Rhinolithase : à propos d’une observation
Smail Kharoubi (s_kharoubi at yahoo dot fr)
Orl des Hopitaux, Universite Badji Mokhtar. Annaba 23000 Algerie
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.2.1300
Date
2015-01-17
Citer comme
Research fr 2015;2:1300
Licence
Résumé

La rhinolithiase est une affection peu fréquente résultant de l’accumulation de substances organiques et minérales isolément ou à partir d’un corps étranger négligé ou méconnu. Une rhinorrhée unilatérale chronique parfois fétide est le principal symptôme. L’endoscopie nasale permet le diagnostic. Elle nécessite une extraction le plus souvent par les voies naturelles et sous anesthésie générale. L’évolution est globalement favorable.

English Abstract

Rhinolithiasis is a rare condition resulting from the accumulation of organic and inorganic substances or in presence of overlooked foreign body. Chronic unilateral rhinorrhea is the primary symptom of this condition. The diagnosis is confirmed by nasal endoscopy. It requires endonasal extraction under general anesthesia. Outcomes are generally favorable.

Introduction

La rhinolithiase correspond à une concrétion solide par dépôt progressif de sels calcaires autour d’une fondation centrale résorbable ou non de forme et de dimensions variables [1]. C’est une pathologie rare souvent négligée ou méconnue et se traduit essentiellement par une rhinorrhée trainante unilatérale. L’endoscopie nasale permet d’en faire le diagnostic. L’imagerie (scanner) est intéressante pour le diagnostic positif mais surtout pour mettre en évidence les anomalies anatomiques voire des pathologies (tumeurs) associées.

Rhinolithase : à propos d’une observation Figure 1
Figure 1. Scanner Coupe Axiale : rhinolithe au niveau de 1/3 moyen de la fosse nasale droite.
Observation clinique

Patiente DR, âgée de 17 ans consulte pour une rhinorrhée unilatérale droite associée à une obstruction nasale. Le début apparent semble remonté à 3 ans marqué par l’installation progressive d’une obstruction nasale partielle au début associée à une rhinorrhée unilatérale.

Rhinolithase : à propos d’une observation Figure 2
Figure 2. Scanner Coupe Coronale : opacité calcique bien limitée avec une clarté centrale.

L’anamnèse ne retrouvait pas d’antécédents particuliers. Malgré plusieurs traitements il y avait une persistance de la rhinorrhée purulente par intermittence unilatérale avec épistaxis minime.

L’examen endonasal à l’optique rigide 0° avant montré une congestion diffuse de la muqueuse pituitaire et des sécrétions muco purulentes au niveau du plancher nasal. Après aspiration on avait noté une « masse grisâtre » à surface rugueuse occupant l’espace inter septo turbinal. Le toucher au stylet avait noté le caractère très dur (pierreux) avec la sensation de crépitation.

Rhinolithase : à propos d’une observation Figure 3
Figure 3. Scanner Coupe Sagittale : rapports du rhinolithe au plancher, cornet inférieur et septum nasal.

L’examen tomodensitométrique du massif facial avait montré en coupe axiale une image de densité calcique de 20mm à limites nettes incarcérée entre la cloison et le cornet inférieur droit. En coupe coronale on notait une image claire au centre de cette calcification.les cavités sinusiennes étaient sans particularités (Figures 1, 2, 3). Le diagnostic d’une rhinolithiase de la fosse nasale droite était posé. Il n’y avait pas de notion de corps étranger nasal antérieur. Une extraction a été faite sous anesthésie générale, un crochet ayant permis de ramener le rhinolithe d’arrière en avant (Figure 4). Une vérification endoscopique avait montré une vacuité totale de la fosse nasale droite. L’évolution était favorable après 5 mois de recul.

Rhinolithase : à propos d’une observation Figure 4
Figure 4. Rhinolithe après extraction.
Commentaires

La pathologie lithiasique en ORL peut concerner les fosses nasales réalisant une rhinolithiase ou sinusiennes (sinus maxillaire) ; antrolithiase. Elle est rare dans les pays développés et fait rarement l’objet de publications.

La première description de rhinolithiase était rapportée par BARTHOLIN en 1654 [2]. En 1943 POLSON avait colligé 380 cas [3]. On peut estimer à 800 le nombre de cas publié dans la littérature.

Sur le plan pathogénique on reconnait les rhinolithiases primitives (endogènes) ou le substratum anatomique est constitué de débris de lyse et desquamation cellulaire associé à des modifications de la viscosité des sécrétions nasales potentialisé par les modifications de la qualité de l’environnement (pollution).

Les rhinolithiases secondaires (exogènes) se constituent à partir d’un corps étranger organique ou non organique méconnu ou négligé (perle, débris de jouet, dent ectopique, éponge chirurgicale) [4] [5].une rhinolithiase développée plusieurs années après une ostéotomie du maxillaire a été rapportée [6].

GHANBARI avait publié une observation d’une rhinolithiase secondaire développée à partir d’un corps étranger nasal insolite ; une mixture de codéine, opium enrobés dans du nylon chez un patient âgé de 21 ans [7]. Le délai de constitution du rhinolithe est très variable de quelques mois à plusieurs années (80 ans) [8]. Elle peut se voir à tout âgé (30 – 50 ans) avec une légère prédominance féminine [9].

