Kyste hydatique vertébral : à propos d’un cas et revue de la littérature
Layla Tahiri Elousrouti (laylatahiri dot elous at gmail dot com) #, Meryeme Lamchahab, Aziza Elhaouari, Nawal Hammas, Laila Chbani, Taoufiq Harmouch, Hinde Elfatemi
Laboratoire d’Anatomie et Cytologie Pathologiques, CHU Hassan II, Fès, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.2.1434
Date
2015-07-15
Citer comme
Research fr 2015;2:1434
Licence
Résumé

Introduction : Le kyste hydatique ou hydatidose sévit à l’état endémique au Maroc et représente un véritable problème de santé publique. Il est dû au développement dans l’organisme de l’homme de la forme larvaire (Echinococcus granulosus). Elle intéresse l’os dans 0,5 à 2 % des cas, dont 44 % de localisations au niveau rachidien. L’étage dorso-lombaire est le plus fréquent des localisations rachidiennes. Cette atteinte est grave par le risque de compression médullaire, et surtout par son caractère récidivant. Objectif : Le but de rapporter ce cas, réside dans la rareté de la localisation vertébrale isolée de la maladie hydatique et surtout de la gravité de son pronostic. Observation : Nous présentons un cas d’un jeune patient de 26 ans, admis dans un tableau de compression médullaire lente, sans antécédents pathologiques notables. L’IRM médul-laire objectivait une lésion kystique étendue de D2-D5 qui refoule la moelle avec signes de souffrance radiculaires, et avec extension dans les parties molles para vertébrales évo-quant un kyste hydatique. La radiographie thoracique et l’échographie abdominale n’ont pas objectivé de localisation pulmonaire ou hépatique. Le geste chirurgical était une décompres-sion par laminectomie et kystectomie avec ostéosynthèse. L’examen anatomo-pathologique a confirmé le diagnostic de l’hydatidose vertébrale. Conclusion : La localisation vertébrale du kyste hydatique est rare, mais grave, de diagnos-tic tardif vue l’absence de signes cliniques spécifiques, il est évoqué par la radiologie et con-firmé par l’analyse histologique. Son pronostic reste sombre à cause des récidives fré-quentes. Le meilleur traitement est la prévention de la maladie.

English Abstract

Introduction: Hydatidosis is an endemic parasitic disease in Morocco. It is due to the devel-opment in the human body of the larval form (Echinococcus granulosus). It concerns the bone in 0.5 to 2% of cases, among which 44% is located at the spinal level. The thoracolum-bar floor is the most common spinal location. The risk of vertebral hydatidosis is spinal cord compression and recurrences. We present a case report of rare and isolated location of spinal hydatid disease. Observation: A 26-year-old patient was admitted for slow cord compression with no medical history. MRI showed a D2-D5 extent of a cystic lesion which pushed the spinal cord and ex-tended into the paravertebral soft parts. Chest X-ray and abdominal ultrasound did not identi-fy any pulmonary or hepatic localizations. The surgery consisted in ablation of the cyst, lami-nectomy and fixation. Histological examination confirmed the diagnosis of spinal hydatid dis-ease. Conclusion: Vertebral hydatidosis is a rare disease which is frequently misdiagnosed. Total surgical removal of the cysts without rupture should be performed. The best treatment re-mains active prevention of the disease.

Introduction

Le kyste hydatique est le résultat du développement chez l’homme de la forme lar-vaire de l’échinoccocus granulosis [1]. L’hydatidose osseuse est une affection rare représentant 0,5 à 2% malgré son caractère endémique dans les pays du Maghreb [1]. Les localisations rachidiennes sont les plus graves et les plus fréquentes des lo-calisations osseuses, liées vraisemblablement à la richesse vasculaire du rachis [3]. Le diagnostic est souvent tardif par son manque de spécificité et sa latence clinique et soulève des problèmes diagnostiques résolus ces dernières années par l’avènement de l’imagerie par résonance magnétique (IRM). L’examen anatomopa-thologique permet de confirmer le diagnostic de l’hydatidose osseuse.

