Volumineux adénome pléomorphe du palais : particularités histologiques et thérapeutiques
A Aljalil (aljalilabdelfattah at gmail dot com) #, M Touati, M Chihani, B Bouaity, H Ammar
Service d’ORL et de CCF, Hôpital militaire Avicenne, Marrakech, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.2.1442
Date
2015-07-30
Citer comme
Research fr 2015;2:1442
Licence
Résumé

Les formes volumineuses de l’adénome pléomorphe du palais sont rares. Nous rapportons dans ce travail le cas clinique d’un patient qui présentait un énorme adénome pléomorphe du palais dur évoluant depuis 10 ans, associé à un syndrome obstructif des voies aéro-digestives supérieures. Le patient a subi une exérèse totale de la tumeur. Nous discutons dans cet article les particularités histologiques et thérapeutiques de ces formes rares d’adénome pléomorphe du palais.

English Abstract

Voluminous forms of pleomorphic adenoma of the palate are rare. We report in this paper a case of an unusually large pleomorphic adenoma of the hard palate evolving for 10 years leading to an obstructive syndrome of the upper aerodigestive tract. The patient underwent a complete resection of the tumor. We discuss in this article histological and therapeutic features of these rare forms of pleomorphic adenoma of the palate.

Introduction

L’adénome pléomorphe est la tumeur bénigne la plus fréquente des glandes salivaires. Il intéresse le plus souvent les glandes salivaires principales. Lorsqu’il survient au niveau des glandes salivaires accessoires, il siège avec prédilection au niveau du palais sous forme de petite tumeur. Les formes volumineuses, responsables d’un syndrome obstructif, sont très rares. Nous rapportons le cas clinique d’un volumineux adénome pléomorphe du palais tout en rappelant les particularités de cette localisation.

Volumineux adénome pléomorphe du palais : particularités histologiques et thérapeutiques Figure 1
Figure 1. Volumineuse tumeur du palais dur.
Observation

Il s’agit d’un patient âgé de 50 ans, sans antécédent pathologique particulier en dehors d’un tabagisme actif à 38 paquets/années, qui a consulté pour une tumeur du palais évoluant depuis 10 ans en augmentant lentement de volume sans altération de l’état général. Cette tumeur s’est aggravée, quatre mois avant la consultation, par une dyspnée, une dysphagie, une gêne à la mastication et à l’élocution, une rhinolalie et un ronflement. L’examen a mis en évidence une tumeur bosselée, recouverte d’une muqueuse saine, appendue à la partie droite du palais dure (Figure 1), mesurant 6 cm x 4 cm x 4 cm. Cette tumeur refoule la langue en bas, le voile du palais en haut et en arrière et vient au contact de la paroi postérieure de l’oropharynx en arrière. Il n’y avait pas d’adénopathies cervicales associées.

Volumineux adénome pléomorphe du palais : particularités histologiques et thérapeutiques Figure 2
Figure 2. TDM faciale en coupe axiale montrant une tumeur bien circonscrite du palais dur.

Une cytoponction à l’aiguille fine a été réalisée. L’histologie a été en faveur d’une tumeur salivaire bénigne sans aucune précision.

Une tomodensitomètrie a objectivé une tumeur isodense, légèrement hétérogène et bien circonscrite (Figure 2) aux dépends du palais dure, avec de multiples foyers de lyses osseuses.

Volumineux adénome pléomorphe du palais : particularités histologiques et thérapeutiques Figure 3
Figure 3. IRM faciale en coupe sagittale en séquence T1 avec injection de produit de contraste montrant une tumeur polylobée prenant le contraste, refoulant la langue en bas et plaquant le voile du palais contre la paroi postérieure du pharynx.

A l’IRM la tumeur était polylobée hétérogène, hypointense en séquence T1 et hyperintense en T2, se rehaussant bien après injection de produit de contraste (Figure 3). Cette tumeur était bien circonscrite refoulant la langue en bas et plaquant le voile du palais contre la paroi postérieure du pharynx.

Volumineux adénome pléomorphe du palais : particularités histologiques et thérapeutiques Figure 4
Figure 4. Pièce opératoire avec sa muqueuse de recouvrement.

Le consentement du patient a été obtenu après explication éclairée du geste chirurgical. Le bilan pré anesthésique a été réalisé et le patient fut opéré. Après une intubation oro-trachéale difficile, le patient a bénéficié d’une exérèse totale de la tumeur avec coagulation du lit tumorale. La fermeture a été assurée par la fibro-muqueuse palatine. Les suites post opératoires ont été simples. L’examen anatmo-pathologique de la pièce opératoire (Figure 4) a confirmé le diagnostic de l’adénome pléomorphe. Le contrôle clinique, après un recul de quatre années, n’a pas montré de récidive.

