Le plasmocytome solitaire du sinus maxillaire : une localisation exceptionnelle
B Belhoucha (btissambelhoucha at gmail dot com) #, K Hssaine, Y Rochdi, H Nouri, L Aderdour, A Raji
Service d’ORL et chirurgie cervico-faciale, CHU Mohammed VI, Marrakech, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.799
Date
2014-05-15
Citer comme
Research fr 2014;1:799
Licence
Résumé

Objectif : étudier les aspects évolutifs et thérapeutiques du plasmocytome du sinus.

Patients et méthodes : nous rapportons le cas clinique d’un patient âgé de 40 ans, qui a présenté depuis 4 mois une rhinorrhée purulente, suivie d’une obstruction nasale droite. L’examen clinique a mis en évidence une masse de la fosse nasale droite avec rhinorrhée purulente. Une tomodensitométrie (TDM) cervico-faciale a objectivé la présence d’une masse au niveau du sinus maxillaire et la fosse nasale droits. Cette lésion était responsable d’une lyse totale de la paroi interne, et une lyse partielle de la paroi antérieure et externe et du plancher orbitaire ainsi que du palais osseux. L’étude anatomopathologique et immuno-histochimique de la biopsie tumorale a révélé une prolifération plasmocytaire. Une radiothérapie complémentaire a été réalisée, à la dose de 45 Gy, avec des contrôles biologiques et radiologiques réguliers. Le patient n’a pas présenté de récidive à 8 mois de suivi post-thérapeutique.

Conclusion : les tumeurs plasmocytaires sont rares, dont les plasmocytomes solitaires représentent 10 %. La localisation sinusienne est extrêmement rare. Le pronostic des plasmocytomes solitaires osseux est relativement bon avec une survie à 10 ans de 50 %. Il dépend essentiellement de la progression ou non vers un myélome multiple. La radiothérapie reste le traitement de référence.

English Abstract

Purpose: To assess the outcome and the management of solitary plasmocytoma in the sinus.

Patients and methods: We report the case of a 40-year-old man, presented to our department with a 4-month history of right nasal obstruction and purulent rhinorrhoea. Nasal endoscopy showed a budding tumour of the right nasal cavity with purulent rhinorrhea. A CT scan of the head showed a mass on the right maxillary sinus and right nasal cavity. This lesion was responsible for the complete lysis of the medial wall and partial lysis of the anterior and external wall of the hard palate. Histological and immunohistochemical study of the tumor biopsy revealed plasma cell proliferation. Adjuvant radiotherapy was performed, at a dose of 45 Gy, with regular biological and radiological controls. The patient did not present recurrence at 8 months post therapeutic follow up.

Conclusion: Plasma cell tumors are rare; about 10% of them are solitary plasmocytomas. The sinus localization is extremely rare. The prognosis of solitary bone plasmacytoma is relatively good with a 10-year survival of 50%. Progression to myeloma is the most important factor that influences the prognosis. Radiotherapy is the best effective local treatment.

INTRODUCTION

Le plasmocytome solitaire est défini comme une prolifération plasmocytaire isolée dérivant d’un clone unique de lymphocytes B plus ou moins différenciés. C’est une tumeur maligne rare, dont il existe deux formes cliniques : le plasmocytome osseux ou intra-médullaire et le plasmocytome extra-médullaire. Les formes osseuses sont les plus fréquentes et atteignent surtout les vertèbres, mais également les côtes, les clavicules, le sternum et les os longs. La localisation naso-sinusienne est exceptionnelle [1].

À travers une observation de plasmocytome solitaire osseux du sinus maxillaire et une revue de la littérature, nous analysons les éléments diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs de cette pathologie.

Le plasmocytome solitaire du sinus maxillaire : une localisation exceptionnelle Figure 1
Figure 1. aspect endoscopique de la tumeur
OBSERVATION

Il s’agissait d’un patient âgé de 40 ans, ayant l’antécédent d’une sous-maxillectomie droite, 7 ans auparavant, pour lithiase salivaire, qui présentait depuis 4 mois une rhinorrhée purulente suivie d’une obstruction nasale droite dans un contexte d’apyrexie et de conservation de l’état général.

