Les tumeurs osseuses malignes primitives : aspects anatomo-cliniques
  1. Selma Janati MD#
    selmajanati at gmail dot com
    centre d’oncologie, CHU Mohammed VI Marrakech, Maroc
  2. A Elomrani MD
    centre d’oncologie, CHU Mohammed VI Marrakech, Maroc
  3. M Khouchani MD
    centre d’oncologie, CHU Mohammed VI Marrakech, Maroc
  4. H Rais MD
    service d’anatomie pathologique, CHU Mohammed VI Marrakech, Maroc
  5. B Belaabidia MD
    service d’anatomie pathologique, CHU Mohammed VI Marrakech, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.649
Date
2014-03-29
Citer comme
Research fr 2014;1:649
Licence
Résumé

Les tumeurs osseuses malignes primitives désignent l’ensemble des tumeurs prenant naissance au niveau des différents éléments constituant l’os, qui se distinguent par leur présentation clinique, leurs caractéristiques épidémiologiques, radiologiques et histologiques. Elles représentent moins de 0,2% de tous les cancers. Le diagnostic et la prise en charge thérapeutique ont largement bénéficié des progrès réalisés dans le développement des techniques d’imagerie, d’immunohistochimie et de cytogénétique. Les sarcomes osseux restent parmi les tumeurs qui ont une bonne corrélation et correspondance anatomoclinique. Quatre-vingt cinq cas de tumeurs osseuses malignes primitives étaient colligés au service d’anatomopathologie du centre hospitalier universitaire de Marrakech entre Janvier 2003 et Décembre 2010. Parmi eux 35 cas d’ostéosarcomes, 31 cas de sarcomes d’Ewing, 10 cas de chondrosarcomes, 5 cas de chordomes, 3 cas de tumeurs à cellules géantes malignes et 1 cas d’angiosarcome de l’os. Ce travail se propose d’étudier les caractéristiques anatomo-cliniques et les corrélations entre la clinique et la morphologie des tumeurs osseuses malignes primitives.

English Abstract

Primary malignant bone tumors arise from the various elements of the bone. They are heterogeneous and distinguished by their clinical presentation, epidemiological characteristics, radiological and histological findings. These tumors represent less than 0.2% of all cancers. The diagnosis and therapeutic management have largely benefited from advances in the development of imaging techniques, immunohistochemistry, cytogenetics and advances in surgery. Eighty five cases of bone sarcoma were collected at the Department of pathology in the university hospital center of Marrakesh between January 2003 and December 2009. Among them 35 cases of osteosarcoma, 31 cases of Ewing sarcoma, 10 cases of chondrosarcoma, 5 cases of chordoma, 3 cases of malignant giant cell tumor and one case of angiosarcoma. This work aims to study the clinical characteristics and correlation between the clinical presentation and the morphology of bone tumors.

Introductioin

Les tumeurs osseuses malignes primitives (TOMP) sont hétérogènes. Elles représentent moins de 0,2% de l’ensemble des cancers [1]. Le diagnostic repose sur l’analyse des propriétés anatomocliniques et radiologiques. Les types histologiques les plus courants sont l’ostéosarcome (OS), le sarcome d’Ewing (SE) et le chondrosarcome (CS) [2]. L’analyse de l’aspect radiologique des lésions est primordiale. Elle conduit à une suspicion du diagnostic de malignité de la lésion voire du type histologique qui sera ensuite confirmée par l’étude anatomo-pathologique de la biopsie. L’objectif de notre étude a été d’analyser les particularités épidémiologiques et clinico-pathologiques de ces tumeurs dans notre région, et étudier les corrélations anatomo-cliniques.

