Chondrosarcome du sphénoide : à propos d’un cas
Nitassi Sophia1 (dr dot nitassisophia at gmail dot com) #, Rkain Ilham2, El Hafi Zakaria2, Benbouzid Anass3, Oujilal Abdelillah3, Essakalli Leila3
1 ORL et chirurgie cervico-faciale.Hôpital des Spécialités.CHU Rabat. Université Mohammed V-Rabat. MAROC¹. 2 chirurgie cervico-faciale.Hôpital des Spécialités.CHU Rabat. Université Mohammed V-Rabat. MAROC. 3 ORL et chirurgie cervico-faciale.Hôpital des Spécialités.CHU Rabat. Université Mohammed V-Rabat. MAROC
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.2.1458
Date
2015-10-05
Citer comme
Research fr 2015;2:1458
Licence
Résumé

Introduction : Le chondrosarcome à localisation naso-sinusienne est une tumeur rare. Seulement 20 cas environ ont été rapportés dans la littérature. Il s'agissait de localisations au sinus maxillaire et sphénoïdal. Sa présentation clinique est non spécifique. Elle pose un problème thérapeutique du fait de sa localisation à la base du crâne. Cas clinique : Nous rapportons le cas clinique d’une patiente âgée de 54 ans, qui a consulté pour obstruction nasale évoluant depuis un an, sans épistaxis. L’endoscopie nasale a mis en évidence une masse polypoide, bourgeonnante, pédiculée, au niveau du sphénoïde et qui comblait la fosse nasale droite. L’imagerie a confirmé la présence d’un processus lésionnel hétérogène lobulé, occupant le corps sphénoïde et s’étendant aux deux choanes. La patiente a été opérée par voie endonasale seule. L’étude histologique était en faveur d’un chondrosarcome de grade 2. La patiente a été perdue de vue. Discussion : Le chondrosarcome représente 10 à 15% des tumeurs malignes de l’os. Il existe deux types de chondrosarcome : ceux qui prennent naissance au niveau du tissu cartilagineux normal, et ceux qui se sont ossifiés à partir du cartilage comme l’os sphénoïdal. L’IRM est l’examen clé. Le caractère lobulé et la présence de calcifications avec rehaussement en périphérie sont des arguments en faveur du diagnostic de chondrosarcome. Le traitement est chirurgical. Le pronostic reste réservé. Il dépend du grade histologique, de l’extension tumorale, et de la qualité de l’exérèse.

English Abstract

Introduction: chondrosarcoma in sinonasal localization is a rare tumor. Only few cases were reported in the literature. Clinical presentation is not specific and the treatment is difficult because of the location in the skull base. Case report: we report a case of a 54-years-old patient who consulted for nasal obstruction evolving for a year without epistaxis. Nasal endoscopy revealed a polypoid mass with a budding pedicle on the sphenoid which closed the right nasal fossa. Imaging confirmed the presence of heterogeneous lobulated lesion process, occupying the sphenoid body and extending both choanae. The patient was operated by endonasal approach. Histological study was in favor of a grade 2 chondrosarcoma. The patient was lost of sight. Discussion: chondrosarcoma represent 10-15% of malignant tumors of the bone. There are two types of chondrosarcoma: those that arise in the normal cartilage and those who have ossified cartilage from the bone as sphenoid. MRI is the key exam. The lobulated character and the presence of calcifications with enhancement in the periphery are arguments in favor of chondrosarcoma. The treatment is surgical and the prognosis is poor depending on the histological grade, the extension of neoplasm and the quality of resection.

Introduction

Le chondrosarcome est une tumeur maligne primitive de l'os produisant du cartilage tumoral sans jamais élaborer de tissu osseux tumoral [1]. Elle représente 10 à 20% des tumeurs malignes de l’os [1] et seuls 7% des chondrosarcomes intéressent la région tête et cou [2]. La localisation naso-sinusienne est rare : seuls une vingtaine de cas ont été rapportés dans la littérature [3]. Nous rapportons le premier cas dans notre pays.

Cas clinique

Il s’agit d’une patiente âgée de 54 ans, diabétique sous antidiabétiques oraux, hypertendue sous thiazidiques, hospitalisée pour prise en charge d’une obstruction nasale gauche totale puis bilatérale, avec rhinorrhée antérieure claire homolatérale à l’obstruction nasale, respiration buccale nocturne, céphalées, sans dysosmie ni épistaxis, le tout évoluant depuis 1 an.

A l’examen clinique, le flux nasal était aboli du côté gauche et réduit à droite. L’endoscopie nasale a montré la présence d’une masse polyploïde bourgeonnante, pédiculée dans le sinus sphénoïdal comblant la fosse nasale gauche, qui se collabait dans le cavum et qui obstrue partiellement la fosse nasale droite. Le reste de l’examen ORL et somatique était sans particularité.

La TDM naso-sinusienne réalisée a montré un processus isodense au niveau du sinus sphénoïdal qui s’étendait vers l’orifice choanal gauche, une obstruction relative de l’orifice choanal droit avec destruction de la base d’implantation du vomer et épaississement de la paroi supérieure du rhinopharynx.

Chondrosarcome du sphénoide : à propos d’un cas Figure 1
Figure 1. TDM naso-sinusienne : processus isodense au niveau du sinus sphénoïdal qui s’étend vers l’orifice choanal gauche, avec obstruction relative de l’orifice choanal droit, destruction de la base d’implantation du vomer et épaississement de la paroi supérieure du rhinopharynx.

