Le lymphome hodgkinien pulmonaire primitif : Une localisation exceptionnelle
L Berghalout, S Khairallah, M Ouali Idrissi, N Cherif Idrissi Elganouni
Service de Radiologie, Hôpital Arrazi, CHU Mohammed VI, Université Cadi Ayyad de Marrakech
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.3.1729
Date
2016-10-15
Citer comme
Research fr 2016;3:1729
Licence
Résumé

Les lymphomes pulmonaires primitifs (LPP) sont rares: 3 à 4% des lymphomes extra ganglionnaires et moins de 0,5 à 1% des tumeurs malignes primitives du poumon. Le lymphome hodgkinien primitif est une entité plus rare, dont l’aspect radiologique le plus commun est une opacité d’allure tumorale. Nous rapportons le cas d’une patiente âgée de 17 ans, qui consulte pour des douleurs thoraciques avec dyspnée, sans particularité notable à l’examen clinique, chez qui le bi-lan radiologique mettait en évidence une volumineuse masse pulmonaire dont la biopsie révélait un lymphome de Hodgkin.

English Abstract

Primary lymphoma of the lung is a rare location accounting for 3 to 4% of extra ganglio-nic locations, and for less than 1% of pulmonary malignant tumors. Primary Hodgkin’s lymphoma of the lung is more rare. We report the case of a 17 year old who presented chest pain and dyspnoea, with a normal clinical examination, whose radiological examination revealed a bulky pulmona-ry mass. Pathological examination revealed a Hodgkin’s lymphoma.

Introduction

Les lymphomes pulmonaires primitifs (LPP) ne représentent que 3 à 4 % des lym-phomes malins extra-ganglionnaires et moins de 1 % de toutes les tumeurs malignes du poumon. Le poumon peut être le siège d’une atteinte lymphomateuse dans trois situa-tions [1-3] :

  • 1- Par dissémination hématogène à partir d’un lymphome ganglionnaire.
  • 2- Par envahissement par continuité à partir d’une localisation hilaire ou médiastinale d’un lymphome ganglionnaire.
  • 3- Par une atteinte pulmonaire primitive : Les lymphomes pulmonaires primitifs sont définis comme des proliférations lymphoïdes clonales atteignant un ou les deux pou-mons (parenchyme et ou bronches) sans atteinte extra-pulmonaire mise en évidence au moment du diagnostic et dans les trois mois qui suivent. L’imagerie et particulièrement la tomodensitométrie (TDM) est indispensable pour éliminer une localisation lympho-mateuse extra-thoracique, notamment abdominale, pour apprécier la réponse thérapeu-tique et pour dépister les récidives [1, 3]. Le diagnostic de LPP est difficile à évoquer sur les seules données de l’imagerie, mais le rôle prépondérant de la TDM c’est d’évoquer le diagnostic et inciter à réaliser une biopsie pulmonaire.

Notre observation a pour objectif de rapporter les aspects radiologiques, notamment tomodensitométriques, à travers un cas de LPP hodgkinien, et d’identifier certaines ca-ractéristiques radiologiques qui lui sont propres.

Observation

Il s’agissait d’une patiente âgée de 17 ans, sans antécédent pathologique particulier (no-tamment non tabagique, pas de contage tuberculeux, pas de contact avec les chiens), hospitalisée au service de pneumologie pour une douleur thoracique associée à une dyspnée de stade 2 de Sadoul et une toux chronique parfois productive, évoluant dans un contexte d’apyrexie et d’altération de l’état général.

Le lymphome hodgkinien pulmonaire primitif : Une localisation exceptionnelle Figure 1
Figure 1. Radiographie thoracique de face et profil objectivant une volumineuse opacité homo-gène de l’hémi champs pulmonaire droit, bien limitée effaçant les bords du cœur.

L’examen trouvait une patiente en assez bon état général, apyrétique. A l’auscultation pleuro pulmonaire, il existait des râles crépitants au niveau de l’hémi-champs droit. Les aires ganglionnaires étaient libres, sans hépato-splénomégalie.