Type histologiqueEffectifMoyenne d’âgeExtrêmes âge
OS3517,5 ans8-50 ans
SE3120,3 ans8-49 ans
CS1049,5 ans18-80 ans
CH545,2 ans10-60 ans
TCGm334,3 ans22-47 ans
ANG130 ans-
Tableau 1: Type histologique en fonction de l’âge des patients
Patients et méthodes

Nous avons mené une étude rétrospective de 85 cas de TOMP colligées au sein du centre hospitalier universitaire Mohamed VI de Marrakech au Maroc, sur une période de huit ans, du 01 Janvier 2003 au 31 Décembre 2010. L’ensemble des TOMP prouvées histologiquement étaient incluses sans restriction d’âge. Une double lecture des lames par deux anatomopathologistes était faite. Les métastases osseuses, les tumeurs osseuses primitives bénignes, les tumeurs malignes des parties molles envahissant l’os adjacent, les hémopathies malignes à localisations osseuses et les OS, SE ou CS extra-osseux n’ont pas fait l’objet de cette étude. Le recueil des données s’est fait à partir des comptes-rendus anatomopathologiques et des dossiers médicaux des patients. Ces données étaient saisies et analysées au moyen du logiciel SPSS 11.5. Une analyse statistique descriptive et bi-variée était réalisée. Les variables quantitatives sont décrites par les moyennes et les écarts-types. Les variables qualitatives sont décrites par les effectifs et les pourcentages.

Os longOs platOs courtvertèbre
n%N%n%n%
OS3188,638,612,80
SE1135,51961,313,20
CS222,2777,8-0
CH06030240
TCGm3100--0
ANG1100--0
Tableau 2: Distribution des tumeurs en fonction du siège
Résultats

Durant cette période, 451 lectures de biopsie osseuse étaient faites au sein du laboratoire d’anatomie pathologique du CHU Mohammed VI de Marrakech. Les TOMP représentaient 18,8 % de toute la pathologie osseuse avec une moyenne de 12 nouveaux cas par an et environ 0,9 % des cancers diagnostiqués dans cette unité. Il s’agissait de 35 cas d’OS, 31 cas de SE, 10 cas de CS, 5 cas de chordomes (CH), 3 cas de tumeurs à cellules géantes malignes (TCGm), et un cas d’angiosarcome osseux (ANG). L’âge moyen était de 24 ans avec des extrêmes de 8 et 80 ans, 42,4 % des patients avaient entre 10 et 20 ans (tableau 1), 62% étaient de sexe masculin.

EffectifSiège sur un os longEpiphyseEpiphyso - métaphyseMétaphyseDiaphyse
n%n%n%n%
OS353139,61651,7929,139,6
SE3111--436,3218,2545,5
CS103--3100---
TCGm33--3100----
ANG11-----1100
Tableau 3: Fréquence de chaque type histologique dans chaque segment de l’os long

Un antécédent de traumatisme était noté chez 19% des patients et un patient présentait un CS greffé sur maladie exostosante. Le délai moyen de consultation était de 6 mois avec des extrêmes de 20 jours et 24 mois. La présence d’une masse douloureuse était le motif de consultation le plus courant et la tumeur était révélée par une fracture pathologique chez 4 patients qui présentaient un OS. Elle siégeait sur un os long dans 60,8% des cas (Tableau 2,3).

Sur le plan radiologique, 57% des tumeurs étaient ostéolytiques avec en tête le SE et l’OS, une ostéocondensation était observée chez 18 patients (21,2%) et des aspects mixtes (association d’une ostéocondensation et d’une ostéolyse) chez 14 patients (16,5%) (Tableau 4).

Effectif TL% TL / TH% dans les TLEffectif TC% TC /TH% dans les TC
OS17 48,5 33,4 1030,355,6
SE18 58,1 35,4 722,538,9
CS7 66,7 13,7 1105,6
CH51009,8000
TCGm3 100 5,8 000
ANG1100 1,9 000

Tableau 4: Modifications structurales de l’os en fonction du type histologique.
TL: tumeur lytique , TH: type histologique, TC: tumeur condensante

La matrice osseuse était calcifiée dans 17,7% des cas dont plus de la moitié étaient des CS. Une réaction périostée (RP) était présente dans 47,1% des cas. Elle était lamellaire dans 22 cas (10 OS, 8 SE, 2 CS et 2 CH), en feu d’herbe dans 12 cas (8 OS, 3 SE et 1 CS) et en éperon de Codeman dans 6 cas (5 OS et 1 SE). La corticale était rompue et les parties molles envahies respectivement dans 43 (54,4%) et 50 (63,3%) observations. Des skip métastases étaient présentes chez 11,4% des patients. Le diagnostic anatomopathologique était porté sur des biopsies osseuses pour l’ensemble des tumeurs (tableau 5).

