Ostéome sino-orbitaire
H Zine el abidine, H Moustaader, S Rouadi, R Abada, M Roubal, M Mahtar
Service d’ORL et de Chirurgie Cervico Faciale Hopital 20 Aout CHU Ibn Rochd
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.3.1496
Date
2016-03-15
Citer comme
Research fr 2016;3:1496
Licence
Résumé

L’ostéome des sinus est une tumeur rare pouvant quelques fois se compliquer et atteindre l’orbite. Nous rapportons le cas dʼun ostéome du sinus ethmoidal étendu à l’orbite. La tumeur a été révélée par des céphalées associées à une tuméfaction faciale et des troubles visuels. Nous avons réalisé une voie endonasale sous guidage endoscopique et externe à minima. Lʼévolution a été favorable pour notre patient. Lʼostéome sinusien est une tumeur bénigne dont le traitement est chirurgical et sʼimpose dans les formes symptomatiques. La voie dʼabord dépend de la localisation tumorale.

English Abstract

Osteoma of the sinus is a rare tumor that can sometimes be complicated and reach the orbit. We report the case of an osteoma of the ethmoid sinus extended to the orbit. The tumor was revealed by headaches associated with facial swelling and visual disturbances. We conducted an endonasal endoscopic surgery. The outcome was favorable for our patient. The sinus osteoma is a benign tumor whose treatment is surgical and is necessary in symptomatic forms. The surgical technique depends on the tumor location.

Introduction

L’ostéome para-nasal est une tumeur bénigne encapsulée à développement lent se situant le plus souvent au niveau du sinus frontal, éthmoïdal et maxillaire. Les ostéomes de petite taille sont généralement asymptomatiques de découverte accidentelle sur l’imagerie [1].

Les invasions secondaires de l’orbite sont en général inhabituelles, avec une incidence de 0,9 – 5,15% des tumeurs orbitaires [2].

Nous rapportons le cas d’un ostéome sino –orbitaire ayant pris naissance au niveau du sinus ethmoidal et étendu secondairement à l’orbite, avec compression du nerf optique, responsable de troubles visuels.

Ostéome sino-orbitaire  Figure 1
Figure 1. TDM en coupe axiale objectivant la nature osseuse de la tumeur .
Observation clinique

Nous rapportons le cas d’un jeune patient de 35ans , diagnostiqué au sein du service d’orl et chirurgie cervico faciale de l’hôpital 20aout qui a consulté dans un premier temps pour céphalées dont l’examen a retrouvé une tuméfaction dure non douloureuse en regard de l’aile du nez droite.

Le patient perdu de vue, s’est présenté une année plutard avec céphalées, douleurs oculaires et sensation de brouillard visuel avec baisse de l’acuité visuelle. Aucun signe neurologique ni stigmate de suppuration cérébro-méningée n’ont été notés.

Ostéome sino-orbitaire  Figure 2
Figure 2. IRM en coupe axiale objectivant l’extension intra-orbitaire de l’ostéome comprimant le nerf optique.

L’imagerie TDM a objectivé la nature osseuse de la tumeur montrant une opacité hyperdense, de tonalité calcique homogène et bien limitée évoquant fortement un ostéome au dépend du sinus éthmoïdal étendu à l’orbite droite (fig 1). Une IRM a été faite objectivant l’extension intra-orbitaire de la tumeur sans exophtalmie (fig 2). La prise en charge a été purement chirurgicale consistant en une chirurgie endonasale couplée à un abord externe par voie sourcilienne étendue à minima en para-latéronasal, l’exérèse de l’ostéome n’a pas pu être réalisée en monobloc vu la proximité du nerf optique et la compression qu’il exerçait sur celui-ci (fig 3); l’urgence étant de limiter la souffrance du nerf optique et avoir le moins de séquelles visuelles possibles, l’examen ophtalmologique post opératoire fut normal. L’analyse histologique de la pièce opératoire a confirmé le diagnostic. La surveillance a été clinique et radiologique. A ce jour aucune récidive n’a été notée.

Ostéome sino-orbitaire  Figure 3
Figure 3. ostéome n’ayant pas pu être retiré en monobloc vu la compression qu’il excerçait sur le nerf optique.
Discussion

L’ostéome est une tumeur bénigne rare, la plus commune des cavités sinusiennes [1-3]. L’âge de prédilection de survenue de ces tumeurs varie selon les séries entre la 2ème et la 3ème décade pour certains [4, 5] et la 5è-6è décade pour d’autres [2, 6] la majorité des auteurs s’accordent sur une légère prédominance masculine.