La radiographie thoracique de face et profil objectivait une volumineuse opacité homo-gène grossièrement ovalaire occupant l’hémi-champs pulmonaire droit, effaçant les bords du cœur (Figure 1). Le scanner thoracique réalisé avant et après injection de con-traste, confirmait l’existence d’une volumineuse masse parenchymateuse mesurant 6x8 cm, occupant le lobe supérieur droit, le lobe moyen et le Fowler, de contours réguliers, de densité tissulaire siège de bronchogramme aérien et responsable d’un discret collap-sus du poumon de voisinage, avec épanchement pleural homolatéral de faible abon-dance (Figure 2). La biologie objectivait une vitesse de sédimentation à 80 mm à la 1ere heure. L’hémogramme et l’ionogramme sanguin étaient normaux. La sérologie VIH était négative. Les recherches du bacille de Koch étaient négatives.

Le lymphome hodgkinien pulmonaire primitif : Une localisation exceptionnelle Figure 2
Figure 2. Scanner thoracique en fenêtre parenchymateuse (a,b,c) et médiatisnale (d) : en coupe axiale et reconstruction coronale : volumineuse masse parenchymateuse occupant le lobe supérieur droit, le lobe moyen et le Fowler, de contours réguliers, de densité tissu-laire siège de bronchogramme aérien, avec épanchement pleural homolatéral de faible abondance.

Une biopsie écho-guidée a été réalisée avec étude anatomo-pathologique ayant confirmé le diagnostic de lymphome pulmonaire primitif de type lymphome hodgkinien à cellu-larité mixte.

Un bilan d’extension pré-thérapeutique a été effectué. Le scanner abdominal était nor-mal, la biopsie ostéo-médullaire ne montrait pas d’envahissement médullaire.

La patiente a bénéficié de 8 cures de chimiothérapie, avec une évolution marquée par une importante diminution de la taille tumorale après la 4ème cure.

Discussion

Le lymphome pulmonaire primitif de Hodgkin (LPPH) est une maladie rare. Dans l'étude de Radin 60 cas de PPHL ont été signalés entre 1927 et 1986 [2], en particulier chez les jeunes femmes. Depuis l'examen Radin, sept nouveaux cas ont été publiés entre 1990 et 2003, et cinq autres cas observés jusqu'en 2006 peuvent être ajoutés à ce total [2, 4].

Le LPPH est défini par une prolifération lymphoïde clonale, atteignant un ou les deux poumons (parenchyme et /ou bronches), sans atteinte extra-pulmonaire mise en évi-dence au moment du diagnostic et dans les 3 mois qui suivent. Les lymphomes avec adénopathies hilaires ou médiastinales seront considérés comme LPP si la grande partie de la masse tumorale est intra-pulmonaire.

Les critères diagnostiques du LPPH selon Kern et al [5] comprennent: l’aspect anatomo-pathologique typique du lymphome d’Hodgkin, la limitation de la maladie au poumon avec ou sans implication ganglionnaire hilaire minimale, et l’exclusion de toute autre lo-calisation ganglionnaire [1-6]. Notre cas répond à ces trois critères.

Dans un plus grand rapport, le LPPH a montré une légère prédominance féminine (1,4:1 F:M), avec une distribution bimodale d'âge (<35 et > 60 ans) [1, 6]. Les symptômes les plus courants sont la perte de poids, la fièvre, les sueurs nocturnes et une toux sèche. La dyspnée et l’hémoptysie sont également fréquentes.

Radiologiquement, le LPPH siège généralement dans les parties supérieures des pou-mons, alors que la forme secondaire de l'atteinte pulmonaire montre une distribution plus aléatoire miliaire sans prédilection zonale [1]. L’aspect radiologique le plus com-mun du LPPH est une masse solitaire d’allure tumorale, de taille variant de 2 à 12cm et de topographie plutôt centrale (2/3 internes des champs pulmonaires). L’opacité peut s’appuyer sur une scissure ou la dépasser. Elle comporte volontiers un bronchogramme aérique avec plus ou moins un vasculogramme. Cependant, il peut s’agir d’une opacité alvéolaire unique de taille variable évoluant sur un mode chronique (25% des cas) ou de multiples nodules pouvant être bilatéraux ou par une lésion excavée [1, 2, 5].

Un épanchement pleural est présent dans 5 à 20% des cas. Si l’atteinte médiastinale est exclue du cadre des LPPH, celle des ganglions pédiculaires est possible mais rare et oriente alors vers la malignité. Face à une opacité pulmonaire sans syndrome médiasti-nal, le diagnostic de LPPH doit se discuter surtout en cas de nodules multiples, le plus souvent bilatéraux. Ainsi, dans la série autopsique de Costa, ces formes nodulaires étaient prédominantes dans le LPPH [6], comparativement aux autres lymphoproliféra-tions.

