Dysplasie fibreuse polyostotique : A propos d’un cas
D Jouida (dikrajouida89 at gmail dot com) #, S Ait Malek, I El Bouchti
Service de Rhumatologie, Centre hospitalier universitaire Mohammed VI, Marrakech, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.5.2669
Date
2018-11-22
Citer comme
Research fr 2018;5:2669
Licence
Résumé

Introduction : La dysplasie fibreuse est une maladie sporadique rare, représentant 0,8 % de l’ensemble des tumeurs primitives de l’os. Nous présentons le cas clinique d’une dysplasie fibreuse et discutons des aspects cliniques et thérapeutiques de cette maladie rare. Observation : Il s’agissait d’un patient âgé de 19 ans, de sexe masculin, ayant comme antécédents une hypothyroïdie sous levotyhroxine, et une puberté à l’âge de 11 ans. Il a été admis au service de rhumatologie pour rachialgies dorso-lombaires mécaniques sans radiculalgies. L’examen clinique mettait en évidence une marche légèrement inclinée latéralement, une cyphose dorsale, des dents striées, des tâches « café au lait » et un genu varum. Les bilans radiologiques, biologique et histologique étaient en faveur de la dysplasie fibreuse dans sa forme polyostotique. Le patient a reçu un traitement à base de biphosphonate (pamidronate) avec une bonne évolution clinique. Conclusion : Le diagnostic de la dysplasie fibreuse reste anatomo-pathologique, les signes radiologiques n’étant pas spécifiques. Les traitements médicaux associés tels que les biphosphonates semblent apporter des résultats satisfaisants à long terme.

English Abstract

Introduction: Fibrous dysplasia is a rare sporadic disease, accounting for 0.8% of all primary bone tumors. We present the case of fibrous dysplasia and discuss the clinical and therapeutic features of this rare disease. Case: A 19-year-old male patient with a history of hypothyroidism and puberty at the age of 11. He was admitted to the rheumatology department for mechanical thoraco-lumbar rachialgia without radiculalgia. Clinical examination revealed a walking slightly inclined laterally, flat spine, striated teeth, cafe au lait spots and genu varum. The radiological, biological and histological analyzes were in favor of polyostotic form of fibrous dysplasia. The patient received bisphosphonate treatment (pamidronate) with good clinical outcome. Conclusion: The diagnosis of fibrous dysplasia remains pathological as imaging is not specific. Associated medical treatments such as bisphosphonates seem to bring satisfying results in the long term.

Introduction

La dysplasie fibreuse (DF) est une maladie osseuse congénitale bénigne rare. Il s'agit d'une prolifération focale de tissu fibreux au sein de la moelle osseuse due à une anomalie de différentiation des ostéoblastes. Cette maladie entraine des lésions ostéolytiques, des douleurs osseuses, des déformations, des fractures par fragilisation osseuse et parfois des complications neurologiques par compression nerveuse [1]. C'est une pathologie qui est due à une mutation activatrice du gène GNAS 1 (guanine nucleotide binding protein, alpha stimulating) touchant les cellules somatiques [2]. Elle représente 2,5% des maladies osseuses et 7% des tumeurs osseuses [3]. La dysplasie fibreuse peut être monostotique ou polyostotique ou fait partie du syndrome de McCune-Albright. L'avènement des bisphosphonates dans le traitement de la dysplasie fibreuse a bouleversé l’évolution et le pronostic de cette maladie.

Dysplasie fibreuse polyostotique : A propos d’un cas Figure 1
Figure 1. Image scannographique montrant des lésions ostéolytiques de la 8ème côte (flèche rouge).
Observation