TypeEffectif%Sous type anatomopathologiqueEffectif
OS3541,3Ostéoblastique20
Fibroblastique5
Chondroblastique5
Parostéal2
A cellules claires1
A petites cellules1
Télangiectasique1
SE3136,4--
CS1011,7Conventionnel7
Dédifférencié3
CH55,8--
TCGm33,6--
ANG11,2--
Tableau 5: Répartition des TOMP en fonction du type anatomopathologique

Une immunohistochimie était réalisée pour 7 patients (tableau 6).

Dans notre étude, le diagnostic de TOMP était évoqué à l’étape de l’analyse radiologique et confirmé par l’étude anatomopathologique dans 79 cas soit 92,3 % des observations étudiées. Pour les six cas restants, une tuberculose était évoquée chez une patiente de 17 ans qui présentait à la radiographie thoracique une ostéolyse plus au moins irrégulière sans rupture corticale avec une RP lamellaire fine de l’arc postérieur de la 6ème côte droite. La TDM thoracique objectivait une masse hyperdense à centre hypodense à cet endroit se développant surtout en endothoracique. Il n’existait pas de lésion parenchymateuse ou pleurale associée. L’étude anatomopathologique de la biopsie révélait un SE. Une ostéite chronique était évoquée chez un patient de 24 ans qui rapportait un traumatisme du genou droit avec des douleurs osseuses inflammatoires. La lésion était métaphyso-diaphysaire de l’extrémité supérieure du tibia, avec une ostéolyse mitée, des zones d’ostéocondensation et des appositions périostées. L’étude anatomopathologique révélait un SE. Le type histologique de la TOMP retrouvé à l’étude anatomopathologique correspondait à celui évoqué à l’étape de l’analyse radiologique pour 38 (44,7%) patients, en majorité des OS (54,3%).

CliniqueRadiologieMorphologieMarqueurs
SSEFemme,22 ans
ATCD=0
Siège=fémur
Lésion lytique
Rupture de la corticale
Envahissement PM
Prolifération maligne à cellules rondes
Nécrose+++
Anti vimentine positif
Anti CD 99 positif
Anti NF positif
SSEHomme,40 ans
ATCD=0
Siège=scapula
Lésion lytique
Rupture de la corticale
Envahissement PM
Prolifération maligne à cellules rondes Vimentine positif
CD 99 positif
CD3 négatif
CD 20 négatif
CD 34 négatif
SSEGarçon,14 ans
ATCD=0
Siège=os iliaque
Lésion lytique
Rupture de la corticale
Envahissement PM
hyperfixation à la scintigraphie
Prolifération maligne à cellule ronde paucicellulaire Anti CD99 positif
Anti CD45 négatif
Anti myélopéroxydase négatif
SSEHomme,20 ans
ATCD=0
Siège=Os iliaque
Lésion lytique
Rupture de la corticale
Prolifération maligne à cellules rondesAnti NSE positif
Anti pan B négatif
Anti pan T négatif
SEHomme,25 ans
ATCD=0
Siège=os iliaque
Lésion lytique
Rupture de la corticale
Envahissement PM
Prolifération maligne à cellules rondesAnti CD 99 positif fortement
Anti NF négatif
CCHHomme, 57 ans
Siège = sacrum
TDM: Processus sacré polylobé bien limité ,lyse osseuse envahissement des PMProlifération maligne en lobules
Cellules physalliphores
Substance mucoide
Anti cytokératine+++
Anti EMA+++
CCHHomme,10 ans
Siège=rachis dorsal
IRM: Lésion lytique de D4-D5 avec élargissement des trous de conjugaisonProlifération maligne en lobules
Cellules physalliphores
Substance mucoide
Anti cytokératine+++
Anti EMA+++
Anti PS 100 +++
TCGmHomme, 45ans
Siège=Péroné
Rupture de la corticale
Envahissement PM Lésion lytique épiphyse
Prolifération maligne en amas et en nappe,
Cellules épithéloides,
stroma réaction fibreuse
Anti-vimentine+++
Anti CD 68 ++
Anti cytokératine négatif
Anti desmine négatif
Anti muscle lisse négatif
ANGHomme, 30 ans
ATCD=0
Siège=mandibule
Lésion lytique
rupture de la corticale
Envahissement PM et du plancher buccal
Prolifération maligne infiltrante indifférenciée de cellules polygonales cytoplasme clair ,noyau irrégulier et large nucléole éosinophile,mitoses +++, anisocytose+++ anisonucléose+++
stroma réaction grêle
CD31 positif
PS100 négatif
Cytokératines négatives
OS à petites cellulesFille,8ans
ATCD=0
Siège=os iliaque
Lésion lytique
Rupture de la corticale
Envahissement PM
Prolifération maligne à cellules rondes,substance ostéoide,SE?Anti CD99 négatif
Anti NF négatif
(Figure 40,41)
Tableau 6: Paramètres de l’étude immunohistochimique
Discussion

