Le syndrome d’emphysème des sommets et fibrose pulmonaire des bases (SEF) est une atteinte pulmonaire concomitante associant des lésions emphysémateuses des sommets et une fibrose des bases. Il s’observe généralement chez les grands tabagiques et se caractérise par une dyspnée d’effort marquée, des volumes et débits pulmonaires préservés à la spirométrie, une diminution très importante de la capacité de diffusion du monoxyde de carbone, et un risque très élevé de développer une hypertension pulmonaire. A travers deux nouvelles observations et une revue de la littérature, nous analysons ses caractéristiques cliniques, radiologiques, fonctionnelles et évolutives.
Combined pulmonary fibrosis and emphysema syndrome presents concomitant pulmonary emphysematous lesions involving vertices and fibrosis of bases. It usually occurs in older smoking patients who present dyspnea, preserved lung volumes and flows at spirometry, a very significant decrease in carbon monoxide diffusion capacity, and a very high risk to develop pulmonary hypertension. Through two new cases and a review of literature, we analyze clinical, radiological, functional and evolutionary features of this disease.
Le syndrome d’emphysème des sommets et une fibrose pulmonaire des bases est Une atteinte pulmonaire concomitante associant des lésions emphysémateuses des sommets et une fibrose des bases. Il reste rare, moins de 300 cas sont décrits dans la littérature [1]. Nous rapportons deux nouvelles observations médicales de ce syndrome.
Patient âgé de 68 ans, suivi pour HTA, tabagique à raison de 60 Paquets/Année, accusant depuis 2 mois une toux et une dyspnée stade II de la Nyha évoluant dans un contexte d’amaigrisement non chiffré. L’examen trouvait des râles crépitants des bases avec un hippocratisme digital. La radiographie thoracique a montré un syndrome interstitiel prédominant aux bases et des hyperclartés aux sommets (fig. 1). Le scanner thoracique a objectivé une fibrose des bases + emphysème para-septal apical bilatéral (fig. 2). La bronchoscopie a montré une inflammation de 2ème degré diffuse de toute la muqueuse bronchique, le Lavage broncho-alvéolaire a montré une polynucléose à 10%. Le bilan immunologique et la biopsie labiale étaient négatifs. La pléthysmographie a montré une CPT à 81%, un VEMS à 84% et un VR à 93%. L’échographie cardiaque était normale. Le diagnostic de fibro-emphysème a été retenu et une abstention thérapeutique a été préconisée et l’évolution clinique a été par une stabilité clinique sur un recul de 2 ans.
Patient de 70 ans, tabagique à raison de 47 Paquets/Année, suivi pour HTA depuis 14 ans, accusant depuis 3 mois une dyspnée stade II de la Nyha, une toux avec des expectorations muco-purulentes, évoluant dans un contexte d’amaigrissement non chiffré. L’examen clinique trouvait des râles crépitants des bases. La radiographie thoracique a montré syndrome interstitiel prédominant aux bases. La TDM thoracique a objectivé des Bulles d’emphysème apicales bilatérales et un aspect de rayon de miel périphérique en postéro-basal bilatéral (fig. 3). L’hemogramme, l’ionogramme sanguin étaient normaux, les AC anti DNA, AAN, ANCA, AntiSSA, AntiSSB étaient négatifs. Bronchoscopie a montré un aspect inflammatoire de 1er degré de toute la muqueuse bronchique. Le Lavage broncho-alvéolaire non fait et la biopsie bronchique étagée a montré un remaniement inflammatoire chronique non spécifique. La spiromètrie a montré un VEMS à 92% et une CV à 83%. Le patient est mis sous bronchodilatateurs seuls.
L’évolution a été marquée après 8 ans par un amaigrissement avec apparition au scanner thoracique d’une condensation apicale droite dont l’étude anatomopathologique de la biopsie transpariétale scannoguidée a conclue un carcinome non à petite cellules, le patient est décédé après la 3ème cure de chimiothérapie.
Le syndrome d’emphysème des sommets et une fibrose pulmonaire des bases est une atteinte pulmonaire comportant de façon concomitante des lésions emphysémateuses des sommets et une fibrose des bases. Cette association qui a été peu décrite dans la littérature fait actuellement l’objet d’une étude conduite au sein du Groupe d’Etudes et de Recherche sur les Maladies « Orphelines » Pulmonaires (GERM« O »P [1].