Nous rapportons le cas d’un jeune garçon de 19 ans, ayant comme antécédents une hypothyroïdie sous Lévotyhrox, puberté à l’âge de 11 ans, qui a été admis dans notre service de rhumatologie pour rachialgies dorso-lombaires mécaniques sans radiculalgies. A L’examen clinique, on retrouvait une marche légèrement inclinée en latéral, rachis plat, dents striées, tâche café au lait et genu varum. Les radiographies standards ont montré des lésions lytiques diffuses au niveau de l’os iliaque, le rachis, la région inter-trochantérienne et les côtes. Le scanner lombo-sacré a objectivé des lésions ostéolytiques diffuses au niveau du rachis, de la 8ème côte gauche, et de la ceinture pelvienne (Figures 1, 2). La scintigraphie osseuse a mis en évidence de multiples réactions ostéoblastiques du rachis, de la 8ème côte droite et du pelvis. Le patient a eu une biopsie osseuse de sa lésion costale qui avait montré un aspect compatible avec un tissu osseux dystrophique sans signe de malignité, permettant ainsi de poser le diagnostic de dysplasie fibreuse dans sa forme polyostotique. Le patient a bénéficié d’un traitement par biphosphonates (pamidronate) avec une bonne évolution clinique.

Dysplasie fibreuse polyostotique : A propos d’un cas Figure 2
Figure 2. Image scannographique des lésions ostéolytiques du rachis (flèches rouges).
Discussion

La dysplasie fibreuse des os est une affection osseuse bénigne congénitale mais non héréditaire, où l'os normal est remplacé par un tissu fibreux renfermant une ostéogenèse immature.

Sa prévalence est inconnue, on peut considérer qu'elle est de 1/30000 [4]. Elle représente 2,5% des maladies osseuses et 7% des tumeurs osseuses [3]. La dysplasie fibreuse des os touche les deux sexes : Le sexe ratio est de 1. L'âge au diagnostic est le plus souvent compris entre 5 et 30 ans [2].

Les lésions apparaissent généralement dans l'enfance et peuvent progresser avec la croissance squelettique. Le plus souvent, les lésions osseuses évoluent très peu après la puberté. Le risque de transformation sarcomateuse est de 0,5 à 4% selon les séries [3].

Tous les os peuvent être touchés. L'atteinte peut être monostotique ou polyostotique. Dans la forme monostotique qui représente 70 à 80% des cas, les atteintes les plus fréquentes sont les côtes (45%), l'extrémité céphalique et le col du fémur, l'os maxillaire, la voûte du crâne. Aux os longs, l'atteinte est typiquement métaphyso diaphysaire. Dans la forme polyostotique, il s'agit souvent d'une distribution unilatérale ou à prédominance unilatérale des sites osseux atteints. Cette forme peut être associée à des manifestations cutanées et endocriniennes entrant dans le cadre du syndrome de Mac Cune-Albright.

La dysplasie fibreuse des os est souvent asymptomatique, de découverte fortuite sur une radiographie standard faite pour une autre raison. Elle peut être révélée par une douleur qui peut être d'origine osseuse ou articulaire, lorsqu'une arthrose secondaire est présente. La douleur résulte souvent d'une fissure, ou d'une fracture pathologique ou d'une déformation osseuse avec handicap fonctionnel. Les déformations au cours de la dysplasie fibreuse sont de type de crosse de berger du tibia, du fémur ou de l'humérus, un genu varum ou un genu valgum, et une inégalité de longueur des membres inférieurs [5]. L'atteinte de la base du crane peut se manifester par une asymétrie faciale, une exophtalmie, des anomalies du développement de l'articulé dentaire.

Les marqueurs de remodelage osseux sont utilisés pour évaluer l'activité de la maladie et la réponse au traitement. Les marqueurs classiques de la DF sont la PAL qui est élevée chez environ 75 % des patients, mais surtout la PAL osseuse et l'hydroxyprolinurie dont le taux est corrélé à l'extension et à la sévérité de la maladie. Les autres marqueurs peuvent aussi augmenter dans la DF [6, 7]. Le diabète phosphaté doit être dépisté. La phosphorémie est basse mais parfois normale. Il est calculé par la mesure de la réabsorption rénale du phosphore (TmPi/GFR), le dosage de FGF-23 sanguin n'est pas recommandé. La carence en vitamine D est fréquente chez les patients atteints de DF, puisque 25% de ces patients atteint de DF ont une valeur de 25-OHD sérique inférieure à 20 ng/ml avec une hyperparathyroïdie secondaire, d'où l'intérêt de son dosage systématique [8].