A partir des résultats de l’analyse de la SEER program database [3] qui constitue la plus grande série collectée de TOMP avec 2627 cas histologiquement confirmées, il apparaît que l’OS est la TOMP la plus fréquente (35,1%), suivi par le CS (25,8%), le SE (16%), le CH (8,4%), et l’histiocytofibrome malin (HFM), y compris le fibrosarcome (FS) (5,6%). La malignité dans les tumeurs à cellules géantes est inhabituelle et rarement confirmée [4]. L’ANG primitif de l’os constitue également une tumeur rare, dont la fréquence est estimée à moins de 1% [5]. Des données similaires ressortent dans l’étude européenne RARECARE [6]. La principale observation retenue dans notre série est la fréquence des SE au détriment des CS. Celle des CH, des TCG malignes et des ANG rejoint les données de la littérature. Nous constatons également l’absence de recrutement de cas d’HFM ou de FS. Les caractéristiques d’âge et de sexe sont respectées dans notre série. La courbe de survenue des sarcomes osseux en fonction de l’âge se caractérise par une évolution clairement bimodale. Le premier pic, le plus important, survient lors de la deuxième décennie de la vie, tandis que le second se produit chez les patients âgés de plus de soixante ans, contrairement aux sarcomes des tissus mous dont l’incidence augmente progressivement avec l’âge [7]. L'OS et le SE sont plus fréquents chez les sujets de moins de vingt ans. Le CS, le CH et la TCGm sont des tumeurs de l’adulte autour de 40 ans voire 60 ans pour la TCGm [1] [3] [4] [5] [7]. Nous avons colligé un cas de CH du rachis dorsal chez un enfant de 10 ans et la moyenne d’âge dans les TCGm de notre série était de 34,3 ans. L’âge de notre patient suivi pour ANG est de 36 ans alors que la médiane d’âge des ANG osseux se situe généralement entre 60 et 71 ans [5]. Indépendamment et quelque soit le type histologique, La fréquence des TOMP est plus élevée chez les patients de sexe masculin [6]. Le siège constitue un élément capital dans l’approche diagnostique et thérapeutique. Les deux tiers des TOMP se localisent au niveau du squelette périphérique [8]. L’OS est une tumeur du genou et de l’épaule. L’atteinte des os long est presque exclusivement métaphysaire [8] [9]. Les sites communs des SE sont les os du bassin, les os longs des membres inférieurs, et les os de la paroi thoracique. Par opposition aux OS, ils touchent plus les os plats du squelette axial. Au niveau des os longs, les SE occupent la diaphyse [8] [9]. Le CS est une tumeur du tronc (48%), et des grands os des membres (52%), principalement le fémur, l’humérus et le tibia à leur partie haute. Au niveau des os longs, les CS sont métaphysaires, des formes diaphysaires ou épiphysaires pures ont été décrites [10]. Le CH est dans la majorité des cas localisé sur le squelette crânio-rachidien. La région sacro-coccygienne est le site préférentiel (50%). L’atteinte de la région sphéno-occipitale regroupe 35% des cas et celle rachis cervical et dorso-lombaire 15% des cas [11]. Les TCG se localisent préférentiellement aux extrémités des os longs des membres (80 à 90%), près du genou (60%) et loin du coude [4]. L’ANG osseux se caractérise par une distribution diversifiée au niveau du squelette périphérique, crâne, scapula, clavicule, bassin, et côtes [5]. Excepté les CH, toutes les caractéristiques de distribution des TOMP selon le siège étaient respectées. Dans notre série, le diagnostic de TOMP était évoqué à l’étape de l’analyse radiologique et confirmé par l’étude anatomo-pathologique dans 79 cas soit 92,3 % des observations étudiées ce qui témoigne de l’excellente corrélation anatomique clinique et