Introduction : Les fractures trochantériennes sont fréquentes. Leurs étiologies et mécanismes sont variés. Le but de notre étude était d’analyser les caractéristiques épidémiologiques et cliniques des fractures trochantériennes. Patients et méthodes : Une étude rétrospective analytique longitudinale a été réalisée de janvier 2009 à décembre 2017, au service de chirurgie du Centre Hospitalier Départemental de l’Ouémé Plateau, à Porto Novo, dans la République du Bénin. Résultats : 56 patients étaient inclus dans l’étude. L’âge moyen était 55,8 ans. Il existait une prédominance masculine : Sex-ratio à 2,29. Onze patients avaient des antécédents pathologiques. Le score de Parker moyen était 8,6. Dans la majorité des cas, il s’agissait d’un accident de la voie publique. Les accidents impliquant un engin motorisé étaient prépondérants. Les fractures de type I et II d’Ender étaient les plus fréquentes. Conclusion : Les accidents de la voie publique représentaient les étiologies les plus fréquentes des fractures trochantériennes dans notre contexte.
Introduction: Trochanteric fractures are common with different etiologies and mechanisms. The aim of our study was to analyze the epidemiological and clinical features of trochanteric fractures. Patients and Methods: A longitudinal retrospective analytical study was conducted from January 2009 to December 2017, at the Surgical Department of the Departmental Hospital of Ouémé Plateau, Porto Novo, in Benin. Results: 56 patients were included in the study. The average age was 55.8 years old. There was a male predominance: sex ratio at 2.29. Eleven patients had a past medical history. The average Parker score was 8.6. In the majority of cases, it was a road accident. Accidents involving a motorized machine were preponderant. Ender type I and II fractures were the most common. Conclusion: Road accidents were the most common etiologies of trochanteric fractures in our context.
Les fractures de l’extrémité proximale du fémur (FEPF) chez l’adulte sont une entité nosologique largement traitée dans la littérature depuis des décennies [1-3]. Elles sont souvent considérées comme un marqueur épidémiologique de l’ostéoporose car survenant chez des sujets âgés, ostéoporotiques, de plus de 50 ans suite à un traumatisme de faible énergie [4]. De nombreuses données épidémiologiques intéressant les fractures de l’extrémité proximale du fémur sont disponibles mais pas celles intéressant uniquement le massif trochantérien chez l’adulte en Afrique. Dans notre contexte de travail, les accidents de circulation sont courants et les lésions polymorphes.
Le but était d’étudier les caractéristiques épidémiologiques et cliniques de ces lésions dans notre Hôpital afin d’en montrer les particularités.
Les dossiers des patients admis et traités pour une fracture du massif trochantérien ont été inclus dans cette étude. Ont été exclus de l’étude les dossiers médicaux inexploitable et ceux des patients non traités dans le service.
Le CHUD-OP est l’hôpital de référence des deux départements (Ouémé et Plateau) du sud-Est du Bénin.
Il s’agissait d’une étude rétrospective analytique longitudinale sur 9 ans (de janvier 2009 à décembre 2017). Elle concernait tous les patients adultes (de plus de 15 ans) admis et traités dans le Centre hospitalier départemental de l’Ouémé-Plateau pour fracture du massif trochantérien. Les données socio-démographiques et cliniques ont été colligées. Il s’agissait de l’âge, du sexe, des antécédents, de l’autonomie pré-fracturaire mesurée par le score de Parker [5], du mécanisme traumatique, du type de fracture, des lésions associées, et du type de traitement. Les fractures ont été classées selon Ender [6]. Les proportions ont été calculées, l’incidence annuelle déterminée et des tests statistiques réalisés.
L’analyse statistique a été faite avec le logiciel EPI Info version 7.1.5.0. Les liens statistiques entre les variables ont été recherchés avec les tests de Chi2 de Pearson, avec calcul de la valeur de p. Une valeur de p ≤ 0,05 a été considérée comme statistiquement significative, avec un intervalle de confiance fixé à 95%.
Côté | Nombre | pourcentage |
---|---|---|
Droit | 17 | 30,4% |
Gauche | 39 | 69,6% |
Total | 56 | 100% |
Durant la période d’étude, 56 dossiers de patients ont été retenus (Tableau I). L’incidence hospitalière annuelle était 6,22 cas. Il y avait 39 patients de sexe masculin contre 17 de sexe féminin soit une sex-ratio de 39/17 (2,29). L’âge moyen était de 55,8ans avec des extrêmes de 23 et 87 ans. Onze (11) patients avaient des antécédents pathologiques. Il s’agissait essentiellement d’HTA (6 cas). Le score de Parker moyen était de 8,6 avec des extrêmes de 5 et 9.