Le diagnostic est confirmé le plus souvent par les constatations radiologiques. Celles-ci vont mettre en évidence une lésion ostéolytique, souvent hétérogène, principalement radiotransparente, avec une corticale amincie, parfois une hypertrophie osseuse, avec souvent un liseré d'ostéocondensation périphérique à la lésion, mais avec à certains endroits une condensation osseuse dite « en verre dépoli » très évocatrice du diagnostic. Les sites de prédilection sont la diaphyse des os longs, les métaphyses, en particulier le col fémoral, les côtes, le rachis et la région crâniofaciale. La TDM permet d'évaluer le risque de fracture, en mesurant l'épaisseur des corticales, et repérer des fissures invisibles sur la radiographie standard. L’IRM peut être utile dans le cadre du bilan d’extension des lésions intra-médullaires et dans l’évaluation de l’atteinte des parties molles. La scintigraphie osseuse est non spécifique mais représente un examen très sensible dans l’exploration des foyers de DF notamment dans la forme polyostotique et les atteintes infra-radiologiques. Elle montre généralement une hyperfixation au niveau de la plupart des localisations mais l’absence de fixation nette ne permet pas d’éliminer le diagnostic.

L'étude anatomo-pathologique, quand elle est nécessaire, met en évidence une prolifération focale fibreuse au sein du tissu osseux, faite de cellules pré-ostéoblastiques produisant de façon anarchique une matrice osseuse immature. La biopsie peut s'avérer très utile dans toutes les situations où le contexte clinique et les examens d'imagerie n'ont pas permis d'établir le diagnostic [4].

L'approche thérapeutique est essentiellement symptomatique. Quelques publications récentes ont suggéré l'intérêt majeur d'un bisphosphonate, en particulier le pamidronate. C’est un bisphosphonate de seconde génération qui inhibe l’activite ostéoclastique et réduit l’intensité de la douleur et le nombre de localisations douloureuses, qui diminuerait les douleurs et stimulerait une reminéralisation progressive des zones ostéolytiques chez les patients traités [8]. D'autres traitements tels que la thérapie ciblée sont en cours d’évaluation (denosumab, tocilizumab).

Conclusion

La DF est une lésion bénigne dont le diagnostic de certitude est anatomopathologique. Les moyens d’imagerie montrent des signes non spécifiques mais orientent vers la bénignité. Les traitements médicaux associés tels que les biphosphonates semblent apporter des résultats encourageants sur le long terme.

Références
  1. Chapurlat R, Meunier P. Fibrous dysplasia of bone. Baillieres Best Pract Res Clin Rheumatol. 2000;14:385-98 pubmed
  2. Orcel P, Chapurlat R. [Fibrous dysplasia of bone]. Rev Prat. 2007;57:1749-55 pubmed
  3. . Chapurlat RD. Dysplasie fibreuse des os: aspects cliniques chez l'adulte. Revue du rhumatisme. 2003; 70: 678-680. Disponible à partir du: www.em-consulte.com/article/17354/
  4. Akasbi N, Abourazzak F, Talbi S, Tahiri L, Harzy T. [Fibrous dysplasia: overview]. Pan Afr Med J. 2015;21:21 pubmed publisher
  5. Mohammadi Araghi H, Haery C. Fibro-osseous lesions of craniofacial bones. The role of imaging. Radiol Clin North Am. 1993;31:121-34 pubmed
  6. Liens D, Delmas P, Meunier P. Long-term effects of intravenous pamidronate in fibrous dysplasia of bone. Lancet. 1994;343:953-4 pubmed
  7. Chapurlat R, Delmas P, Liens D, Meunier P. Long-term effects of intravenous pamidronate in fibrous dysplasia of bone. J Bone Miner Res. 1997;12:1746-52 pubmed
  8. Chapurlat R, Hugueny P, Delmas P, Meunier P. Treatment of fibrous dysplasia of bone with intravenous pamidronate: long-term effectiveness and evaluation of predictors of response to treatment. Bone. 2004;35:235-42 pubmed
ISSN : 2334-1009