Le carcinome transitionnel de l’ovaire : à propos d’un cas et revue de la littérature
  1. Sofia Aloulou MD#
    sofia112 at live dot fr
    Service d’Oncologie Radiothérapie CHU Mohammed VI, Marrakech, Maroc
  2. A El Mahfoudi MD
    Service d’Oncologie Radiothérapie CHU Mohammed VI, Marrakech, Maroc
  3. A El Omrani MD
    Service d’Oncologie Radiothérapie CHU Mohammed VI, Marrakech, Maroc
  4. M Khouchani MD
    Service d’Oncologie Radiothérapie CHU Mohammed VI, Marrakech, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.626
Date
2014-03-25
Citer comme
Research fr 2014;1:626
Licence
Résumé

Le Carcinome à cellules transitionnelles de l'ovaire (CCT) est un sous-type histologique rare de cancer épithélial de l'ovaire.

Nous présentons dans cet article le cas d’une patiente âgée de 56 ans, ménopausée, avec antécédent de cystadénocarcinome ovarien de type mucoide pour lequel elle fut opérée il y a 13 ans avec chimiothérapie adjuvante (cysplatine, cyclophosphamide). La patiente était perdue de vue pendant 13 ans, puis elle a consulté pour distension abdominale importante. La Tomodensitométrie abdominale objectivait une récidive tumorale abdomino-pelvienne, pour laquelle elle a eu une chirurgie de réduction tumorale. A l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire, il s’agissait d'un carcinome à cellules transitionnelles peu différencié et infiltrant. La patiente était ensuite mise sous chimiothérapie : carboplatine, paclitaxel.

Conclusion : Le carcinome ovarien transitionnel est un sous-type rare de carcinome épithélial, de haut grade, reconnu depuis peu. Une résécabilité chirurgicale suivie d'une chimiothérapie pourrait contribuer à l'amélioration de la survie. Il est donc important de reconnaitre son aspect histologique particulier.

English Abstract

Transitional cell carcinoma of the ovary is a rare subtype of epithelial ovarian cancer. In this article we report the case of a 56-year-old patient, menopausal, with a history of ovarian mucoid cystadenocarcinoma, who underwent a surgery with adjuvant chemotherapy (cisplatin, cyclophosphamide). She had lost vision for 13 years and had been consulted for abdominal distension. Abdominal computed tomography showed a pelvic mass. She underwent a debulking surgery. The pathology reported a poorly differentiated and infiltrating transitional cell carcinoma. The patient subsequently had 3 cycles of chemotherapy with carboplatin and paclitaxel.

Surgical resection is the primary therapeutic approach for transitional cell carcinoma of the ovary. The patient outcomes after chemotherapy are better than for other types of ovarian cancers. It is important to know its particular histological aspect.

Introduction

Le Carcinome à cellule transitionnelles (CCT) de l'ovaire est un sous-type histologique rare de cancer épithélial de l'ovaire. La résection chirurgicale est la principale approche thérapeutique et les résultats des patients après une chimiothérapie sont meilleurs. Nous présentons un cas de CCT de l'ovaire et nous proposons de détailler les caractéristiques anatomocliniques de cette entité rare qui pose des problèmes de diagnostic positif, de diagnostic différentiel, et de prise en charge.

Observation clinique

Une patiente âgée de 56 ans, ménopausée, sans antécédent pathologique notable, opérée il y a 13 ans pour cystadénocarcinome ovarien gauche de type mucoide : une tumorectomie initiale puis une hystérectomie totale sans conservation annexielle était réalisée, puis trois cures de chimiothérapie (cisplatine, cyclophosphamide).

La patiente était perdue de vue pendant 13 ans, puis reconsultait pour une distension abdominale évoluant depuis 3 mois. La TDM abdominopelvienne objectivait une volumineuse masse abdominopelvienne très probablement ovarienne bien limitée, mesurant 128 x 92 mm, spontanément hétérogène, rehaussée en périphérie de façon hétérogène après injection de produit de contraste, délimitant une large zone centrale de nécrose. Cette masse arrivait au contact de la paroi abdominale antérieure qui paraissait infiltrée, et métastase hépatique mesurant 17 x 17 mm sans adénopathie profonde. A l'exploration chirurgicale, la patiente présentait une récidive péritonéale, hépatique et intestinale, elle a eu une réduction tumorale. Les suites post-opératoires étaient simples.

Le carcinome transitionnel de l’ovaire : à propos d’un cas et revue de la littérature Figure 1
Figure 1. Tomodensitométrie abdominale objectivant une volumineuse masse probablement d'origine ovarienne mesurant 128*92 mm.

Le dosage des marqueurs tumoraux CA125 avait objectivité un taux élevé de 457,8 UI/ml. L'analyse histologique définitive de la tumeur montrait une prolifération carcinomateuse d'architecture massive ulcérée et infiltrante, mesurant 10 x 8,5 x 4,5 cm, nécrosée, les mitoses étaient nombreuses et atypiques. Le stroma était fibreux, inflammatoire, avec images d'emboles vasculaires tumoraux. L’étude immunohistochimique en faveur d'un CCT de l'ovaire peu différencié et infiltrant était positive pour la cytokératine 7 et négative pour la cytokératine 20. La patiente a reçu une chimiothérapie adjuvante: carboplatine paclitaxel toutes les 3 semaines.