Une rhino-cavoscopie a mis en évidence une masse charnue de la paroi latérale au-dessus du cornet inférieur avec rhinorrhée purulente (Figure 1). Une TDM cervico-faciale a objectivé la présence au niveau du sinus maxillaire droit d’une lésion tissulaire spontanément isodense, mesurant 44 x 37 x 19 mm (Figure 2). Cette lésion était responsable d’une lyse totale de la paroi interne, et une lyse partielle de la paroi antérieure et externe et du plancher orbitaire ainsi que du palais osseux.

Le plasmocytome solitaire du sinus maxillaire : une localisation exceptionnelle Figure 2
Figure 2. TDM cervico-faciale en coupes axiales et coronales montrant une atteinte du sinus maxillaire droit avec une importante infiltration locale.

L’étude anatomopathologique de la biopsie de la tumeur du sinus maxillaire droit, réalisée sous anesthésie générale, a été en faveur d’un infiltrat cellulaire dense plasmocytaire, dont la nature réactionnelle ou tumorale ne pouvait être précisée. L’étude immunohistochimique a révélé un aspect morphologique et immunohistochimique d’une prolifération plasmocytaire.

Le bilan d’explorations a été ensuite orienté par la suspicion de myélome multiple devant la lyse osseuse et les chiffres élevés de la vitesse de sédimentation (1ère heure : 60 mm, 2ème heure : 70 mm). Le patient a eu une biopsie ostéo-médullaire, des radiographies du squelette, une électrophorèse et une immunoélectrophorèse des protides, une numération formule sanguine et une recherche de protéinurie de Bence-Jones. Tout ce bilan était négatif, ce qui a confirmé le diagnostic de plasmocytome solitaire sinusien.

Une radiothérapie complémentaire a été réalisée, à la dose de 45 Gy, avec des contrôles biologiques et radiologiques réguliers. Le patient n’a pas eu de récidive après 8 mois de suivi post-thérapeutique.

DISCUSSION

Les hémopathies plasmocytaires représentent 1 à 2 % de l’ensemble des néoplasies humaines. Les pasmocytomes solitaires extramédullaires ne représentent que 10 % des plasmocytomes solitaires, ils atteignent préférentiellement la sous-muqueuse des voies aériques supérieures et représentent 0,4 % des tumeurs malignes de la tête et du cou [1] [2]. La localisation naso-sinusienne est exceptionnelle. Sur le plan épidémiologique, l’homme est le plus souvent atteint, dans environ deux tiers des cas, avec un âge moyen de 55 ans, soit dix ans de moins que l’âge de survenue des myélomes multiples [5] [6].

La symptomatologie clinique n’est pas spécifique. Plusieurs signes et symptômes peuvent être observés isolément ou associés en fonction du stade évolutif de la tumeur. Cependant, il faut noter que la symptomatologie peut se limiter à une obstruction nasale accompagnée d’épisodes d’épistaxis [3] [4].

La tomodensitometrie du massif facial permet une exacte localisation de la masse tumorale, une évaluation de la lyse osseuse, ainsi qu’un éventuel envahissement des tissus adjacents. C’est un diagnostic histologique puisqu’aucun signe clinique ou radiologique ne permet d’y penser avant l’étude anatomopathologique d’une biopsie ou de la pièce d’exérèse. Les PEM se localisent dans 80 % des cas au niveau de la sous muqueuse des voies aéro-digestives supérieures, et en premier lieu dans les cavités naso-sinusiennes [2].

Les plasmocytes sont dystrophiques, avec des anomalies nucléaires contrastant avec un cytoplasme normal. Cette dystrophie est l’élément clé du diagnostic histologique. La nature clonale des plasmocytes dystrophiques est souvent mise en évidence par les techniques d’immunohistochimie [5] [6].

Afin d’affirmer le diagnostic, il est nécessaire de réaliser un bilan général complet afin d’éliminer un myélome multiple.

L’absence des éléments suivants est en faveur d’un plasmocytome solitaire osseux [5] [6] :

  • - une plasmocytose médullaire, dont le taux doit être inférieur à 10 %, ce qui sera affirmé après biopsie osteomedullaire ;
  • - d’autres localisations plasmocytaires, par des radiographies du squelette, notamment du rachis, du bassin et du crâne ;
  • - une anémie ;
  • - une hypercalcémie et une atteinte rénale dues au myélome multiple ;
  • - une gammapathie monoclonale, par une électrophorèse et une immunoélectrophorèse des protéines ;
  • - une tubulopathie myelomateuse par le dosage de la protéinurie de Bence-Jones qui doit être négative.

