Cause rare de dyspnée chez l’enfant : le neurofibrome plexiforme du larynx
Ismail Barhmi (ismailbarhmi at gmail dot com) #, Lahssen Eljahd, Nabil Tazi, Sami Rouadi, Reda Abada, Mohammed Roubal, Mohamed Mahtar
Service d’orl et chirurgie cervico-faciale hôpital, 20 Août 1953, CHU Ibn rochd, Casablanca, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.1116
Date
2014-10-27
Citer comme
Research fr 2014;1:1116
Licence
Résumé

Le neurofibrome plexiforme est une tumeur bénigne, développée à partir des cellules conjonctives du périnèvre, souvent associée à la neurofibromatose de type 1 ou maladie de Von Recklinghausen. L’atteinte laryngée dans la neurofibromatose est rare. Elle se manifeste généralement par des symptômes respiratoires obstructifs. Nous rapportons l’observation médicale d’une enfant âgée de 4 ans, qui présentait une dyspnée de type inspiratoire. A l’examen physique, on trouvait un tirage sus sternal et un battement des ailes du nez, sans signe de gravité. La laryngoscopie a révélé une masse obstruant totalement le vestibule laryngé. L’examen anatomo-pathologique du tissu réséqué a mis en évidence un neurofibrome plexiforme après examen immunohistochimique.

English Abstract

The plexiform neurofibroma is a rare benign tumor which is often associated to type 1 neurofibromatosis or Von Recklinghausen’s disease. The laryngeal involvement in neurofibromatosis is rare and usually manifested by obstructive respiratory symptoms. We report the case of a 4 year-old child who presented with inspiratory dyspnea. On physical examination there was a sternal extra draw and a flaring nose without signs of severity. Laryngoscopy revealed a mass obstructing completely the laryngeal vestibule. Pathological examination of the resected tissue revealed a plexiform neurofibroma after immunohistochemical examination.

Introduction

Le neurofibrome plexiforme est une tumeur bénigne des nerfs périphériques, constituée aux dépens des cellules conjonctives du périnèvre. Souvent considéré comme pathognomonique de la neurofibromatose de type 1 (NF1 ou maladie de Von Recklinghausen). Cette tumeur se présente habituellement comme une lésion sous-muqueuse, dont les signes révélateurs sont ceux de toute tumeur laryngée obstructive (dysphonie et dyspnée). Le scanner et l’IRM sont très utiles pour le diagnostic et le bilan d’extension de cette lésion dont le traitement reste avant tout chirurgical.

Nous rapportons le cas clinique d’un neurofibrome plexiforme du larynx découvert chez un enfant. Nous analysons ensuite les aspects diagnostiques et thérapeutiques de cette tumeur.

Cause rare de dyspnée chez l’enfant : le neurofibrome plexiforme du larynx Figure 1
Figure 1. Multiples tâches café au lait au niveau de l’abdomen et la fosse iliaque gauche.
Observation

Une fillette âgée de 4 ans a été admise dans notre service avec des symptômes respiratoires obstructifs. Elle avait les antécédents de stridor laryngé depuis la naissance, plus intense lors de l’activité physique et des cris, associé à une dyspnée progressive et des ronflements nocturnes.

L'examen physique a montré des signes de lutte respiratoire à type de tirage sus-sternal et battement des ailes du nez. L’auscultation a trouvé une tachycardie avec des râles ronflants. La saturation artérielle en oxygène était à 92%.

Cause rare de dyspnée chez l’enfant : le neurofibrome plexiforme du larynx Figure 2
Figure 2. Masse obstruant le vestibule laryngé à la nasofibroscopie.

L’examen cutanéo-muqueux a mis en évidence de multiples tâches « café au lait » au niveau de l’abdomen et la fosse iliaque gauche (Figure 1). La nasofibroscopie souple a trouvé une masse obstruant le vestibule laryngé (Figure 2). Une trachéotomie était indiquée après la nasofibroscopie pour améliorer la fonction respiratoire. La radiographie thoracique était sans particularité. La laryngoscopie directe a révélé une tumeur aux dépens de la face laryngée de l’épiglotte obstruant totalement le vestibule laryngé. La base de langue et les vallécules étaient libres.

Tomodensitométrie :

La tomodensitometrie a mis en évidence une masse endolaryngée hypodense refoulant en avant l’épiglotte. Les cartilages laryngés ne sont pas individualisés. (Figure 3).

Cause rare de dyspnée chez l’enfant : le neurofibrome plexiforme du larynx Figure 3
Figure 3. La TDM laryngée a mis en évidence une masse infiltrant la totalité du larynx.

Un abord chirurgical par une pharygotomie transvallécullaire supra-épiglotique a permis la découverte d’une masse non extirpable. Une résection incomplète de la tumeur était réalisée (Figure 4). Le diagnostic anatomo pathologique après étude immunohistochimique était en faveur d’un neurofibrome plexiforme.

Cause rare de dyspnée chez l’enfant : le neurofibrome plexiforme du larynx Figure 4
Figure 4. Résection partielle d’une masse non extirpable siégeant au niveau de la face laryngée de l’épiglotte.
L’évolution

L’évolution était marquée par l’amélioration des signes respiratoires et la disparition de la dyspnée du stridor laryngé et des ronflements nocturnes. 20 jours après le geste opératoire, la canule de trachéotomie était retirée sans incident.