Sur le plan clinique, la symptomatologie est dominée par une rhinorrhée unilatérale trainante majorée par les poussées de réchauffement parfois fétide. Ailleurs il peut s’agir d’une obstruction nasale, épistaxis répétée (surinfection), cacosmie, rhinite vestibulaire, dacryocystite [1]. La rhinoscopie permet d’évoquer le diagnostic. Elle montre une masse spiculée jaune-grisâtre de forme et de taille variable au niveau de l’espace inter septo turbinal. Il y a des sécrétions associées avec une congestion diffuse. La mobilisation de cette masse est douloureuse et déclenche un saignement. Deux caractères cliniques permettent de confirmer le diagnostic : l’aspect très dur (consistance pierreuse) et la sensation de crépitation lors de l’exploration au stylet boutonné [1] [10]. L’endoscopie permet un bilan lésionnel : perforation septale [10], synéchie, granulome, polype réactionnel.

L’imagerie est intéressante et permet une iconographie illustrée. La radiographie standard (incidence Blondeau, Profil strict) peut monter une opacité de densité calcique au niveau du plancher nasal.

Le scanner des cavités naso sinusiennes est l’examen de choix, le rhinolithe est de forme et de taille variable, de densité calcique (souvent un centre clair), son siège, la réaction des structures environnantes (cavité sinusienne, septum nasal), le dépistage des lésions associées (rhinosinusite, corps étranger radio opaque, anomalies anatomiques pré disposantes) et évalue les possibilités d’extraction du rhinolithe.

Il existe une grande variabilité de formes cliniques : anatomiques, rhinolithe géant à partir de 35 mm, ABU – JAUDEH avait rapporté un rhinolithe géant de 116 gr [11], les formes bilatérales varies (rares, un rhinolithe dans chaque fosse nasale) ou à cheval sur les deux cavités nasales par perméation septale [10] [12]. Les rhinolithes des cavités sinusiennes [13], les rhinolithes associés à un polype nasal [14], à une fistule bucco sinusienne, à une mycose (aspergillose) [15], à une malformation (imperforation choanale) [16] ou une tumeur maligne [17].

Le diagnostic différentiel comporte les ostéomes, les séquestres osseux (syphilis, radiothérapie), un polype calcifié, un ostéosarcome ou un chondrosarcome [1].

L’évolution se fait vers la chronicité avec pérennisation de l’infection et possibilités de complications de voisinage. Il s’agit surtout de complications infectieuse ; sinusites, ostéomyélite du frontal, abcès palpébral, phlegmon de l’orbite, méningite, abcès épidural parfois trophiques (perforation septale, fistule bucco sinusienne) [1] [18] [19] [20] Une élimination du rhinolithe (éternuement) est possible.

Les récidives sont exceptionnelles. DOGAN a rapporté une observation d’une rhinolithiase récidivante 7 ans près une première extraction du rhinolithe chez un patient âgé de 26 ans ayant un retard mental. Nous pouvons supposer qu’il s’agit dans ce cas de corps étranger négligé ayant entrainé une rhinolithiase de type secondaire vu le terrain particulier. Une rhinolithiase primitive récidivante nécessite une étude approfondie : clinique, imagerie, exploration fonctionnelle nasale (tapis muco ciliaire nasal) et de l’environnement du patient (profession, conditions de séjour). Cette situation peut ouvrir le débat sur le concept de « Nez Rhinolithogène » [21].

L’extraction du rhinolithe par voie endonasale (endoscopique) est l’attitude habituelle. Un crochet permet de le ramener d’arrière en avant évitant le risque de son déplacement postérieur et sa chute vers les voies aériennes. La pince entraine souvent sa fragmentation mais peut être nécessaire devant un rhinolithe volumineux ou en cas d’obstacle associé (déviation septale antérieure). Une anesthésie générale est souvent indiquée car le geste est douloureux en plus du confort du patient et du praticien évitant les traumatismes répétés de la muqueuse nasale. Elle permet aussi des gestes associés ; exérèse d’un polype, d’un granulome une septoplastie ou une turbinoplastie. Un abord chirurgical externe (rhinotomie sous labiale, degloving) est exceptionnellement nécessaire et peut se justifier en raison des dimensions du rhinolithe, de présentation anatomique particulière voire de pathologie associée.

La lithotripsie bien que rapportée par certains auteurs n’est pas un standard thérapeutique [22].

L’étude biochimique du rhinolithe permet de connaitre sa composition. Il s’agit généralement d’un mélange de substance organique 30% (acide glutamique, glycine) et de substance non organique 70 à 80% des cas sous forme de sels minéraux : phosphates, carbonates de calcium, magnésium, fer, aluminium [1]. Une étude bactériologique du rhinolithe avait isolé morganella morganii et klebsiela pneumoniae [23].

Un examen endoscopique à distance est souhaitable afin de vérifier l’intégrité de la fosse nasale, l’absence de synéchies cicatricielles ou une lésion associée bénigne ou maligne.

Conclusion

La rhinolihiase demeure une affection peu habituelle diagnostiquée souvent par endoscopie endonasale et : ou imagerie (scanner) dans le cadre de l’exploration d’une symptomatologie nasale unilatérale trainante et récidivante. Une fois reconnue, et en absence de lésions associées, son extraction par les voies naturelles conduit à la guérison.

Références
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ISSN : 2334-1009