Localisation primitive rare «thyroïdienne» d’un lymphome non hodgkinien de Malt : à propos d’un cas et revue de la littérature
Mounir Kettani (drissomar1906 at gmail dot com), Nabil Touihem, Hicham Attifi, Mounir Hmidi, Ali Boukhari, Mohamed Zalagh, Abdelhamid Messary
Service d’orl et chirurgie cervico-faciale, Hôpital militaire Moulay Ismail. Meknes. Maroc
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.1017
Date
2014-09-10
Citer comme
Research fr 2014;1:1017
Licence
Résumé

Les lymphomes primitifs de la thyroïde constituent 5% de l'ensemble des tumeurs malignes de la thyroïde. Ils sont divisés en lymphomes de Hodgkin et lymphomes non hodgkiniens. Le lymphome de type B de la zone marginale du tissu lymphoïde associé aux muqueuses (de type MALT) est un sous-type récemment reconnu des lymphomes B. Il est répertorié comme lymphome extra-ganglionnaire de la zone marginale selon la classification américano-européenne révisée des lymphomes. Nous rapportons le cas clinique d’un lymphome de MALT à localisation thyroïdienne chez une patiente de 42 ans, qui a consulté pour une tuméfaction douloureuse basi-cervicale antérieure évoluant depuis 3 mois et augmentant progressivement de volume. La patiente a subi une thyroïdectomie totale. L'examen histologique et immunohistochimique a conclu à un lymphome de MALT. La patiente a eu une radiochimiothérapie (CHOP + rituximab). L'évolution clinique a été favorable, sans aucun signe de récidive locale ou systémique de la maladie avec un recul d’un an.

English Abstract

The primary thyroid lymphomas constitute 5% of all malignant tumors of the thyroid, they are divided into Hodgkin's and non-Hodgkin lymphoma (NHL). B cell lymphomas of marginal zone of the mucosa-associated lymphoid tissue (MALT) is a subtype of B lymphomas recently recognized. They are listed as extra nodal lymphoma of marginal zone according to the revised euro-american classification of lymphoma. We report the case of a MALT lymphoma located at the thyroid in a patient of 42 years old, who presented a painful swelling of the neck base for 3 months. The patient underwent total thyroidectomy. Histology and immunohistochemistry concluded to MALT lymphoma. The patient had radiochemotherapy (CHOP + rituximab). The clinical outcome was favorable with no sign of local or systemic disease recurrence. The follow-up was 1 year.

Introduction

Les lymphomes B de la zone marginale du tissu lymphoïde associé aux muqueuses de type MALT intéressent surtout la muqueuse du tractus gastro-intestinal. Mais peuvent également se voir au niveau des poumons, des glandes salivaires, de la peau, et d'autres sites, y compris la thyroïde [1]. L’atteinte primaire de la thyroïde demeure rare, résultant habituellement d’une thyroïdite lymphocytaire, La thyroïde étant une glande normalement dépourvu de tissu lymphoïde. La coexistence de processus inflammatoires et néoplasiques dans la thyroïde entraîne souvent des difficultés diagnostic par cytologie ou histologie, Ce qui nécessite le recours à l'immunohistochimie et aux techniques moléculaires (Southern blot, la PCR). Nous rapportons un cas de lymphome B type malt à localisation thyroïdienne et à travers une revue de la littérature, nous rappelons les principales caractéristiques cliniques, para- cliniques, thérapeutiques et évolutives de cette pathologie.

Localisation primitive rare «thyroïdienne» d’un lymphome non hodgkinien de Malt : à propos d’un cas et revue de la littérature Figure 1
Figure 1. Tuméfaction basi-cervicale antérieure.
Observation

Il s’agit d’une patiente âgée de 42 ans, diabétique , qui a consultée pour une tuméfaction basicervicale antérieure , évoluant depuis 3mois , augmentant rapidement de volume, douloureuse , sans autres signes cliniques associés, notamment pas de dyspnée ni de dysphonie ni de signes de dysthyroidie. L’examen clinique trouvait une patiente en bon état général, apyrétique, avec des conjonctives normo colorées. A l’inspection on notait une tuméfaction basicervicale antérieure sans signes inflammatoire de la peau en regard (fig 1).

Localisation primitive rare «thyroïdienne» d’un lymphome non hodgkinien de Malt : à propos d’un cas et revue de la littérature Figure 2
Figure 2. Pièce de thyroïdectomie totale.

