Difficultés diagnostiques des vertiges d’origine centrale
Ouraini Saloua, Nakkabi Ismaïl (inakkabi at gmail dot com) #, Zalagh Mohammed, Benariba Fouad
Service d’otorhinolaryngologie et de chirurgie cervico-faciale, Hôpital militaire d’instruction Mohammed V, Rabat, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.2.1443
Date
2015-07-30
Citer comme
Research fr 2015;2:1443
Licence
Résumé

Le vertige peut être révélateur d’une atteinte centrale du système de l’équilibre. Cependant, la discrétion, voire l’absence de signes centraux à l’examen clinique risque de faire conclure à tort à une origine périphérique. Nous rapportons 3 cas de vertiges avec une symptomatologie clinique fonctionnelle initiale « pseudo-périphérique ». Le premier tableau était celui d’une névrite, le deuxième d’un vertige positionnel paroxystique bénin, et le troisième d’une instabilité. Vu leur profil évolutif et devant l’installation de signes neurologiques, la réalisation d’un bilan radiologique a permis de redresser le diagnostic. Il est de ce fait capital, même devant un tableau typique de vertige périphérique, de ne pas négliger tout signe neurologique, même fruste. Une imagerie réalisée au moindre doute recherchera une origine centrale pouvant dans certains cas engager le pronostic vital.

English Abstract

Vertigo can be indicative of a central lesion of the balance system. However discretion or absence of central signs on clinical examination may conclude to a peripheral origin. We report 3 cases of vertigo with "pseudo peripheral" initial symptoms. It was a neuritis in the first case, a benign paroxysmal positional vertigo in the second one and an instability in the third case. Regarding their evolution and the installation of neurological signs, a radiological assessment allowed to rectify the diagnosis. It is therefore crucial even with a typical peripheral vertigo to avoid neurological signs’ neglect. Central origin is life threatening so it has to be eliminated by radiological assessment.

Introduction

Le vertige est une doléance fréquente en pratique quotidienne plusieurs points sémiologiques peuvent rapidement mettre sur la piste d’une altération du système vestibulo-cérébelleux central. L’interrogatoire et l’examen clinique contribuent habituellement pour une grande part au diagnostic. Les caractéristiques du nystagmus ainsi que certains symptômes neurologiques doivent faire évoquer la possibilité d’une atteinte centrale et amener à compléter par un bilan radiologique.

Patients

Nous rapportons 3 cas de vertige d’origine centrale considérés initialement comme des vertiges d’origine périphérique.

Difficultés diagnostiques des vertiges d’origine centrale  Figure 1
Figure 1. IRM cérébrale montrant un infarctus cérébelleux gauche.

Le premier cas est un patient âgé de 50 ans suivi pour hypertension artérielle. Il a consulté pour un vertige rotatoire et persistant, d’installation brutale, associé à des céphalées. L’examen clinique a mis en évidence un nystagmus battant à gauche, une déviation axiale et segmentaire droite orientant vers un syndrome vestibulaire harmonieux. L’examen neurologique était normal et la TDM a permis d’éliminer un accident vasculaire cérébral et une hémorragie cérébro-méningée.

Nous avons noté à j2 de son hospitalisation un nystagmus changeant de sens avec dysmétrie gauche. L’IRM cérébrale a montré un infarctus cérébelleux gauche. (Figure 1)

L’échodoppler et l’angioIRM ont révélé une thrombose de l’artère vertébrale du même coté. (Figure 2)

Difficultés diagnostiques des vertiges d’origine centrale  Figure 2
Figure 2. AngioIRM montrant une thrombose de l’artère vertébrale gauche.

Le deuxième cas est celui d’un patient de 23 ans, sans antécédents pathologiques, qui s’est présenté pour un vertige positionnel ayant débuté depuis quelques mois avec des céphalées matinales. L’examen clinique ne trouvait ni nystagmus, ni déviation segmentaire, ni signe de Romberg. Par contre la manœuvre de Dix et Hallpike déclenchait des instabilités sans nystagmus. L’IRM cérébrale a retrouvé une lésion kystique cérébelleuse avec effet de masse sur les voies d’écoulement du liquide cérébro-spinal (Figure 3).

Le troisième cas concerne un jeune homme de 19 ans, aux antécédents de nystagmus congénital, qui s’est présenté en urgences pour des sensations vertigineuses avec déviation latérale droite à la marche et chute. L’examen clinique a mis en évidence le nystagmus congénital, une instabilité au Romberg et un élargissement du polygone de sustentation. L’interprétation sémiologique n’étant pas concluante, une IRM cranio-encéphalique a montré un volumineux processus mésencéphalique infiltrant en faveur d’un gliome infiltrant de haut grade.

Difficultés diagnostiques des vertiges d’origine centrale  Figure 3
Figure 3. IRM cérébrale montrant une lésion kystique cérébelleuse avec effet de masse sur les voies d’écoulement du liquide cérébro-spinal
Discussion

Nos 3 patients montrent une symptomatologie clinique fonctionnelle initiale trompeuse « pseudo périphérique ». Le premier tableau est celui d’une névrite, le deuxième est celui d’un vertige positionnel paroxystique bénin et le troisième est celui d’une instabilité chez un patient présentant un nystagmus congénital.

Un ensemble d’éléments nous permet de relever les points sémiologiques qui doivent orienter vers une atteinte centrale [1] du système de l’équilibre. Les déficits auditifs sont rares dans les atteintes centrales et les syndromes vestibulaires centraux présentent d’une part des symptômes vestibulaires et d’autre part des symptômes neurologiques. Le caractère rotatoire ou linéaire du vertige ne permet pas d’orienter vers une étiologie, par contre une sensation vertigineuse avec illusion de mouvement vertical est plus fréquemment d’origine centrale, c’est également le cas de directions non systématisées.