Discussion

Le neurofibrome plexiforme est une tumeur bénigne du périnèvre des nerfs périphériques. Il est constitué d’une prolifération des cellules de Schwann disposées dans un tissu myxoïde [1]. La présence d’anticorps anti-neurofilaments au sein de la prolifération peut aider au diagnostic. Le fond myxoïde est d’abondance variable. La forme cellulaire peut mimer un schwannome.

Les deux entités sont rares et comprennent seulement environ 0,1 % à 1,5 % de toutes les tumeurs laryngées bénignes [2]. En 1930, le premier cas a été annoncé par Colledge [1]. Seulement 20 cas ont été publiés par Chang-Lo en 1977 [2]. Jusqu'à 1996 il y avait seulement 35 cas publiés dont 19 étaient pédiatriques [3] Les neurofibromes du larynx sont localisés généralement dans la région supra-glottique (aryténoides et pli ary-épiglottique) [4], en raison de l'abondance des nerfs sensitifs à cet emplacement.

Les signes cliniques du neurofirome plexiforme de localisation laryngée sont ceux rencontrés habituellement dans toute tumeur laryngée : le patient présente une dysphonie, une sensation de boule dans la gorge, la dysphagie, la dyspnée d'effort et le stridor [5] [6] [7]. Quelques patients se plaignent de la dyspnée dans la position couchée sur le dos qui semble être associée à l'emplacement de la lésion.

Le diagnostic différentiel du neurofibrome du larynx inclut toutes les tumeurs laryngées qui causent un stridor lors de la phase inspiratoire. Le diagnostic différentiel d’une tumeur laryngée chez un enfant inclut le kyste du pli ary-épiglottique, le laryngocèle, le lipome, le neurinome, le neurofibrome, le paragangliome, le tératome et l’harmatome. Le premier diagnostic à évoquer chez un nouveau-né est la laryngomalacie.

Pour la prise en charge thérapeutique, la plupart des auteurs favorisent des approches externes avec des dispositions des voies aériennes alternatives comme une trachéotomie préliminaire.

La chirurgie le choix du traitement, dépend de l'emplacement et la taille de la tumeur. Plusieurs interventions chirurgicales ont été décrites. La technique endoscopique trans-orale par une laryngoscopie de suspension est utilisée pour des tumeurs petites, bien définies.

D'autre part, des techniques ouvertes comme la laryngofissure latérale, la pharyngotomie latérale et la laryngo-fissure ont été préconisées. Ces approches garantiraient une exposition plus large et une ablation complète pour de grandes tumeurs [9].

La morbidité chirurgicale inclut l'hémorragie, la lésion cicatricielle avec ou sans sténose laryngée, la paralysie vocale et l'oedème pulmonaire post-opératoire [9].

Dans notre cas la tumeur la tumeur était énorme et obstruait totalement le vestibule laryngé. La technique ouverte par pharyngotomie laterale était préconisée l'hémostase et l'œdème étaient minime en postopératoire, mais la patiente a développé des fausses routes alimentaires qui ont nécessité la mise en place d’une sonde naso-gastrique. Les fausses routes ont disparu deux semaines après.

Conclusion

Le neurofibrome du larynx chez l’enfant est une tumeur très rare révélée par des signes respiratoires à type de dyspnée et stridor. Il faut l’évoquer devant une tumeur de la margelle laryngée d’allure bénigne. L’imagerie comprenant la TDM et/ou l’IRM apporte une aide précieuse pour le diagnostic et le bilan d’extension de la lésion. Le traitement est basé sur une chirurgie conservatrice par voie cervicale ou endoscopique.

Déclaration
Conflits d’intérêts :

Aucun conflit d’intérêt.

Contributions des auteurs :

Tous les auteurs ont participé à la prise en charge de la patiente, et à la réalisation de l’article. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

Références
  1. Peltonen J, Jaakkola S, Lebwohl M, Renvall S, Risteli L, Virtanen I, et al. Cellular differentiation and expression of matrix genes in type 1 neurofibromatosis. Lab Invest. 1988;59:760-71 pubmed
  2. Weiss SW, Goldbum JR, editors. Enzinger and weiss’s soft tissue tumors.5th ed, Elseiver; 2008, p827-8.
  3. Friedman J, Birch P. Type 1 neurofibromatosis: a descriptive analysis of the disorder in 1,728 patients. Am J Med Genet. 1997;70:138-43 pubmed
  4. Huson S, Harper P, Compston D. Von Recklinghausen neurofibromatosis. A clinical and population study in south-east Wales. Brain. 1988;111:1355-81 pubmed
  5. Lin V, Daniel S, Papsin B. Button batteries in the ear, nose and upper aerodigestive tract. Int J Pediatr Otorhinolaryngol. 2004;68:473-9 pubmed
  6. Pinson S, Wolkenstein P. [Neurofibromatosis type 1 or Von Recklinghausen's disease]. Rev Med Interne. 2005;26:196-215 pubmed
  7. Heuze Y, Piot B, Mercier J. [Difficult surgical management of facial neurofibromatosis type I or von Recklinghausen disease in children]. Rev Stomatol Chir Maxillofac. 2002;103:105-13 pubmed
  8. Chang-Lo M. Laryngeal involvement in Von Recklinghausen's disease: a case report and review of the literature. Laryngoscope. 1977;87:435-42 pubmed
  9. Masip M, Esteban E, Alberto C, Menor F, Cortina H. Laryngeal involvement in pediatric neurofibromatosis: a case report and review of the literature. Pediatr Radiol. 1996;26:488-92 pubmed
ISSN : 2334-1009