Une insuffisance cardiaque globale révélatrice d’un syndrome de Lown Ganong-Levine et d’une cardiomyopathie dilatée
N Diallo1 (docteurdiallo2000 at yahoo dot fr) #, S Coulibaly1, M Diakité1, A Kodio2, AK Sacko1, S Sidibé1, A Diakité1, A Diall3, M Konaté4, M Sako1, S Mariko1, I Diall1, B Diallo1
1 Service de cardiologie, CHU du point G, Bamako, Mali. 2 Service de cardiologie, hôpital régional Nianakoro Fomba, Ségou, Mali. 3 Centre de santé de référence de la commune III, Mali. 4 Service de cardiologie de l’hôpital du Mali
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.5.2586
Date
2018-05-12
Citer comme
Research fr 2018;5:2586
Licence
Résumé

Introduction : La cardiomyopathie dilatée primitive est une cause rare d’insuffisance cardiaque. Son association à un syndrome de préexcitation ventriculaire est très peu décrite. Observation : Nous rapportons le cas d’un jeune garçon de 16 ans, sans antécédent médico-chirurgical ni facteur de risque cardiovasculaire, qui présentait un syndrome d’insuffisance cardiaque globale avec une dyspnée stade IV de la NYHA, une toux productive avec des crachats blanchâtres, une hépatalgie et des oedèmes des membres inférieurs. Les investigations ont conclu à une cardiomyopathie dilatée avec un syndrome de Lown Ganong-Levine et un syndrome d’insuffisance cardiaque globale. Le traitement a été purement médical, faute de plateau technique. Conclusion : La survenue de troubles du rythme cardiaque surtout supraventriculaire constitue la complication habituelle du syndrome de Long Ganong-levine. Elle peut entrainer une cardiomyopathie dilatée ou décompenser une cardiopathie stable.

English Abstract

Introduction: Primary dilated cardiomyopathy is a rare cause of heart failure. Its association with ventricular preexcitement syndrome is poorly described in the literature. Case: A 16-year-old male patient with no medical history or cardiovascular risk factor presented a syndrome of congestive heart failure with NYHA stage IV dyspnea, productive cough with whitish sputum, hepatalgia, and lower extremity edema. Investigations found dilated cardiomyopathy with Lown Ganong-Levin syndrome and overall heart failure syndrome. The treatment was purely medical. Conclusion: Supraventricular arrythmia is the usual complication of Long Ganong-levin syndrome which may lead to dilated cardiomyopathy or decompensate stable heart disease.

Introduction

Selon la classification de l’OMS1995 [1, 2], on distingue les cardiomyopathies dilatées primitives et les atteintes secondaires (ischémiques, valvulaires, hypertensives, inflammatoires, auto-immunes, neuromusculaires, toxiques, du péripartum…). La cardiomyopathie dilatée touche plus fréquemment les hommes que les femmes, entre 20 et 60 ans, avec un pic de fréquence entre 20 et 40 ans. Elle peut également être rencontrée chez les enfants. Sa prévalence est de un cas sur 2 500 personnes avec des formes familiales dans presque un cas sur deux [3]. Le syndrome de Lown-Ganong-Levine (LGL) se caractérise par une voie accessoire qui relie l'oreillette au tissu hissien, court-circuitant le nœud auriculo-ventriculaire. A l'électrocardiogramme l'intervalle PR est court comme dans le syndrome de Wolff-Parkinson-White mais le complexe QRS est normal. Les patients atteints du syndrome de LGL ont le même type d'arythmie que ceux concernés par le syndrome de Wolff-Parkinson-White. L’association de ces deux cardiopathies est très rare et expose le patient à des complications d’où la particularité du cas que nous rapportons ici.

Observation

Monsieur MS âgé de 16 ans, a été adressé au service de cardiologie du CHU du point G le 20/06/17 pour une dyspnée stade IV de la NYHA, une toux productive avec des crachats blanchâtres, une hépatalgie et des œdèmes des membres inférieurs. Il n’avait pas d’antécédent médico-chirurgical ni facteur de risque cardiovasculaire. L’examen physique a retrouvé le patient en bon état général, apyrétique, bonne coloration cutanéo-muqueuse. Le coeur était régulier rapide à 110 battements/min avec un bruit de galop protodiastolique, un souffle d’insuffisance mitrale et une tension artérielle à 110/90mmhg. L’auscultation pulmonaire a noté des râles crépitants bilatéraux. Le reste de l’examen physique retrouvait des signes d’insuffisance cardiaque droite (oedème des membres inférieurs, ascite, hépatomégalie et reflux hépato-jugulaire). Le bilan biologique (NFS, glycémie, créatininémie, TSH-us, VS, CRP, Fibrinémie, sérologies HIV et hépatique) était sans particularité et l’ionogramme sanguin mettait en évidence une hyponatrémie à 120 mmol/L. L’électrocardiogramme a objectivé un rythme sinusal régulier à 100 battements/min, ondes P positives en DI, DII, DIII et aVF, espace PR à 0,06 secondes, QRS fins, une hypertrophie ventriculaire gauche et des troubles de la repolarisation en antéro septal. L’échodoppler cardiaque a conclu à une cardiomyopathie dilatée (diamètre du VG en diastole à 52mm, indexé à 34mm/m2, OGd à 43mm avec surface 27,18cm2, VDd à 43mm en quatre cavités , surface de l’OD à 16,2cm2, E/A à 2,72, fraction d’éjection à 26%, fraction de raccourcissement à 12%), péricarde sec, valves de morphologie normale, cinétique globale et segmentaire très altérées, VCI très dilatée et non compressible, parois normales, IM grade III par dilatation de l’anneau mitral (50mm), PAPS à 37mmhg. Le patient a été mis sous diurétique (Furosémide et spironolactone), inhibiteurs de l’enzyme de conversion et béta bloquant permettant dans un premier temps, la régression des signes congestifs.