Les principaux diagnostics différentiels du LPPH sont : la pneumonie lymphoïde inter-stitielle, la granulomatose lymphoïde (la granulomatose de Wegener), le carcinome bronchiolaire, les métastases, et la pneumonie cryptogénique organisée, le kyste hyda-tique ou tuberculome. Les lésions de cavitation ont un diagnostic différentiel large, y compris les infections fongiques, l’abcès pulmonaire, l’embolie septique, les maladies inhalés (par exemple, la pneumoconiose et la silicose des travailleurs du charbon), la ca-vitation des nodules rhumatoïdes [1-3].

La cytologie des expectorations ou brossages bronchiques peuvent révéler des cellules de Reed-Sternberg et établir le diagnostic de la maladie de Hodgkin pulmonaire, ce qui évite la nécessité de procédures plus agressives [2]. D'autre part, ces cellules ne sont pas communes et des cellules semblables à des cellules de Reed-Stenberg peuvent être ob-servées dans des lymphomes non hodgkiniens, le mélanome et certains cancers [1, 2].

Une biopsie pulmonaire est presque toujours nécessaire pour confirmer le diagnostic de LPPH [1, 2, 6]. La forme scléro-nodulaire du LPPH est la variété la plus commune et comprend 60-70% des LPPH, qui survient plus fréquemment chez les femmes que chez les hommes. Le sous-type cellularité mixte a également été décrit [1, 2], comme ce qui a été trouvé chez notre patiente. Dans les cas difficiles l’immunohistochimie résout le pro-blème de diagnostic, par l'évaluation des citoqueratin, la protéine S100 et le CD30 [2, 6].

La classification de Ann Arbor du lymphome pulmonaire est la suivante [1] : Étape : IE: un seul poumon, ou atteinte bilatérale; Etape II :II1E: les poumons et les ganglions hi-laires; II 2E: poumon et les ganglions lymphatiques médiatisnaux; II 2EW: Poumon et la paroi thoracique ou du diaphragme; Etape III: les poumons et des ganglions lympha-tiques sous le diaphragme ; Stade IV: atteinte diffuse; Selon Ann Arbor système de mise en scène, un patient avec LPPH serait soit en stade IE ou IIE.

Le traitement repose sur l’association d’une chimiothérapie à une radiothérapie focali-sée. Il va permettre d’obtenir une rémission complète prolongée après 5 ans chez 80 à 95 % des formes localisées [7]. Le risque de complications tardives liées à la chimiothé-rapie et à la radiothérapie conduit à développer des stratégies thérapeutiques utilisant ces deux armes thérapeutiques de manière limitée.

Conclusion

Les manifestations respiratoires révélatrices de lymphome Hodgkinien sont rares. Le diagnostic est souvent délicat. L’imagerie thoracique est d’un grand apport aussi bien pour la stadification que pour la décision thérapeutique et la surveillance. Le pronostic est amélioré par la chimiothérapie et la radiothérapie.

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts.

Références
  1. Tanveer S, El Damati A, El Baz A, ALSayyah A, ElSharkawy T, Regal M. Primary Pulmonary Hodgkin Lymphoma. Rare Tumors. 2015;7:5968 pubmed publisher
  2. Lluch-Garcia R, Briones-Gomez A, Castellano E, Sanchez-Toril F, Lopez A, Brotons B. Primary pulmonary Hodgkin's lymphoma. Can Respir J. 2010;17:e106-8 pubmed
  3. McElnay P, Pawade J, Chandratreya L, West D. Giant thoracic mass: an unusual presentation of primary pulmonary Hodgkin's lymphoma. BMJ Case Rep. 2013;2013: pubmed publisher
  4. Ridene I, et al ; Imagerie des lymphomes pulmonaires primitifs; Revue des Maladies Respiratoires 2010 ; 27, (9) : 1069-1076.
  5. Pai R, Raghuveer C, Philipose R, Shetty A. Primary pulmonary Hodgkin's disease: a distinct entity. Indian J Chest Dis Allied Sci. 2006;48:139-41 pubmed
  6. Cracco C., Divine M., Maitre B. Atteintes thoraciques au cours des lymphomes hodgkiniens ; Revue des Maladies Respiratoires 2007; 24, (8) : 999-1012.
  7. Huang H, Lu P. Classical Hodgkin's lymphoma infiltrated both lungs. Quant Imaging Med Surg. 2012;2:288-90 pubmed publisher
ISSN : 2334-1009