A la palpation, tuméfaction homogène, de consistance ferme, mal limitée, douloureuse, non battante, mobile à la déglutition. Les aires ganglionnaires cervicales étaient libres. L’examen ORL complet et l’examen général étaient sans particularités. Une échographie cervicale a été demandée et a mis en évidence une glande thyroïde hypertrophiée, d’échostructure hormogène. Ailleurs, l’échographie cervicale n’a pas objectivée d’adénopathie cervicale. La cytoponction était en faveur d’une thyroïdite lymphocytaire. Le bilan biologique était normal. Nous avons décidé de réaliser chez cette patiente une thyroïdectomie totale avec un examen extemporané (fig 2).

Localisation primitive rare «thyroïdienne» d’un lymphome non hodgkinien de Malt : à propos d’un cas et revue de la littérature Figure 3
Figure 3. Lymphome de phénotype B de type MALT.

L’exploration chirurgicale a trouvé une glande d’allure inflammatoire. L’examen extemporané était en faveur d’une réaction inflammatoire non spécifique faite essentiellement de lymphocytes, sans signe de malignité. La patiente a bénéficie d’une thyroïdectomie total. Les suites opératoires étaient simples. L’étude anatomopathologique avec immunohistochimie de la pièce ont conclue à un lymphome B type malt (fig 3).

La patiente a alors bénéficiées d’un balayage tomographique à la recherche d’une autre localisation. Devant l’absence d’une localisation ganglionnaire le diagnostic de lymphome B type malt primitif extra ganglionnaire a été retenu. Une radiochimiothérapie concomitante a été instaurée à base de rituximab 375 mg/m2, cyclophosphamide 800 mg/m2, vincristine 1,4 mg/m2 et 50 mg/m2 Adriamycine associée à 100 mg de prednisolone. L'évolution clinique a été favorable, sans aucun signe de récidive locale ou systémique de la maladie. Le recule est de 1 an.

Discussion

Décrits par Isaacson, les LNH malt sont constitués de cellules de petite taille dont l'aspect cytologique peut varier (centrocyte-like, lymphocytaire, lymphoplasmocytaire, monocytoïde). Elles infiltrent les structures épithéliales réalisant des lésions lymphoépithéliales dont la reconnaissance peut s'aider de l'immunohistochimie (anticorps dirigés contre la cytokératine) [2]. Ces lymphomes se développent après l'acquisition d'un tissu lymphoïde de type Malt qui pourrait être secondaire à une stimulation antigénique. Dans les localisations gastriques, les plus fréquentes, l'Helicobacter pylori joue ce rôle : les antécédents de gastrites à Helicobacter sont très fréquents chez ces patients, et des expériences in vitro ont montré que cette bactérie était nécessaire à la croissance tumorale [3]. En outre, l'éradication de l'Helicobacter pylori, par antibiothérapie, est souvent suivie de régression, voire de rémission [4]. Dans les autres localisations, l'antigène responsable n'est pas identifié, mais il faut souligner que les lymphomes thyroïdiens et salivaires surviennent dans un contexte de pathologie auto-immune, respectivement de thyroïdite d'Hashimoto et de syndrome de Gougerot Sjögren.c’est le cas de notre patiente qui a présentée une thyroïdite confirmée par cytoponction. À côté de la trisomie 3, l'anomalie cytogénétique la plus fréquente dans ces lymphomes est la translocation t (11;18), qui apparaît caractéristique, sinon spécifique des lymphomes du MALT, et serait retrouvée dans environ 30 à 50 % des cas, quelle que soit leur localisation gastrique, pulmonaire, thyroïdienne [5]. L'atteinte simultanée de plusieurs muqueuses n'est pas rare et traduit le homing particulier des lymphocytes tumoraux dans les différents tissus lymphoïdes associés aux muqueuses. Leur évolution clinique est très lente. Dans les localisations gastriques associés à l'Helicobacter pylori, le traitement antibactérien conduirait à une rémission clinique et histologique dans près de deux cas sur trois, dont la durée n'est pas établie. La transformation en lymphome à grandes cellules, possible, semble être un événement rare et tardif.