Par ailleurs, les localisations frontales sont de loin les plus fréquentes, suivies des ostéomes ethmoïdaux. Ces tumeurs sont rarement observées au niveau du sinus maxillaire et exceptionnellement au niveau du sinus sphénoïdal. À partir de ces sinus, l’ostéome peut se développer vers la cavité orbitaire. L’extension orbitaire de ces ostéomes est cependant rare : elle représente entre 0,4 et 5 % de l’en- semble des tumeurs de l’orbite et 0,6 à 2,5 % des causes d’exophtalmie tumorale [3].

Lʼétiologie de cette affection reste obscure. Cependant, des facteurs prédisposants ont été rapportés par la majorité des auteurs. Un antécédent traumatique est noté dans 5 à 43% des cas [6, 7]. Parmis ces étiologies : la persistance de cellules embryonnaires dans le périoste de la cavité sinusienne, l’origine traumatique – bien qu’aucun facteur déclenchant ne soit retrouvé de façon formelle chez ces patients –, l’origine génétique (syndrome de Gardner à transmission autosomique dominante, associant à ces ostéomes craniofaciaux une polypose colique, un épaississement des corticales des os longs et une fibromatose disséminée).

En raison du caractère longtemps asymptomatique de l’ostéome, la découverte de la tumeur se fait le plus souvent de façon fortuite lors d’un bilan radiologique. La symptomatologie commence le plus souvent par des céphalées frontales atypiques [2, 4]. Les autres signes cliniques sont variables selon le site sinusien d’origine de la tumeur, associant de façon diverse des signes ophtalmologiques, rhinologiques ou cérébraux [1, 4]. Les localisations ethmoïdale postérieure et sphénoïdale, peuvent se développer vers le canal optique avec compression du nerf optique, source d’amaurose, d’atrophie optique et d’œdème papillaire [2].

Le diagnostic positif repose sur le bilan radiologique. La tomodensitométrie en coupes axiales et coronales per- met une analyse avec exploration à la fois des structures osseuses et des parties molles. La TDM permet de poser le diagnostic. L’IRM peut compléter ce bilan en donnant une idée sur le rattachement de la lésion avec l’encéphale.

L’indication opératoire dépend de la taille de l’ostéome, de son évolutivité locale, de la symptomatologie et de la présence de complications, notamment orbitaires et cérébrales.

En l’absence de symptomatologie, le traitement reste l’abstention thérapeutique.

La chirurgie mini-invasive incluant l’approche endoscopique est un choix, pour les ostéomes ethmoïdaux et ethmoïdo- frontaux, la voie para-latéronasale est la voie dʼabord de choix [8, 9]. Elle peut être élargie en haut par une voie sourcilière. Lʼablation de lʼostéome repose sur la technique de lʼusure contrôlée de Bourdial à la fraise, qui réduit progressivement la tumeur de la périphérie vers le centre et surtout sur lʼévidement intratumoral de Pech, pour ne laisser à la fin quʼune mince coquille facilement détachable [10, 11].

Les autres techniques de morcellement à la gouge ou à la pince font courir au malade le risque de fracture de la base du crâne.

Il faut vérifier la perméabilité du CNF, en préservant au minimum une collerette de muqueuse saine autour de son orifice supérieur [5].

La crânialisation demeure un geste lourd réservée aux ostéomes compliqués de la paroi postérieure du sinus frontal avec extension endocrânienne. Les résultats post opératoires sont généralement bons et le taux de récidive varie entre 4 et 18 % [2, 9, 12-14].

Conclusion

Les ostéomes de la face sont des tumeurs rares, souvent de découverte accidentelle ou au décours de complications intracraniennes ou orbitaires. Son bilan est radiologique et le traitement est chirurgical en cas d’ostéome étendu ou symptomatique. Les progrès de la chirurgie endonasale ont de nos jours permis une approche thérapeutique moins invasive avec des séquelles esthétiques moins lourdes.

Références
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  2. S. KHARRAT, S. SAHTOUT, R. BOULAKBECH, M.A. BEN HMIDA, et al , LES OSTÉOMES SINUSIENS: TUN ORL - N° 22 JUIN 2009.
  3. Elkohen A, Lahlou M, Rabeh G et al. Les ostéomes orbitaires : évaluation clinique de neuf cas. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2005;106(1:7-12.
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ISSN : 2334-1009