Une semaine après la sortie du patient, il fut rehospitalisé pour une nouvelle décompensation cardiaque mais avec cependant, un cœur régulier rapide à 180battements/min et l’électrocardiogramme a enregistré une tachycardie jonctionnelle. La majoration des doses de diurétiques a permis un reflux des signes de congestion et la tachycardie jonctionnelle était de résolution spontanée.

Discussion

Les critères diagnostiques du LGL comprennent un intervalle PR inférieur ou égal à 0,12 seconde (120 ms), une durée normale du complexe QRS (inférieure à 120 ms) et l'apparition d'une tachycardie clinique [4].

Un temps de conduction auriculo-ventriculaire court, qu'il soit présent avec un complexe QRS normal ou anormal, est associé à une augmentation de l'incidence des tachycardies paroxystiques [5]. La tachycardie réciproque au cours du syndrome de Lown-Ganong-Levine apparaît en général entre l'âge de 10 ans et 20 ans et entre l'âge de 20 ans et 30 ans. Il s'agit de tachycardies paroxystiques régulières qui sont le résultat d'un circuit de réentrée qui utilise une voie accessoire. Il a été reconnu que la tachyarythmie récurrente et soutenue peut induire une cardiomyopathie dilatée (cardiomyopathie induite par la tachyarythmie). L’âge de notre patient (16 ans) est conforme à ces données de la littérature. La tachycardie jonctionnelle que nous avons retrouvée lors de la deuxième hospitalisation du patient serait une tachycardie réciproque. Fort heureusement, elle a été de résolution spontanée sinon elle aurait pu poser un problème de thérapeutique car l’adenosine(médicament indiqué dans son traitement) est très cher dans notre contrée et très peu disponible. Aussi, la digoxine, l’un des rares anti-arythmiques indiqué dans la prise en charge des troubles du rythme cardiaque chez un insuffisant cardiaque décompensé, se trouve être contre indiquée à cause de la voie accessoire.

Plusieurs mécanismes ont été proposés concernant la coexistence d'un court intervalle PR et QRS normal tandis que l'apparition de tachycardies a été reconnue comme largement basée sur des conditions précédemment identifiées, telles que la tachycardie par réentrée nodale, la fibrillation auriculaire et la tachycardie ventriculaire [6-8]. Pour le cas de notre patient, l’absence de cause pouvant expliquer cette cardiomyopathie dilatée nous a fait penser à l’éventualité d’une cardiomyopathie dilatée primitive ou d’une cardiomyopathie dilatée par tachyarythmie soutenue sur voie accessoire. Le traitement fut purement médical par faute de plateau technique pour la cardiologie interventionnelle.

Conclusion

La survenue d’un trouble du rythme supraventriculaire constitue la complication habituelle du syndrome de Long Ganong-levine. Lorsque cette arythmie est soutenue, elle peut entrainer une cardiomyopathie dilatée.

Abréviations

VCI=veine cave inférieure ; OD=oreillette droite ; OG=oreillette gauche ; VD=ventricule droit ; VG=ventricule gauche ; PAPS=pression artérielle pulmonaire ; TSH=thyroid stimulating hormon ; CRP=C reactive protein ; VS=vitesse de sédimentation ; NYHA=new York heart association ; LGL : syndrome de lown ganong-Levine ; HIV=virus de l’immuno déficience humaine ; NFS=numération formule sanguine ; IM=insuffisance mitrale ; OMS=organisation mondiale ; CHU=centre hospitalier universitaire

Références
  1. Richardson P, McKenna W, Bristow M, Maisch B, Mautner B, O'CONNELL J, et al. Report of the 1995 World Health Organization/International Society and Federation of Cardiology Task Force on the Definition and Classification of cardiomyopathies. Circulation. 1996;93:841-2 pubmed
  2. Elliott P, Andersson B, Arbustini E, Bilinska Z, Cecchi F, Charron P, et al. Classification of the cardiomyopathies: a position statement from the European Society Of Cardiology Working Group on Myocardial and Pericardial Diseases. Eur Heart J. 2008;29:270-6 pubmed
  3. Taylor M, Carniel E, Mestroni L. Cardiomyopathy, familial dilated. Orphanet J Rare Dis. 2006;1:27 pubmed
  4. Lown B, ARONS W, Ganong W, VAZIFDAR J, Levine S. Adrenal steroids and auriculoventricular conduction.. Am Heart J. 1955;50:760-9 pubmed
  5. Lown B, Ganong W, Levine S. The syndrome of short P-R interval, normal QRS complex and paroxysmal rapid heart action.. Circulation. 1952;5:693-706 pubmed
  6. Ward D, Camm A, Spurrell R. Re-entrant tachycardia using two bypass tracts and excluding AV node in short PR interval, normal QRS syndrome.. Br Heart J. 1978;40:1127-33 pubmed
  7. Zipes D, DeJoseph R, Rothbaum D. Unusual properties of accessory pathways.. Circulation. 1974;49:1200-11 pubmed
  8. Benditt D, Pritchett L, Smith W, Wallace A, Gallagher J. Characteristics of atrioventricular conduction and the spectrum of arrhythmias in lown-ganong-levine syndrome.. Circulation. 1978;57:454-65 pubmed
ISSN : 2334-1009