L’association emphysème des sommets-fibrose des bases se rencontre majoritairement chez des sujets de sexe masculin, fumeurs ou anciens fumeurs à plus de 40 paquets/années, et âgés en moyenne d’environ 65 ans,mais peut également se rencontrer au cours des connectivites dont surtout la polyarthrite rhumatoïde et la sclérodermie systémique (parfois chez des non fumeurs) [2] La dyspnée d’effort est constante, et s’associe dans environ la moitié des cas à une toux (parfois productive). L’examen clinique révèle des râles crépitants des bases pulmonaires chez une majorité de patients, et un hippocratisme digital dans la moitié des cas. Les signes généraux sont habituellement absents. La maladie survient le plus souvent en l’absence de contexte étiologique déterminé [3].
Le diagnostic de cette association est porté sur des arguments radiologiques. Les anomalies sont parfois peu marquées sur la radiographie thoracique, qui peut montrer des opacités infiltrantes bilatérales des bases, une raréfaction de la trame vasculaire pulmonaire des sommets, ainsi que des modifications des volumes pulmonaires, avec rétraction des bases pulmonaires et distension des sommets. Le scanner thoracique de haute résolution permet de préciser l’aspect, la distribution et la sévérité des lésions. L’aspect au niveau des bases évoque en priorité la fibrose pulmonaire idiopathique, avec des images pseudo-kystiques en rayons de miel, des opacités réticulaires, des bronchectasies par traction, et peu d’images en verre dépoli. Les lésions emphysémateuses qui prédominent au niveau des sommets comportent fréquemment un emphysème paraseptal [4]. Le diagnostic différentiel se pose avec l’histiocytose pulmonaire langerhansienne, qui associe des lésions interstitielles et des images kystiques.
L’exploration fonctionnelle respiratoire des patients atteints de SEF montre une relative préservation des volumes et des débits pulmonaires, ce qui traduirait la coexistence de l’emphysème et de la fibrose. La spirométrie est normale, ou montre un trouble ventilatoire obstructif habituellement modéré. La capacité pulmonaire est normale ou peu diminuée. En revanche, le transfert du monoxyde de carbone est très abaissé, traduisant vraisemblablement l’altération de la zone d’échange alvéolo-capillaire à la fois par la fibrose et par l’emphysème. La gazométrie artérielle montre une hypoxémie de repos modérée, qui s’aggrave à l’exercice. Le syndrome emphysème/fibrose peut réaliser des tableaux TDM-HR distincts qui sont associés à des profils fonctionnels spécifiques [4] [5] [6].
Il est possible que les lésions emphysémateuses soient favorisées par la rétraction du parenchyme pulmonaire sous l’effet de la fibrose. Néanmoins, il a été montré que la fibrose des bases peut apparaître à l’imagerie après les lésions emphysémateuses [6].
Le pronostic du SEF est mauvais, avec une médiane de survie de l’ordre de six ans ; l’apparition d’une hypertension pulmonaire précapillaire marque un tournant évolutif défavorable [7], la survie médiane n’étant que de 16 mois à partir du diagnostic d’hypertension pulmonaire au cathétérisme cardiaque droit [8]. Le cancer bronchopulmonaire semble également représenter une complication assez fréquente chez ces patients fumeurs ou anciens fumeurs [9]. Dans la 2ème observation, le patient a développé un cancer bronchique après 8 ans d’évolution.
La physiopathologie étant mal connue, peu de données sont disponibles en ce qui concerne la prise en charge thérapeutique. L’arrêt définitif du tabac est probablement une mesure essentielle pour éviter l’aggravation des lésions emphysémateuses.
Le syndrome défini par l’association en tomodensitométrie d’un emphysème des sommets et d’une fibrose des bases pulmonaires se caractérise par des modifications modérées des volumes et débits pulmonaires, qui contrastent avec une altération marquée de la capacité de transfert du monoxyde de carbone, et une hypoxémie d’exercice.
La préservation des volumes et des débits peut conduire à sous-estimer la sévérité de la maladie.
Ce syndrome est récent et méconnu, d’autres cas sont nécessaires afin de mieux l’étudier.
- Cottin V, Brillet P, Nunes H, Cordier J. [Combined pulmonary fibrosis and emphysema]. Presse Med. 2007;36:936-44 pubmed
- Cottin V. [Base pulmonary fibrosis associated with summit emphysema: a new clinical entity?]. Rev Mal Respir. 2004;21:205-6 pubmed
- Brillet P, Cottin V, Letoumelin P, Landino F, Brauner M, Valeyre D, et al. [Combined apical emphysema and basal fibrosis syndrome (emphysema/fibrosis syndrome): CT imaging features and pulmonary function tests]. J Radiol. 2009;90:43-51 pubmed
- Cottin V. [Syndrome of combined pulmonary fibrosis and emphysema: understanding the functional profile]. Rev Mal Respir. 2013;30:173-5 pubmed