radiologique dans ces cancers. Les clichés de radiographies standard face et profil suffisent à évoquer le diagnostic de malignité dans 70% des cas. La TDM est performante pour évaluer les limites tumorales, les lyses osseuses et les appositions périostées. Elle permet de visualiser une aire de matrice calcifiée ayant échappé aux radiographies standard et à l’IRM. L’IRM est fondamentale dans le bilan d’extension loco-régionale (osseuse, parties molles, articulations, structures vasculaires, «skip métastase»). Elle guide la biopsie vers les zones de nécrose. La scintigraphie osseuse fait partie du bilan standard de l’exploration de l’OS et du SE. Elle permet de définir les limites de la tumeur et les zones fonctionnelles, les skip métastases et l’extension à distance au niveau osseux ou des tissus mous (surtout poumon, parfois adénopathies, exceptionnellement cerveau) [8] [12]. Actuellement la tomographie par émission de positron (TEP) a montré son intérêt dans le bilan d’extension et la stadification précise, elle permet de guider les biopsies et d’évaluer la réponse à la chimiothérapie néo-adjuvante [13]. L’OS typique est une lésion de diamètre supérieur à 6 cm, lytique, de l’os spongieux métaphysaire, avec une RP lamellaire, une rupture de la corticale et une RP en feu d’herbe avec ossification des PM. On distingue les formes centrales développées dans la médullaire de l’os et les formes périphériques, développées à partir des couches superficielles du périoste, rangées auparavant dans les sarcomes para-ostéaux ou sarcomes juxta-corticaux. L'aspect caractéristique du SE est celui d’une ostéolyse avec une RP dite en "bulbe d'oignon". La composante tumorale au niveau des parties molles est souvent volumineuse en particulier au niveau des os plats et il faut rechercher attentivement une lésion osseuse de voisinage pour orienter le diagnostic. Le CS central correspond à une géode de taille variable, plus au moins polycyclique, et irrégulière, qui débute à l’intérieure de l’os et ne rompe que secondairement la corticale, avec rarement une RP vraie en spicules ou en feu d’herbe. Les limites de la tumeur avec les espaces médullaires sont souvent mal tranchées, elle pourra apparaître radiologiquement plus petite qu’elle ne l’est en réalité, ce qui incite à passer opératoirement loin des zones d’atteinte radiologique. Le CS périphérique débute à la surface de l’os et se développe immédiatement dans les PM. Les calcifications peuvent êtres légères, comme on peut être devant des formes massivement calcifiées « en choufleur ». En ce qui concerne le CS à cellules claires, il correspond sur le plan radiologique à une lyse épiphysaire plus au moins étendue sans rupture corticale, avec expansion en direction de la métaphyse de l’os, simulant une TCG ou un chondroblastome. Dans les formes de bas grade ou de grade moyen, l’IRM est intéressante pour le DC. Elle met en évidence les caractéristiques des tumeurs cartilagineuses, tumeur lobulée, en iso ou hyposignal T1, hypersignal T2, avec prise de contraste arciforme. La scintigraphie montre une hyperfixation intense et participe au bilan d’extension. Le DC différentiel pour le CS se pose essentiellement pour le type central métaphyso-diaphysaire,qui peut simuler un infarctus osseux en raison des calcifications centro-lésionnelles, certaines formes de dysplasie fibreuse, plus rarement un myélome ou une métastase osseuse. Le DC différentiel avec un chondrome bénin, en l’absence de signes évident de malignité (corticale rompue, envahissement des PM) se fera à l’étape histologique [8] [12]. Le CH typique se manifeste par des images de