Discussion

L’adénome pléomorphe des glandes salivaires accessoires (anciennement appelé tumeur mixte) représente 60% des tumeurs salivaires buccales tout venant [1]. Sa localisation préférentielle est le palais, suivi de la lèvre, la joue et l’oropharynx [2]. Au niveau du palais, cette tumeur intéresse le plus souvent la partie latérale (comme le cas de notre patient) ; la ligne médiane et le voile sont exceptionnellement atteints [1].

La richesse de la sous muqueuse du palais en glandes salivaires accessoires explique la fréquence élevée des tumeurs bénignes et malignes dans ce site anatomique [3].

Histologiquement, l’adénome pléomorphe se caractérise par un polymorphisme cellulaire avec présence de cellules myoépithéliales, épithéliales et stromales, d’où le nom de tumeur mixte [1, 3]. Au niveau de la cavité buccale, cette tumeur a pour particularité de ne pas être encapsulée et le contact des cellules tumorales avec les cellules adipeuses, ou musculaires ne doit pas en imposer pour un carcinome infiltrant [4].

Sur le plan clinique, il s’agit généralement d’une tumeur sous muqueuse de petite taille, indolore, bosselée et recouverte d’une muqueuse normale sans inflammation péri-tumorale [1, 3]. La croissance est lente dans la majorité des cas, mais des observations d’adénome pléomorphe géant, évoluant sur plusieurs années, ont été décrites notamment au Japon [5]. Ces formes géantes sont responsables d’un syndrome obstructif des voies aéro-digestives supérieures avec dysphagie, dyspnée, ronflement et rhinolalie, comme il est le cas de notre patient. Leur exérèse complète devient délicate et le risque de récidive et de dégénérescence carcinomateuse devient grand [4, 5].

La cytoponction à l’aiguille fine doit être réalisée au préalable, elle permet une orientation diagnostique avant l’acte opératoire. La tomodensitométrie et l’imagerie par résonnance magnétique permettent de mettre en évidence les érosions osseuses et d’établir un bilan d’extension local et locorégionale. Elles doivent être réalisées avant toute intervention chirurgicale d’autant plus que la tumeur est volumineuse [3, 5].

En fin, l’exérèse chirurgicale complète avec excision de la muqueuse de recouvrement et coagulation du lit tumorale fournira le diagnostic définitif et permettra le traitement de cette remarquable tumeur des glandes salivaires [1, 3, 6]. Cette exérèse complète est rendue difficile, quand il s’agit de tumeurs volumineuses, par l’absence de capsule et l’infiltration des glandes salivaire accessoires entre les fibres musculaires et les pannicules adipeux. Elle peut nécessiter le recours à des lambeaux de reconstruction en cas d’excision muqueuse importante [7].

Conclusion

L’adénome pléomorphe volumineux du palais est une entité rare qui peut poser des difficultés chirurgicales. Son pronostic est généralement bon, mais reste marqué par un risque élevé de récidive après chirurgie et de dégénérescence carcinomateuse imposant une prise en charge chirurgicale précoce.

Déclaration
Contribution des auteurs :

Abdelfattah Aljalil a participé à la prise en charge thérapeutique du patient et a rédigé l’article. Mohamed Touati et Mehdi Chihani ont participé à la prise en charge du patient. Brahim Bouaity et Haddou Ammar ont participé à la prise en charge thérapeutique du patient et ont contribué à la correction finale de l’article. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

Références
  1. - Gleizal A, Merrot O, Bouletreau P. Affections vélopalatines. EMC-Stomatologie. 2005 ; 1(2) :141–161.
  2. El Kohen A, Essakalli L, Kzadri M, Sefiani S, Seffar Andaloussi Z. [Pleomorphic adenoma of the tongue base]. Rev Stomatol Chir Maxillofac. 2007;108:215-7 pubmed
  3. Lowry T, Heichel D. Pleomorphic adenoma of the hard palate. Otolaryngol Head Neck Surg. 2004;131:793 pubmed
  4. - Uro-Coste E. Particularités des tumeurs des glandes salivaires accessoires. Ann Pathol. 2007; 27 (HS1):76-78.
  5. Sasaki T, Imai Y, Iwase H, Takimoto T. Massive tumour arising from the hard palate after excision of a pleomorphic adenoma. Br J Oral Maxillofac Surg. 2003;41:360-2 pubmed
  6. Lomeo P, Finneman J. Pleomorphic adenoma of the soft palate. Otolaryngol Head Neck Surg. 2001;125:122 pubmed
  7. Yilmaz A, Unlü E, Orbay H, Sensoz O. Giant pleomorphic adenoma of soft palate leading to obstruction of the nasopharyngeal port. J Craniofac Surg. 2006;17:1001-4 pubmed
ISSN : 2334-1009