Sexe/âge | 20-40 | 41-60 | 61-80 | 81-100 | Total |
---|---|---|---|---|---|
Masculin | 4 | 26 | 8 | 1 | 39 |
Féminin | 1 | 10 | 6 | 0 | 17 |
Total | 5 | 36 | 14 | 1 | 56 |
Le côté était le plus atteint avec 69,6% et la différence était statistiquement significative (p= 0,045).
La classe modale était celle entre 41 et 60 ans. La répartition selon le sexe et l’âge ne présentait pas de différence statistiquement significative (p=0,6068) (Tableau II).
Circonstances/ Age | 20-40 | 41-60 | 61-80 | 81-100 | Total |
---|---|---|---|---|---|
AVP | 5 | 30 | 8 | 0 | 43 |
AD | 0 | 5 | 5 | 1 | 11 |
AS | 0 | 1 | 1 | 0 | 2 |
Total | 5 | 36 | 14 | 1 | 56 |
Dans la majorité des cas (43 cas /56) il s’agissait d’un accident de la voie publique. Les accidents qui impliquaient un engin motorisé (auto ou moto) représentaient 43 cas et les chutes (12 accidents domestiques et 1 accident de sport) 13 cas. Lorsqu’un AVP était en cause, dans 72,01% (31 cas/43) une moto à deux roues était impliquée. Il n’y avait pas de lien statistiquement significatif entre l’âge et la circonstance de survenue traumatique, la p-value était de 0,1465 (Tableau III). Il n’y avait pas de lien statistiquement significatif entre le sexe et la circonstance de survenue du traumatisme avec la p-value qui était de 0,6005 (Tableau IV).
Circonstances | AVP | AD | AS | Total |
---|---|---|---|---|
Sexe masculin | 29 | 8 | 2 | 39 |
Sexe féminin | 14 | 3 | 0 | 17 |
Total | 43 | 11 | 2 | 56 |
Les mécanismes en cause étaient variés (Tableau V).
Mécanisme | Auto-Auto | Auto-Moto | Moto-Moto | Chute | Glissade | Total |
---|---|---|---|---|---|---|
Nombre | 12 | 19 | 12 | 6 | 7 | 56 |
Fréquence | 21,4% | 34% | 21,4% | 10,7% | 12,5% | 100% |
Les fractures de type I et II d’Ender étaient les plus fréquentes, touchant respectivement 17 et 16 cas. Il n’y avait pas de lien statistiquement significatif entre le type de fracture et l’âge, la p-value était de 0,1766 (Tableau VI). Il n’y avait pas de lien statistiquement significatif entre le type de fracture et le sexe avec la p-value égale à 0,3611 (Tableau VII).
Age/type lésionnel | I | II | III | IV | V | VI | VII | VIII | Total |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
20-40 | 0 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | 3 | 5 |
41-60 | 10 | 10 | 5 | 1 | 3 | 1 | 1 | 5 | 36 |
61-80 | 7 | 5 | 2 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 14 |
81-100 | 0 | 0 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
Total | 17 | 16 | 8 | 1 | 3 | 1 | 2 | 8 | 56 |
Neuf patients avaient des lésions associées. Il s’agissait au total de 12 lésions : 2 fractures fermées du tibia, 1cas de fracture fermée du fémur, 1 cas de fracture fermée de l’humérus, 1 cas de fracture fermée des deux os de l’avant, 2 cas d’hémopéritoines par rupture de la rate, 1 cas de contusion abdominale et 4 cas de traumatisme crânien. Six patients furent décédés avant la prise en charge de la fracture trochantérienne.
Sexe / type lésionnel | I | II | III | IV | V | VI | VII | VIII | Total |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Masculin | 9 | 13 | 0 | 0 | 2 | 1 | 1 | 7 | 39 |
Féminin | 8 | 3 | 2 | 1 | 1 | 0 | 1 | 1 | 17 |
Total | 17 | 16 | 8 | 1 | 3 | 1 | 2 | 8 | 56 |
Le style rétrospectif de notre série et le faible nombre de patients sont des critères qui diminuent la puissance de notre étude mais permettent de mener une discussion et de tirer des conclusions.
L’incidence hospitalière annuelle de 6,22 cas est nettement inférieure aux 244 retrouvées par Majid et al. en Iran, et aux 150 d’El Maghraoui et al. dans une province du Maroc [2, 7]. Cela pourrait s’expliquer par la faible fréquentation des structures sanitaires au profit des rebouteux et l’absence de sécurité sociale en cas de traumatisme des membres. Cette différence peut s’expliquer aussi par le fait qu’en Afrique on ait une masse osseuse plus importante, et une fréquence de chute moins élevée [8].