Le mode aigu d’installation du vertige [2] (tel que chez le 1° et le 3° patients) peut résulter d’une névrite, d’une crise de Menière, d’un VPPB mais elle peut également révéler un accident vasculaire cérébral (particulièrement de la fosse cérébrale postérieure, tel que chez le 1° patient) ou un conflit vasculo-nerveux. une évolution progressive (tel que chez le 2° patient), peut être d’origine toxique, tumorale, dégénérative ou inflammatoire aussi bien au niveau labyrinthique qu’au niveau central.

La direction du nystagmus périphérique est souvent horizonto-rotatoire. Le nystagmus d’origine centrale aura une direction horizontale pur ou moins fréquemment verticale [3] en cas de lésions situées à l’entrée des voies vestibulaires dans le tronc cérébral, tandis que les lésions mesencephaliques induiront le plus souvent un nystagmus à composante verticale ou torsionnelle et rarement horizontale.

Quelques éléments orientent d’avantage vers une origine centrale [3], c’est le cas de nystagmus persistant sans vertige, de nystagmus non fatigable, ou non inhibé à la fixation, également en cas de syndrome disharmonieux ou pluridirectionnel.

L’association vertige - céphalées (rencontrées chez le 1° et 3° malade) au cours du tableau aigu imposeront une imagerie en urgence [4, 5]. La présence de l’ataxie (retrouvée chez le 3ème patient) permet d’affirmer l’origine centrale. Les déficits sensitifs de la face sont fréquemment présents dans les lésions latéro-bulbaires. Les ossillopsies sont peu spécifiques et les syncopes ne sont jamais vestibulaires. [6] Le bilan radiologique est l’étape ultime et décisive des investigations. La tomodensitométrie, éventuellement complétée par l’IRM, permet de rechercher notamment des lésions vasculaires ou tumorales. Ensuite, et suivant les cas, seront demandés des potentiels évoqués auditifs, des épreuves vestibulaires instrumentales ou une étude de la fonction otolithique.

Les étiologies des vertiges centraux sont multiples. Les causes vasculaires sont fréquentes [7, 8] et intéressent en particulier l’atteinte du territoire de l’artère cérébelleuse antéro-inferieure ou le syndrome de Wallenberg. Dans ce cas on peut retrouver un signe de Claude Bernard Horner. Un vertige peut également donner lieu au diagnostic d’accident ischémique transitoire. Au cours de l’évolution de la sclérose en plaque les troubles de l’équilibre ou les vertiges sont également très fréquents. Dans les tumeurs cérébrales [9, 10] plusieurs entités anatomocliniques peuvent engendrer un vertige ; c’est le cas du medulloblastome, de l’astrocytome de l’ependymome, de l’hemangiome, de l’hémangioblastome, du gliome et des métastases cérébrales. Le vertige peut aussi se rencontrer en cas d’origine malformative telle que la malformation d’Arnold Chiari, mais également après un traumatisme ou une contusion du tronc cérébral. Un grand nombre d’autres d’affections neurologiques, sont responsables de troubles de l’équilibre, c’est le cas de la maladie de Parkinson, des pathologies cérébelleuses et des atrophies systématisées multiples (syndrome de Stelle Richard Olszemski). Dans les épilepsies vestibulaires ou elle s’associent fréquemment à des acouphènes et à des paresthésies controlatérales.

Conclusion

Il est important de retenir que tout trouble de l’équilibre peut révéler une pathologie centrale. Ainsi, une analyse sémiologique soigneuse complétée au moindre doute par une imagerie cérébrale reste la clé du diagnostic.

Déclaration
Conflits d’intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts

Contributions des auteurs

Tous les auteurs ont contribué à la réalisation de l´étude. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

Références
  1. Van Nechel C. [Central vestibular syndromes]. Rev Med Brux. 2002;23:A343-50 pubmed
  2. Bogousslavsky J. [Neurological approach to vertigo]. Rev Med Suisse Romande. 1993;113:681-3 pubmed
  3. Demanez J. [Electronystagmography aspects of peripheral and central vestibular syndromes]. Acta Otorhinolaryngol Belg. 1986;40:695-858 pubmed
  4. Duclos J, Darrouzet V, Loiseau H, Chambrin A, Boussens J, Bebear J. [Acute vertigo caused by ischemia of the postero-inferior cerebellar artery or PICA. Apropos of 2 cases]. Rev Laryngol Otol Rhinol (Bord). 1997;118:119-24 pubmed
  5. Didier D, Terrier F. [Radiological investigations of arterial vascular disease: techniques and indications]. Rev Med Suisse Romande. 1998;118:871-9 pubmed
  6. Rousseaux M, Dhellemmes P, Clarisse J, Devos P. [Sub, retro- and supracerebellar arachnoid cysts and pseudocyts in adults. Six observations]. Neurochirurgie. 1982;28:245-53 pubmed
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  8. Saeed A, Shuaib A, Al-Sulaiti G, Emery D. Vertebral artery dissection: warning symptoms, clinical features and prognosis in 26 patients. Can J Neurol Sci. 2000;27:292-6 pubmed
  9. Dumas G, Schmerber S. [Cavernous haemangiomas: hearing and vestibular inaugural symptoms]. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac. 2004;121:272-81 pubmed
  10. Jacquet G, Godard J, Carbillet G, Steimle R. [Glioblastoma of the cerebellum in a child. Apropos of a case. A review of the literature]. Neurochirurgie. 1989;35:64-9 pubmed
ISSN : 2334-1009