Dosage des D-Dimères dans la fibrillation atriale non valvulaire. Première série prospective tunisienne. Annales de Cardiologie et d'Angéiologie 2015 ; 64 (4) : 279-284. Disponible à partir du: doi.org/10.1016/j.ancard.2015.01.003
  6. Coulibaly I, Anzouan-kacou J B, Kouao Ronin C, et al. Fibrillation auriculaire: épidémiologie à l’institut de cardiologie d’Abidjan. Méd. Trop 2010; 70 (4): 371-374.
  7. Nattel S, Burstein B, Dobrev D. Atrial remodeling and atrial fibrillation: mechanisms and implications. Circ Arrhythm Electrophysiol. 2008;1:62-73 pubmed publisher
ISSN : 2334-1009