Granulome de Majocchi chez une femme enceinte
Inani Kawtar1 (docteurkawtar at gmail dot com), Gallouj Salim1, Meziane Mariame1, Hadj Iman1, Mernissi Fatimazahra1, Ameurtesse Hassania2, Souaf Ihsane2, Harmouch Taoufiq2
1 Service de dermatologie CHU HASSAN II FES MAROC. 2 Service d’anatomopathologie CHU HASSAN II FES MAROC
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.926
Date
2014-07-01
Citer comme
Research fr 2014;1:926
Licence
Résumé

Le granulome de Majocchi (GM) est dû à une colonisation trichophytique profonde des follicules pileux, et se rencontre essentiellement chez les patients sous traitement immunosuppresseur. Son traitement repose sur les antifongiques locaux et systémiques. Nous rapportons l’observation d’une patiente enceinte, présentant un GM au niveau du cuir chevelu. Nous analysons les aspects cliniques, histologiques, et pathogéniques de cette rare entité.

English Abstract

Majocchi Granuloma (MG) is secondary to deep trichophytic colonization of pilous follicles, and is mainly seen on patients under immunosuppressive drugs. The treatment is based on local and systemic antifungals. We report the case of a pregnant patient with MG in the scalp. We analyze the clinical, histological and pathogenic characteristics of this rare disease.

Introduction

Le GM est une dermatophytose profonde rare, qui siège habituellement au niveau des membres et du visage. Nous rapportons un cas de GM chez une femme enceinte, âgée de 35 ans. Ce cas clinique avait la particularité de sa localisation au niveau du cuir chevelu, ainsi que sa bonne évolution sous traitement antifongique local, avec une régression complète des lésions 6 mois après l’accouchement. Ce tableau est, à notre connaissance, rapporté pour la première fois dans la littérature.

Granulome de Majocchi chez une femme enceinte Figure 1
Figure 1. Tumeur de 6 cm siégeant au niveau du vertex.
Observation

Patiente de 35 ans, enceinte de 10 SA, grossesse bien suivie, qui se plaignait depuis 4 mois d’un prurit localisé au niveau du vertex, qui s’est aggravé depuis 2 mois, par l’apparition de lésions nodulaires augmentant rapidement de taille, pour lesquelles la patiente n’a reçu aucun traitement.

Granulome de Majocchi chez une femme enceinte Figure 2
Figure 2. Infiltrat inflammatoire fait de lymphocytes, de plasmocytes et de polynucléaires neutrophiles, périfolliculaires, grignotant par endroits les ostiums folliculaires (HES x 10).

L’examen trouvait des nodules érythémateux de consistance ferme, alopéciques, au nombre de deux au niveau pariétal, et confluant au niveau du vertex, donnant l’aspect d’une tumeur de 6/4 cm (figure 1), le signe de traction était positif. La dermoscopie a objectivé des vaisseaux en épingle à cheveux irréguliers et en points, chose qui nous a poussé à réalisé une biopsie cutanée, qui a montré un infiltrat inflammatoire fait de lymphocytes, de plasmocytes et de polynucléaires neutrophiles, périfolliculaires, grignotant par endroits les ostiums folliculaires (figure 2).

Granulome de Majocchi chez une femme enceinte Figure 3
Figure 3. Persistance de plaques alopéciques non cicatricielles en post partum.

L’examen mycologique des poils a mis en évidence la présence d’un trichophyton verrucosum. Les sérologies HIV et des hépatites B et C étaient négatives. Le diagnostic d’un GM a été retenu, la patiente a reçu un traitement antifongique local, associé aux mesures d’hygiène, et ceci dans l’attente d’un traitement antifongique systémique, après l’accouchement. L’évolution était marquée par une régression partielle des lésions en post partum, avec persistance de plaques alopéciques non cicatricielles (figure 3), et une régression totale avec repousse des cheveux, 6 mois après l’accouchement (figure 4). Et ceci sous traitement local seul.

Granulome de Majocchi chez une femme enceinte Figure 4
Figure 4. Régression complète des lésions 6 mois après l’accouchement.
Discussion

La dermatophytose est une infection mycosique superficielle, avec colonisation de la couche cornée. Quand l’atteinte devient profonde avec un envahissement du follicule pileux, on parle alors de GM trichophytique [1].

Le GM se présente sous forme de papules, pustules et nodules, siégeant habituellement au niveau des membres et du visage [1] [2] [3]. L’atteinte du cuir chevelu n’a été rapportée que dans deux observations [2]. Les germes les plus souvent retrouvés sont : le trichophyton rubrum, le trichophyton verrucosum, le trichophyton violaceum, le trichophyton tonsurans, le trichophyton mentagrophytes, et le Mycosporum canis [2] [3] [4] [5]. Le diagnostic repose sur la clinique, mais aussi sur l’histologie qui objective selon une étude : un infiltrat inflammatoire périfolliculaire dans 77,7%, des parasites dans 66,6%, et rarement un granulome [2].

Le GM survient sur un terrain d’immunodépression, il s’agit en fait soit d’une immunodépression locale suite à un traitement erroné par les dermocorticoïdes, soit d’une immunodépression générale suite à un traitement immunosuppresseur systémique [3] [5] [6]. Un seul cas a été rapporté chez un patient immunocompétent [5]. Le traitement repose sur les antifongiques par voie systémique pour les formes profuses, et sur les antifongiques locaux pour les formes localisées et discrètes, certains auteurs préconisent les antifongiques systémique pour toutes les formes [2] [3] [4] [5].

Notre patiente présentait un GM, de localisation atypique au niveau du cuir chevelu, ayant régressé sous traitement local seul. Nous pensons que l’immunodépression physiologique de la grossesse était responsable de sa survenue, et de sa présentation clinique pseudo-tumorale. La restitution de l’état immunitaire après l’accouchement pourrait expliquer la régression complète des lésions sous traitement local seul.

Conclusion

Le GM est une forme profonde d’infection dermatophytique, qui peut avoir une présentation atypique en cas d’immunodépression, comme notre patiente. Un prélèvement mycologique doit être demandé devant toute suspicion de dermatophytose, surtout de localisation et de présentation atypique.

Références
  1. Collins M, Lloyd R. Photo quiz. Treatment-resistant plaque on the thigh. Majocchi granuloma. Am Fam Physician. 2011;83:753-4 pubmed
  2. Isa-Isa R, Arenas R, Isa M. Inflammatory tinea capitis: kerion, dermatophytic granuloma, and mycetoma. Clin Dermatol. 2010;28:133-6 pubmed publisher
  3. Elgart M. Tinea incognito: an update on Majocchi granuloma. Dermatol Clin. 1996;14:51-55 pubmed
  4. Kurian A, Haber R. Tinea corporis gladiatorum presenting as a majocchi granuloma. ISRN Dermatol. 2011;2011:767589 pubmed
  5. Amichai B, Grunwald MH, Finkelstein E, Mosovich M,Halevy S. Chronic trichophytic granuloma and abscesses in an immunocompetent patient. J Eur Acad Dermatol Venereol.1997, 9:81–83.
  6. Bressan A, Silva R, Fonseca J, Alves M. Majocchi's granuloma. An Bras Dermatol. 2011;86:797-8 pubmed
ISSN : 2334-1009