Le carcinome transitionnel de l’ovaire : à propos d’un cas et revue de la littérature Figure 2
Figure 2. Immunohistochimie d'un carcinome transitionnel de l'ovaire. Les cellules tumorales ontune forte expression àla cytokératine 7.
Discussion

Les tumeurs ovariennes constituées de cellules ressemblantes aux cellules urothéliales sont regroupées sous le terme de tumeurs à cellules transitionnelles qui représentent 1 à 2% de l'ensemble des tumeurs ovariennes [1] [2]. Ces tumeurs comprennent la tumeur de Brenner (bénigne, borderline ou maligne) et le carcinome à cellules transitionnelles. Le carcinome ovarien transitionnel est un sous-type de carcinome épithélial de haut grade reconnu depuis peu. Il se définit comme une tumeur maligne à cellules transitionnelles (comme les tumeurs malignes urothéliales de l'arbre urinaire) mais sans composante bénigne ou maligne de Brenner associée [2] [3]. Il touche surtout les femmes de 50 à 70 ans, et réalise la même symptomatologie clinique que les autres tumeurs malignes de l'ovaire: douleur abdominale, masse abdominale, perte de poids, symptômes urinaires ou digestifs [2] [4]. Le CCT est souvent unilatéral et rarement bilatéral 15% des cas, avec un aspect macroscopique ne pouvant être différencié des autres tumeurs épithéliostromales [2].

Carcinome transitionnel de l'ovaireCarcinome urothelial
Vimentine+-
Cytokeratine 7++
Cytokeratine 20-+
CA 125+-
Thrombomoduline-+
Uroplakine-+
Tableau I. Comparaison de l'immunohistochimie du carcinome transitionnel de l'ovaire et le carcinome urothélial.

Au moment du diagnostic, le CCT s'est déjà étendu au delà de l'ovaire dans 75 % des cas. Histologiquement, il se reconnaît par son architecture caractéristique typiquement papillaire avec un épithélium transitionnel et une bordure luminale lisse, pas de composante de Brenner bénigne ou borderline associée. Comme dans le carcinome urothélial, on peut avoir des foyers de différenciation glandulaires et ou squameux [1] [5], souvent associés à un adénocarcinome séreux, contrairement aux tumeurs de Brenner où il n’y a pas de calcifications stromales. Le grade histologique des CCT de l'ovaire se fait selon le grade des CCT urothéliaux [1] [3]. Le CCT de l'ovaire présente un profil immunohistochimique différent de celui des carcinomes à cellules transitionnelles du tractus urinaire, mais proche de celui des tumeurs ovariennes épithéliostromales.

Uroplakine, thrombomoduline et cytokératine 13 et 20 négatives. CA 125 et cytokératine 7 positives [2] [5] [6].

Le diagnostic différentiel du CCT ovarien se pose devant une métastase d'un CCT des voies urinaires, une tumeur de Brenner maligne, un carcinome ovarien indifférencié et une tumeur de la granulosa de type adulte d'architecture diffuse [3] [6]. Le traitement des CCT de l'ovaire est semblable à celui des autres cancers épithéliaux de l’ovaire [6]. Le carcinome ovarien transitionnel présenterait une meilleure réponse à la chimiothérapie (92%) que les autres carcinomes épithéliaux et son pronostic en serait possiblement plus favorable, survie globale à 5 ans 35% [2] [7].

Conclusion

Le carcinome ovarien transitionnel est un sous type rare de carcinome épithélial de haut grade reconnu depuis peu. Une résécabilité chirurgicale suivie d'une chimiothérapie pourrait contribuer à l'amélioration de la survie. Il est donc important de reconnaitre son aspect histologique particulier.

Références
  1. Lee M, Jung Y, Kim S, Kim S, Kim Y. Metastasis to the ovaries from transitional cell carcinoma of the bladder and renal pelvis: a report of two cases. J Gynecol Oncol. 2010;21:59-61 pubmed
  2. Eichhorn J, Young R. Transitional cell carcinoma of the ovary: a morphologic study of 100 cases with emphasis on differential diagnosis. Am J Surg Pathol. 2004;28:453-63 pubmed
  3. Tava s, soli Fa, Devilee P. World Health organisation classification of tumors. Pathology and genetics of tumors of the breast and female genitale organs. IARC Press; 2003.
  4. Silva E, Robey-Cafferty S, Smith T, Gershenson D. Ovarian carcinomas with transitional cell carcinoma pattern. Am J Clin Pathol. 1990;93:457-65 pubmed
  5. Ordonez N. Transitional cell carcinomas of the ovary and bladder are immunophenotypically different. Histopathology. 2000;36:433-8 pubmed
  6. Kommoss F, Kommoss S, Schmidt D, Trunk M, Pfisterer J, du Bois A. Survival benefit for patients with advanced-stage transitional cell carcinomas vs. other subtypes of ovarian carcinoma after chemotherapy with platinum and paclitaxel. Gynecol Oncol. 2005;97:195-9 pubmed
  7. Sweeten K, Gershenson D, Burke T, Morris M, Levenback C, Silva E. Salvage chemotherapy for refractory transitional cell carcinoma of the ovary (TCC). Gynecol Oncol. 1995;59:211-5 pubmed
ISSN : 2334-1009