L’IRM a confirmé la présence du processus lésionnel expansif hétérogène lobulé, renfermant des cloisons avec calcifications occupant le corps sphénoïde et s’étendant aux deux choanes avec comblement en avant et en haut de la partie postérieure des cellules ethmoïdales, et une lyse de la partie postérieure de la cloison nasale en bas. Les deux carotides étaient refoulées mais perméables.

Chondrosarcome du sphénoide : à propos d’un cas Figure 2
Figure 2. IRM : processus lésionnel expansif hétérogène lobulé, renfermant des cloisons avec calcifications occupant le corps sphénoïde et s’étendant aux deux choanes.

Une intervention chirurgicale par voie endonasale a été réalisée avec exérèse par morcellement de la tumeur avec désobstruction de la choane et de la fosse nasale gauche. L’étude histologique était revenue en faveur d’un chondrosarcome grade 2.

Le bilan d’extension (TDM thoraco-abdomino-pelvienne) était négatif.

Le patient a été perdu de vue.

Chondrosarcome du sphénoide : à propos d’un cas Figure 3
Figure 3. IRM : comblement en avant et en haut de la partie postérieure des cellules ethmoïdales, et lyse de la partie postérieure de la cloison nasale en bas.
Discussion

Le chondrosarcome est une tumeur maligne rare. Elle représente 10 à 20% des tumeurs malignes de l’os [1]. Il existe deux types de chondrosarcome : ceux qui prennent naissance au niveau du tissu cartilagineux normal (ce sont les plus fréquents) et ceux qui se sont formés à partir de tissu ossifié comme l’os sphénoidal [5] : c’est la localisation la plus fréquente du chondrosarcome. La localisation « tête et cou » du chondrosarcome est de 12%. [4]. La localisation sinusienne est très rare: une vingtaine de cas ont été rapportés dans la littérature dont 10 par Fu et Perzin en 1974 [3].

L’incidence augmente avec l'âge avec un pic de fréquence à la quatrième décade [1], avec une nette prédominance féminine contrairement aux autres localisations [4].

La symptomatologie est variable en fonction du siège et de l’extension de la tumeur: signes oculaires tels qu’une baisse de l’acuité visuelle, brouillard visuel, céphalées rétro-orbitaire ou mal systématisées, signes endocriniens par compression de la tige pituitaire, signes rhinologiques : obstruction nasale, rhinorrhées surtout unilatérales [6, 7].

L’imagerie médicale permet d’apporter des signes caractéristiques bien que peu spécifiques.

L’IRM est l’examen clé permettant d’étudier les rapports de la tumeur avec les structures de voisinage et de faire le diagnostic différentiel avec les autres tumeurs. Ainsi le caractère lobulé et la présence de calcification avec rehaussement en périphérie est en faveur du chondrosarcome. L’angio-IRM peut être utile pour apprécier les rapports avec les vaisseaux [8].

Sur le plan histologique, le chondrosarcome est classifié de bien différencié à indifférencié : grading de 1 à 3 en fonction du nombre de mitoses, de la taille des noyaux et de la cellularité. L’absence de mitoses n’élimine pas le diagnostic de malignité [9-11].

Le diagnostic différentiel radiologique se pose avec le chondrome, le méningiome, l’ostéome, l’ostéosarcome, les lésions fibro-osseuses et le chordome. Sur le plan histologique, le diagnostic différentiel peut se poser avec le chondrosarcome, le chondrome, le sarcome ostéogénique et les tumeurs des glandes salivaires. Il est délicat de trancher à l’examen extemporané entre un chondrome et un chondrosarcome comme cela était le cas chez notre malade [10].

Le traitement du chondrosarcome est chirurgical quoique l’exérèse tumorale complète peut se faire aux dépens d’une rançon esthétique importante et de la qualité de vie [12], en raison de l’extension aux structures adjacentes. La voie endoscopique est la voie d’abord de choix pour le traitement des chondrosarcomes du sphénoïde [10].

Le chondrosarcome n’est pas radiosensible et la chimiothérapie n’a pas montré d’efficacité [8]. Cependant certains auteurs préconisent de réaliser une radiothérapie complémentaire à la dose de 50-60 Gy après la troisième cure de chimiothérapie.

Le pronostic de cette tumeur est mauvais. Il dépend du grade histologique, de l’extension tumorale et de la qualité de l’exérèse [13].

La survie varie de 44% à 81% pour le chondrosarcome de la région tête et cou [9]. Le taux de survie à 10 ans est inférieur à 30 % pour l’ensemble des localisations osseuses et extra-squelettiques. La récidive est de 40-60%. L’évolution est marquée par des récidives locales et des métastases surtout pulmonaires, de survenue parfois très tardive.

Conclusion

Le chondrosarcome est une tumeur maligne dont la localisation au niveau des sinus est très rare. La symptomatologie varie en fonction de la localisation et de l’extension. L’IRM représente l’examen clé pour poser le diagnostic. Le traitement est essentiellement chirurgical. L’efficacité de la radio-chimiothérapie n’a pas été démontrée mais de nombreux auteurs préconisent son utilisation en complément de la chirurgie. Les récidives sont fréquentes ainsi que les métastases (pulmonaires++) ce qui fait du chondrosarcome une tumeur maligne de pronostic réservé.

Il n’existe pas de conflit d’intérêt entre les auteurs.

Références
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  10. Fu Y, Perzin K. Non-epithelial tumors of the nasal cavity, paranasal sinuses, and nasopharynx: a clinicopathologic study. 3. Cartilaginous tumors (chondroma, chondrosarcoma). Cancer. 1974;34:453-63 pubmed
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ISSN : 2334-1009