L’âge moyen de 55,8 ans est conforme aux données de la littérature où les patients sont colligés à partir de 50 ans. El Maghraoui et al. retrouvaient une moyenne d’âge plus importante de 70,7 ans en rapport avec leurs critères qui excluaient les patients de moins de 50 ans [2]. C’est une pathologie du sujet âgé à priori. Cependant dans notre série on retrouvait 9% de sujets de moins de 40 ans. Comme dans notre série, l’absence de différence significative dans les proportions de fracture trochantérienne entre les sexes et au sein du même sexe a été retrouvée par Bjørgul en Norvège [9].
Il n’y a pas de lien statistiquement significatif nous permettant d’affirmer que plus on est âgé plus les fractures trochantériennes sont dues aux chutes comme présenté par le modèle occidental. Toutes les classes d’âges adulte sont concernées par les accidents de la voie publique. Ceci est une particularité de notre contexte. Ces résultats sont retrouvés en général dans les fractures de hanche en Afrique. Au Nigéria Adebajo notaient l’absence de lien significatif entre fracture de hanche et âge [10].
Contrairement aux données abondantes de la littérature occidentale [5, 11-13] qui retrouvent les chutes comme circonstances prédominantes, dans notre contexte, les circonstances sont dominées par les accidents de la voie publique. Cela est corroboré par Aspray et al en qui retrouvaient qu’il s’agissait plus de traumatismes à haute énergie dans les zones rurales [14]. Cette différence pourrait s’expliquer par le fait que les personnes âgées sont obligées par manque de moyens financiers de se déplacer à moto comme les conducteurs de taxi-moto « Zémidjan » ou d’emprunter des motos pour leurs courses et s’exposant alors au traumatisme au même titre que les autres franges actives de la population. Il n’est pas rare de voir dans la ville de Porto-Novo des personnes du 3ème âge conduit des taxis motos.
Les fractures stables de type I et II d’Ender étaient prédominantes. Cela présagerait d’un traitement plus simple.
La variation dans les implants utilisés au cours des années s’expliquent par la disponibilité des implants, les habitudes des différents chirurgiens, la disponibilité ou non de l’amplificateur de brillance.
Nos résultats montrent la particularité de notre contexte d’exercice dominé par les accidents de la voie publique qui n’épargnent aucune classe d’âge. Contrairement aux données de la littérature, surtout occidentale, qui placent en tête les chutes comme circonstances dominantes de survenue des fractures trochantériennes, les accidents de la voie publique sont les plus en cause notre contexte.
- El Maghraoui A, Koumba B, Jroundi I, Achemlal L, Bezza A, Tazi M. Epidemiology of hip fractures in 2002 in Rabat, Morocco. Osteoporos Int. 2005;16:597-602 pubmed
- Bajpai J, Maheshwari R, Bajpai A, Saini S. Treatment options for unstable trochanteric fractures: Screw or helical proxima femoral nail. Chin J Traumatol. 2015;18:342-6 pubmed
- Clark P, Lavielle P, Franco Marina F, Ramírez E, Salmeron J, Kanis J, et al. Incidence rates and life-time risk of hip fractures in Mexicans over 50 years of age: a population-based study. Osteoporos Int. 2005;16:2025-30 pubmed
- Parker M, Palmer C. A new mobility score for predicting mortality after hip fracture. J Bone Joint Surg Br. 1993;75:797-8 pubmed
- . Valizadeh M, Mazloomzadeh S, Azizi R. Epidemiology of hip fractures in Zanjan, Iran. Arch Osteoporos 2008;3(1‑2):1‑5. Disponible à partir du: www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3644198/
- Melton L. Hip fractures: a worldwide problem today and tomorrow. Bone. 1993;14 Suppl 1:S1-8 pubmed
- Bjørgul K, Reikeras O. Incidence of hip fracture in southeastern Norway: a study of 1,730 cervical and trochanteric fractures. Int Orthop. 2007;31:665-9 pubmed
- Adebajo A, Cooper C, Evans J. Fractures of the hip and distal forearm in West Africa and the United Kingdom. Age Ageing. 1991;20:435-8 pubmed
- Aspray T, Prentice A, Cole T, Sawo Y, Reeve J, Francis R. Low bone mineral content is common but osteoporotic fractures are rare in elderly rural Gambian women. J Bone Miner Res. 1996;11:1019-25 pubmed