Sur le plan thérapeutique, la radiothérapie constitue le traitement de référence du plasmocytome solitaire osseux et du plasmocytome solitaire extramédullaire des voies aérodigestives supérieures, soit exclusivement, soit après une chirurgie à visée essentiellement diagnostique. La radiothérapie, utilisée à des doses de 40 à 50 Gy (1,8 à 2 Gy/j), permet d’obtenir un taux de contrôle local de plus de 90 % avec également un effet antalgique [1] [2]. Des études ont montré que l’irradiation des aires ganglionnaires cervicales prophylactiques pourrait être proposée pour les plasmocytomes à haut risque de dissémination ganglionnaire (tumeurs de l’anneau de Waldeyer et/ou de plus de 5 cm) à une dose d’au moins 36 Gy [1]. L’adjonction d’une chimiothérapie n’est pas recommandée, celle-ci n’ayant pas prouve son efficacité en termes de récidive ou d’évolution vers un myélome multiple [5] [3] [4].

Les facteurs prédictifs de récidive locale semblent être, en plus des doses insuffisantes de radiothérapie, le siège du plasmocytome solitaire osseux, les lésions rachidiennes ou pelviennes e´tant plus difficiles à traiter que les atteintes périphériques, ainsi que la taille tumorale [5]. L’évolution vers la multifocalite est une situation rare et discutée, décrite dans 2 à 15 % des cas [6].

Le pronostic du plasmocytome solitaire osseux reste essentiellement domine par le risque de survenue d’un myelome multiple qui se voit dans 31 à 75 % des cas selon les séries [5] [6]. Cette évolution est plus rare pour les formes extra médullaires.

Conclusion

Le plasmocytome extramédullaire est une tumeur rare développée préférentiellement dans la région tête et cou. La confirmation du diagnostic de plasmocytome solitaire osseux est histologique et nécessite un bilan complet afin d’éliminer un myélome multiple. La radiothérapie constitue le traitement de référence indépendamment du geste chirurgical initial. Le taux de contrôle local semble dépendre de la dose de radiothérapie, qui doit être au minimum de 45 Gy. L’évolution fréquente vers un myélome multiple impose une surveillance étroite de ces patients.

Declarations

Conflit d’intérêts : aucun

Références
  1. Tournier-Rangeard L, Lapeyre M, Graff-Caillaud P, Mege A, Dolivet G, Toussaint B, et al. Radiotherapy for solitary extramedullary plasmacytoma in the head-and-neck region: A dose greater than 45 Gy to the target volume improves the local control. Int J Radiat Oncol Biol Phys. 2006;64:1013-7 pubmed
  2. Ben Ammar CN, Ghorbel I, Kochbati L, Gargouri W, Touati S, Maalej M.Plasmocytome solitaire extramédullaire de la tête et du cou : à propos de cinq cas, Cancer/Radiothérapie, Volume 14, Issue 8, December 2010, Pages 755-758.
  3. Rappaport K, Liesegang T, Menke D, Czervionke L. Plasmacytoma manifesting as recurrent cellulitis and hematic cyst of the orbit. Am J Ophthalmol. 1996;122:595-7 pubmed
  4. Balayre S, Gicquel JJ, Mercie M, Dighiero P. Extension orbitaire d’un plasmocytome sinusien secondairement transformé en myélome multiple: à propos d’un cas Journal Français d'Ophtalmologie, Volume 27, Issue 1, January 2004, Pages 67-71.
  5. Bencheikh R, Benhammou A, Rabeh G, Benbouzid MA, Boulaich M, EssakaliL, et al. Plasmocytome solitaire osseux de la mandibule. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2007; 108:135–8.
  6. Mendenhall W, Mendenhall C, Mendenhall N. Solitary plasmacytoma of bone and soft tissues. Am J Otolaryngol. 2003;24:395-9 pubmed
ISSN : 2334-1009