Le syndrome de Ramsay Hunt à propos d’un cas
A Aljalil (aljalilabdelfattah at gmail dot com) #, B Bouaity, H Ammar
Service d’ORL et de CCF, Hôpital militaire Avicenne, Marrakech, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.2.1452
Date
2015-08-24
Citer comme
Research fr 2015;2:1452
Licence
Résumé

Le syndrome de Ramsay-Hunt est du à la réactivation du virus varicelle zona (VZV), niché dans les cellules ganglionnaires sensitives du nerf facial depuis la primoinfestation varicelleuse. Nous rapportons le cas clinique d’une patiente âgée de 55 ans qui a présenté une paralysie faciale périphérique associée à des lésions vésiculeuses au niveau de la zone de Ramsay Hunt du pavillon de l’oreille gauche (syndrome de Ramsay Hunt). Le traitement précoce à base d’acyclovir et de corticoïdes était bénéfique et la paralysie faciale a régressé considérablement au bout de trois mois. Le syndrome de Ramsay Hunt a généralement un bon pronostic pourvu que le traitement anti-viral soit commencé précocement.

English Abstract

Ramsay Hunt syndrome is due to the reactivation of varicella zoster virus (VZV) in the sensory ganglion cells of the facial nerve. We report the case of a 55 year old patient who presented facial palsy associated with vesicular lesions at the Ramsay Hunt zone of the left ear (Ramsay Hunt syndrome). Early treatment with acyclovir and corticosteroids was successful and facial paralysis has significantly regressed after three months. Ramsay Hunt syndrome usually has a good prognosis provided that treatment is started early.

Introduction

Le syndrome de Ramsay-Hunt, ou zona du ganglion géniculé, trouve son origine dans la résurgence du virus varicelle zona (VZV), niché dans les cellules ganglionnaires sensitives du nerf facial depuis la primoinfestation varicelleuse. Il associe classiquement des lésions cutanées au niveau du pavillon de l’oreille (zone sensitive de Ramsay-Hunt), une paralysie faciale périphérique, et des signes d’atteinte du nerf auditif (hypoacousie et/ou vertige).

Le syndrome de Ramsay Hunt à propos d’un cas Figure 1
Figure 1. Érythéme de la zone de la Ramsay-Hunt parsemé de vesicules zotériennes.

A la lumière de cette observation et d’une revue de la littérature, les différents aspects cliniques, paracliniques et évolutifs seront discutés ainsi que l’attitude thérapeutique.

Observation

Il s’agit d'une patiente âgée de 55 ans, connue hypertendue, qui s’est présentée en consultation pour une otalgie gauche évoluant dans un contexte fébrile et ne s’améliorant pas par les traitements antalgiques usuels. Une semaine plus tard, la patiente a présenté une incapacité à fermer l’œil gauche, une hypoacousie et des sensations vertigineuses. L’examen clinique a objectivé une éruption vésiculeuse sur un fond érythémateux au niveau de la région de Ramsay Hunt de l’oreille gauche (figure 1) et une paralysie faciale gauche avec un signe de Charles Bell positif gauche et une déviation de la bouche vers le coté droit (figure 2). L’examen vestibulaire a noté la présence d’un discret nystagmus horizonto-rotatoire battant vers le coté droit. L’audiogramme a objectivé une légère surdité de perception gauche. L’IRM a montré une hyperfixation du segment labyrinthique et méatal du nerf facial gauche. Un traitement médical par voie parentérale à base d’acyclovir (30 mg/kg/j) et de corticoïdes a été rapidement entrepris. La sérologie HIV était négative. L’évolution a été marquée par une légère amélioration de la paralysie faciale au bout de 10 jours de traitement en hospitalier. Après un recul de trois mois, l’évolution était très satisfaisante (figure 3).