L’atteinte de la glande thyroïde peut survenir dans le cadre d’une atteinte systémique ou plus rarement être primitive comme le cas de notre patiente. Le sous-type histologique le plus fréquent est le lymphome à grandes cellules diffus. Environ 3% des LNH sont les lymphomes de la thyroïde. L'incidence des lymphomes malins dans la thyroïde est de 4%. Les femmes sont plus souvent touchées que les hommes. Il peut survenir à tout âge, avec un pic de fréquence se situant dans la 7ème décennie. La circonstance de découverte la plus fréquemment rencontrées est une tumefaction basicervical antérieur augmentant rapidement de volume [6].

Les lymphomes B type malt sont des lymphomes à croissance lente. La plupart des patients restent asymptomatiques pendant une longue durée. Habituellement, le diagnostic de certitude ne peut être obtenu qu’après examen histopathologique et immunohistochimie. Le traitement chirurgicale n’est indique que devant l’apparition de signes de compression ou lorsqu’ il subsiste un doute diagnostic comme c'était le cas chez notre patiente. Il n’existe pas de consensus thérapeutique. Le traitement habituel est l’association de la radiothérapie et de la chimiothérapie.les lymphomes type malte de la thyroïde ont un meilleur pronostic par rapport aux autre localisations [7] [8].

Pour notre patiente on a opté pour Une radiochimiothérapie concomitante à base de rituximab 375 mg/m2, cyclophosphamide 800 mg/m2, vincristine 1,4 mg/m2 et 50 mg/m2 Adriamycine associée à 100 mg de prednisolone.

Le pronostic reste très bon surtout dans les formes localisées avec une survie à 10ans allant de 50 à 80. [9] C’est le cas de notre patiente pour laquelle L'évolution clinique a été favorable, sans aucun signe de récidive locale ou systémique de la maladie. Le recule est de 1 an.

Conclusion

Le diagnostic de Lymphome B type malt de la glande thyroïde doit être évoqué devant une augmentation rapide de la taille d’un nodule ou d’un goitre. Le traitement par thyroïdectomie totale associé à une chimiothérapie et une radiothérapie semble apporter de bons résultats au long cours, même si certains auteurs prônent l’abstention chirurgicale.

Declarations
Conflits d’intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts

Contributions des auteurs

Tous les auteurs ont contribué à la réalisation de l'étude. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

Références
  1. Latheef N, Shenoy V, Kamath M, Hegde M, Rao A. Maltoma of thyroid: a rare thyroid tumour. Case Rep Otolaryngol. 2013;2013:740241 pubmed publisher
  2. Gaulard P. Classification des lymphomes non hodgkiniens. Médecine thérapeutique. 2000;6(5):343-52.
  3. Hussell T, Isaacson P, Crabtree J, Spencer J. The response of cells from low-grade B-cell gastric lymphomas of mucosa-associated lymphoid tissue to Helicobacter pylori. Lancet. 1993;342:571-4 pubmed
  4. Paccalin M, Gouet D, Ribouleau V, Delwail V, Lefort G, Babin P, et al. [Primary thyroid lymphoma: report of 8 cases]. Rev Med Interne. 2001;22:934-8 pubmed
  5. Wozniak R, Beckwith L, Ratech H, Surks M. Maltoma of the thyroid in a man with Hashimoto's thyroiditis. J Clin Endocrinol Metab. 1999;84:1206-9 pubmed
  6. Krukowski ZH. The thyroid gland and the thyroglossal tract. in Bailey and Love's Short Practice of Surgery. pp. 726–732, Arnold, London, UK, 23rd edition, 2000. R. C. G. Russell, N. S. Williams, and C. J. K. Bulstrode.
  7. Godlewski G, Prudhomme M, Pignodel C, Gres P, Rodier M, Copie Bergman C. [Double gastric and thyroid localization of MALT lymphoma with lymphocytic thyroiditis]. J Chir (Paris). 1997;134:438-41 pubmed
  8. Banu Douan GN. Mustafazkan GN. Karamanoulu Z. Primary thyroid lymphoma arising in the setting of hashimoto's thyroiditis. Turkish Journal of Medical Sciences. 2004;34:395–8.
  9. Leenhardt L, Ménégaux F, Franc B, Hoang C, Salem S, Bernier MO, Dupasquier-Fédiaevskya L, Le Maroisa E, Rouxela A, Chigotb JP, Chérié-Challinee L, Aurengo A. Cancers de la thyroïde. EMC-Endocrinologie. 2005;2(1):1-38.
ISSN : 2334-1009