Observation

Il s’agissait d’un patient âgé de 26 ans, sans antécédants pathologiques notables, admis dans un tableau de compression médullaire lente, chez qui l’examen neurolo-gique trouvait une lourdeur des 2 membres inférieurs, avec paraparésie grade C de FRANCKEL, et un niveau sensitif D4. L’IRM médullaire objectivait la présence d’une lésion kystique ostéolytique du corps vertébral et de l’arc postérieur allant de la deu-xième vertèbre dorsale jusqu’à la cinquième vertèbre dorsale responsable d’une compression médullaire avec une extension dans les parties molles para vertébrales, évoquant un kyste hydatique.

Kyste hydatique vertébral : à propos d’un cas et revue de la littérature Figure 1
Figure 1. Membrane hydatique au sein des travées osseuses régulières. (HES x 10)

A posteriori, l’interrogatoire retrouvait une notion de contact avec les chiens. La ra-diographie thoracique et l’échographie abdominale n’objectivaient pas de localisa-tion pulmonaire ou hépatique. Le patient avait reçu un traitement à base d’Albendazole à la dose de 10 mg/kg/j en deux prises durant deux jours avant l’intervention chirurgicale. Le geste chirurgical était une décompression par laminec-tomie et kystectomie avec ostéosynthèse.

Kyste hydatique vertébral : à propos d’un cas et revue de la littérature Figure 2
Figure 2. La cuticule qui est lamellaire, anhiste, et peu colorable. (HES x20)

L’examen anatomo-pathologique révélait une paroi de kyste au sein des travées os-seuses (figure 1), elle est formée par une double couche, interne correspondant à la membrane proligère nucléée (figure 3) et une seconde couche située à l’extérieure de la précédente correspondant à la cuticule qui était lamellaire, anhiste, et peu colo-rable (figure 2).

Kyste hydatique vertébral : à propos d’un cas et revue de la littérature Figure 3
Figure 3. La membrane proligère nucléée (flèche) et la cuticule anhiste au-dessous. (HES x 40)

Le traitement médical par Albendazole à la dose de 10 mg/kg/j était repris en posto-pératoire au long cours.

Discussion

L’hydatidose est une anthropozoonose due au développement chez l’Homme de la forme larvaire d’un cestode de l’espèce échinoccocus granulosis. Elle touche préfé-rentiellement le foie et le poumon. L’hydatidose vertébrale est rare et ne représente que 1 à 2% de toutes les localisations même en zones d’endémie. Elle reste la loca-lisation la plus fréquente et la plus grave des hydatidoses osseuses (45%) [1]. La localisation vertébrale est le plus souvent primitive, ceci peut s’expliquer par la ri-chesse de la vascularisation vertébrale et/ou par le phénomène de l’embolie parado-xale. L’augmentation brutale de la pression intra-abdominale, provoque le drainage du sang des veinules du système porte dans le plexus rachidien. Du fait de cette in-version de courant veineux, l’embryon hexacanthe parviendrait au tissu spongieux vertébral en évitant le filtre hépatique et pulmonaire [2]. La localisation dorsale est la plus fréquente (80%), rarement lombaire (18%) et exceptionnellement cervicale [1], [2].

L’hydatidose vertébrale atteint souvent le sujet jeune entre 10 et 30 ans, avec une légère prédominance masculine (60%) [3]. L’atteinte hydatique rachidienne est sou-vent primitive, alors que les lésions médullaires sont secondaires à la migration des vésicules hydatiques à travers les trous de conjugaison ou à des destructions os-seuses [4], les larves affrontées à la résistance mécanique de l’os se développent par vésiculation exogène, les espaces sous-périostés sont progressivement envahis [3]. Les manifestations cliniques sont prédominées par le syndrome rachidien, et le syndrome neurologique réalisant un tableau de compression médullaire lente [5]. La tomodensitométrie traduit l’ostéopathie hydatique par des images hypodenses, plus ou moins bien limitées, de taille et de forme variables, de densité inférieure à celle de l’os [6]. L’IRM est actuellement l’examen de choix devant toute compression médul-laire, elle permet d’étudier directement le contenu canalaire, d’apprécier le degré de souffrance médullaire et de préciser les rapports des vésicules hydatiques avec le fourreau dural [7].