Le syndrome de Ramsay Hunt à propos d’un cas Figure 2
Figure 2. Signe de sharles bell gauche signant une paralysie faciale périphérique gauche.
Discussion

Le virus de la varicelle et du zona est un virus herpétique à ADN à double brin qui cause la varicelle (primo-infection) et la forme réactivée, le zona. Il est contracté auprès de personnes atteintes de la varicelle ou du zona par un contact direct ou par transmission aéroportée. La période d’incubation est de 14 jours. On pense que durant la varicelle, le VZV passe de la peau et des muqueuses vers les terminaisons nerveuses sensitives. De là il migre jusqu’aux ganglions rachidiens où ils entrent dans une phase de latence. Plusieurs années plus tard, le VZV est réactivé probablement suite à un déclin de l’immunité cellulaire [1] : Le site de réactivation est souvent corrélé au site de la primo-infection la plus grave. La réactivation du virus a lieu le plus souvent dans les ganglions nerveux rachidiens : zona intercostal ou dorso-lombaire (50% des cas). La localisation aux ganglions nerveux crâniens est moins fréquente avec surtout l’atteinte du ganglion de Gasser responsable d’une éruption dans les divers territoires du trijumeau. Dans le zona ophtalmique, c’est le nerf ophtalmique de Willis qui est intéressé et il y a risque d’atteinte oculaire s’il existe une éruption narinaire et de la cloison témoignant de l’atteinte du rameau nasal interne. Le zona peut également toucher les branches sensorielles du nerf facial, causant la paralysie de Bell, et les ganglions géniculés, causant le syndrome de Ramsay Hunt comme il est le cas de notre patiente [2].

Le syndrome de Ramsay Hunt à propos d’un cas Figure 3
Figure 3. Récupération quasi-totale de la PFP gauche après un recul de trois mois.

Le diagnostic classique de celui-ci repose souvent sur des bases cliniques traduisant l’atteinte de la VIIe paire crânienne et associant une éruption de la zone de Ramsay Hunt, parfois associée à une éruption vésiculeuse de la partie antérieure de l’hémi langue homo latérale, une paralysie faciale périphérique homo latérale par atteinte motrice du nerf facial, les manifestations cochléo-vestibulaires témoignent d’une atteinte de la VIIIe paire crânienne [3]. Comme toute atteinte zostérienne de l’adulte, la recherche d’une immunosuppression sous-jacente notamment une infection au VIH doit toujours être de mise [4].

La confirmation virologique est nécessaire si l’on soupçonne un tableau clinique atypique ou une résistance aux médicaments. Le diagnostic direct repose sur la mise en évidence du virus ou de ses structures, antigènes viraux ou génome viral.

La technique de référence est l'isolement du virus en culture cellulaire. Les prélèvements les plus intéressants sont le liquide vésiculaire ponctionné à la seringue, l'écouvillonnage du plancher et de la périphérie d'une lésion, éventuellement une biopsie cutanée.

Le diagnostic direct rapide consiste en la détection d'antigènes viraux sur un frottis de lésions cutanées, en utilisant des anticorps monoclonaux, en immunofluorescence directe. Cette technique est moins sensible que l'isolement en culture et dépend du nombre de cellules analysées [5].Le cytodiagnostic de Tzanck appliqué au frottis de lésions met en évidence la présence de cellules ballonnisées ou d'inclusions virales, sans distinction entre les différents virus du groupe herpès. L'utilisation des techniques de biologie moléculaire permet d'augmenter la sensibilité des techniques classiques. En pratique, la détection de l'ADN viral est réalisée essentiellement par amplification génique ou polymerase chain reaction (PCR). L'absence de standardisation, l'existence possible de faux positifs et l'extrême sensibilité de la PCR rendent l'interprétation de cette technique délicate.

Différents travaux démontrent la présence du génome viral dans les lésions auriculaires et/ou les leucocytes du sang périphérique de patients présentant un syndrome de Ramsay Hunt, ainsi qu'au niveau du ganglion géniculé. Histologiquement, les lésions associées au VZV ne sont pas distinguables de celles de l’herpès [6]. L'IRM semble indiquée dans le bilan des paralysies faciales dont l'étiologie zostérienne n'est pas certaine et/ou lorsqu'une décompression chirurgicale du nerf facial est envisagée.

Actuellement, la prise en charge médicale est basée sur l'utilisation d'antiviraux et d'anti-inflammatoires stéroïdiens [7]. Pour peu qu’il soit débuté dans les trois premiers jours de la paralysie, l’acyclovir par voie intraveineuse est recommandé à la dose de 10 mg/kg chez l'adulte et 500 mg/m2 chez l'enfant toutes les 8 heures, pendant une durée minimale de 7 à 10 jours, avec un relais par un traitement per os de 7 jours. La corticothérapie, souvent prescrite au cours du zona, reste controversée, elle permet de lutter contre les symptômes puisque les lésions histologiques sont essentiellement inflammatoires. Comme pour toute PF périphérique, des mesures de protection cornéenne doivent être utilisées tant que la fermeture palpébrale n'est pas complète. La nécessité d'un traitement chirurgical décompressif du nerf facial est discutée et le sujet reste très controversé.

Le pronostic est généralement bon mais reste conditionné par la précocité du traitement médical. Il peut être sombre avec risque de dénervation dans certains cas.

En 2006, la Food and Drug Administration (FDA) américaine a approuvé un vaccin vivant atténué anti-varicelle-zona (Zostavax®, Merck) pour la prévention du zona chez les personnes âgées ≥ 60 ans. Chaque dose contient environ 14 fois plus de VZV que Varivax®. L’innocuité et l’efficacité du vaccin ont été révélées dans une étude randomisée, à double insu et contrôlée avec placebo menée auprès de 38 546 adultes âgés ≥ 60 ans. Il a été démontré que la vaccination a réduit l’incidence du zona de 51,3 % [8, 9].

Conclusion

Le syndrome de Ramsay Hunt est une affection médicale relativement bénigne causée par la réactivation du VZV. Le zona est un bon marqueur clinique d'infection à VIH qui doit être recherchée devant tout syndrome de Ramsay-Hunt.

Déclarations
Contribution des auteurs

Abdelfattah Aljalil a participé à la prise en charge thérapeutique de la patiente et a rédigé l’article. Brahim Bouaity et Haddou Ammar ont participé à la prise en charge thérapeutique de la patiente et ont contribué à la correction finale de l’article. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

Références
  1. Grose C, E M, Padilla J. Pathogenesis of primary infection. In: Arvin AM, Gershon AA, eds. Varicella Zoster virus: virology and clinical management. Cambridge University Press; 2000.
  2. Oxman MN. Clinical manifestations of herpes zoster. In:Arvin AM, Gershon AA, eds. Varicella Zoster virus: virology and clinical management. Cambridge University Press; 2000.
  3. Sweeney C, Gilden D. Ramsay Hunt syndrome. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 2001;71:149-54 pubmed
  4. Johnson K, Blazes D, Keith M, Decker C, Ohl C. Ramsay Hunt syndrome in a patient infected with human immunodeficiency virus. Clin Infect Dis. 1996;22:1128-9 pubmed
  5. Forghani B. Laboratory diagnosis of infection. In: Arvin AM, Gershon AA, eds. Varicella Zoster virus: virology and clinical management. Cambridge University Press; 2000.
  6. Cohen J, Brunell P, Straus S, Krause P. Recent advances in varicella-zoster virus infection. Ann Intern Med. 1999;130:922-32 pubmed
  7. 11e Conférence de Consensus en Thérapeutique anti infectieuse de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF) - Prise en charge des infections à VZV. Med Mal Infect 1998.
  8. Ghann J. Current antiviral treatments for varicella. Herpes 2006;13(Suppl1):13A-15A.
  9. Dedicoat M, Wood M. Treatment of herpes zoster. In: Arvin AM, Gershon AA, eds. Varicella Zoster virus: virology and clinical management. Cambridge University Press; 2000.
ISSN : 2334-1009