L’examen histopathologique confirme le diagnostic d’hydatitose. L’analyse des coupes en paraffine après coloration standard par l’hématéine-éosine-safran (HES), montre une paroi kystique faite de trois couches qui peuvent être identifiés dans la paroi du kyste hydatique: une couche adventitielle externe ou périkyste qui se com-pose d'un tissu fibreux contenant de nombreux polynucléaires éosinophiles, une couche intermédiaire correspond à la cuticule qui est lamellaire, peu colorable, et an-histe, et une couche interne germinative ou proligère, nucléée. C'est la couche ger-minale qui bourgeonne dans la lumière du kyste donnant naissance à des vésicules filles contenant des scolex. Le nombre de scolex augmente dans les kystes filles au fil du temps, ce qui provoque l'élargissement du kyste [3].

Le traitement de l’hydatidose vertébrale ne peut être que chirurgical permettant l’éradication aussi complète que possible des lésions rachidiennes et extra-rachidiennes. Son indication et ses résultats dépendent de l’étendue des lésions, de leur localisation et de la présence ou non de complications [7] Le traitement médical par les antihelminthiques n’a pas encore fait ses preuves dans la localisation verté-bro-médullaire.

Les récidives sont très fréquentes (30 à 40% des cas) et la mortalité se situe entre 3 et 14% [5].

L’idéal dans notre pays est de développer les moyens de prophylaxie ; celle-ci doit s’exercer à tous les niveaux de la chaîne épidémiologique. Il faut lutter contre la con-tamination de l’homme et protéger l’hôte intermédiaire (les herbivores) et définitif (le chien).

Conclusion

La localisation vertébrale du kyste hydatique est rare, mais grave, du fait de ses con-séquences sur le pronostic fonctionnel neurologique. Le diagnostic est souvent tardif vue l’absence de signes cliniques spécifiques. Son évolution est insidieuse marquée par la fréquence des récidives ce qui rend le pronostic sombre. Le meilleur traite-ment est la prévention de la maladie.

Références
  1. Bamouni A, Cottier J, Gallas S, Brunereau L, Bibi R, Vinikoff-Sonier C, et al. [Quid? Bone hydatidosis]. J Radiol. 2001;82:1743-5 pubmed
  2. Hamdan T. Hydatid disease of the spine: a report on nine patients. Int Orthop. 2012;36:427-32 pubmed publisher
  3. Lotfinia I, Sayyahmelli S, Mahdkhah A, Shoja M. Intradural extramedullary primary hydatid cyst of the spine: a case report and review of literature. Eur Spine J. 2013;22:S329-36 pubmed publisher
  4. Lakhdar F, Arkha Y, Rifi L, Derraz S, El Ouahabi A, El Khamlichi A. Spinal intradural extramedullary hydatidosis: report of three cases. Neurosurgery. 2009;65:372-6; discussion 376-7 pubmed publisher
  5. Lezar S, Adil A, Zamiati W, Kadiri R. Hydatidose vertébrale (à propos de 22 cas). Rev Maroc Chir orthop traumato. 2006 ; 27 : 14-17.
  6. Abdelmoula Cheikhrouhou L, Amira C, Chaabouni L, Ben Hadj Yahia C, Montacer Kchir M, Zouari R. [Vertebral hydatidosis: medical imaging and management. A case report]. Bull Soc Pathol Exot. 2005;98:114-7 pubmed
  7. El Quessar A, Jroundi L, Tizniti S, Chakir N, El Hassani M, Jiddane M. [CT and MRI features of spinal hydatidosis. A report of 8 cases]. J Radiol. 2001;82:917-21 pubmed
ISSN : 2334-1009