lyse osseuse et par une masse juxta-osseuse refoulant les organes de voisinage. A la TDM, ce sont des zones hypodenses envahissant les tissus mous, qui prennent le contraste. A l’IRM, la lésion est en hyposignal T1 et en hypersignal T2 [11]. L’aspect habituel des TCG est celui d’une ostéolyse épiphysaire qui peut être pure ou en nid d’abeille selon l’agressivité de la tumeur. Des signes d’agressivité comme la rupture corticale ou l’envahissement des PM peuvent se voir dans les TCGm comme dans les TCG bénignes ou récidivantes [4]. Contrairement aux autres TOMP, l’ANG osseux n’a pas de caractéristiques radiologiques spécifiques. Les lésions sont généralement très destructives et peuvent croître rapidement sans laisser le temps à une RP de s’installer. Elles peuvent être excentriques et purement lytiques ou mixtes. La destruction complète de la corticale avec extension dans les tissus mous peut être présente dans les lésions de haut grade. Certaines lésions, notamment de type multicentrique, peuvent avoir un aspect en bulle de savon [5]. En 2002, l’OMS [1] a proposé une nouvelle classification des tumeurs osseuses, fondée sur des notions d'histologie, de différenciation, d'histogenèse ou d'immunohistochimie, à partir des caractéristiques cytologiques et des produits des cellules tumorales. L’immuno-histochimie joue actuellement un rôle central dans le diagnostic. Elle permet de faire la part entre une tumeur primitive de l’os et une métastase osseuse d’une part et de différencier entre les différentes formes de TOMP d’autre part. La présence ou l’absence d’expression des cytokératines et leur type est utile dans la distinction entre les carcinomes métastatiques à cellules claires comme le carcinome rénal ou en bague à chaton de l’estomac et le CS à cellules claires ou le CH. Des protéines actrices dans le processus de minéralisation comme les hosphatases alcalines osseuses, l’ostéonectine, et l'ostéocalcine caractérisent les tumeurs ostéoformatrices (OS, CS, SE, FS, et HFM) avec une grande spécificité et sensibilité. La protéine codée par le gène MIC-2 (CD99) est présente dans plus de 95% de SE / PNET et considérée comme un marqueur utile voir indispensable pour le diagnostic immunohistochimique des SE / PNET. Peu de choses sont connues sur la biochimie de la matrice et la différenciation cellulaire dans les tumeurs chondrogéniques, et il existe peu de marqueurs qui permettent de distinguer avec fiabilité entre un chondrocyte tumoral et non tumoral ou un CS des autres tumeurs cartilagineuses bénignes. L’immunohistochimie sera surtout utile pour affirmer le caractère cartilagineux de la prolifération afin de faire la part avec un CH ou une métastase d’un carcinome à cellules claires. Le CH exprime aussi régulièrement la NSE et focalement la synaptophysine, mais n’exprime jamais la chromogranine. Les adénomes hypophysaires qui font partie des DC différentiels des CH du clivus, expriment régulièrement ce spectre de marqueurs neuroendocrines mais diffèrent du CH par l’absence d’expression des CH8 et CK 19. Bien que la TCG de l'os soit bien reconnue avec ses caractéristiques cliniques et histo-pathologiques spécifiques, l'histogenèse des cellules tumorales, en particulier de la population mononucléaires, est encore débattue et les implications de ces résultats pour le diagnostic des TCG à cellules restent à valider. Les caractéristiques clinico-pathologiques, immuno-histochimiques et ultra-structurales des ANG ne sont pas bien définies. Les ANG expriment fortement la vimentine et, au moins focalement, le factor VIII-related antigen. L’antigène CD34 est détecté dans 74% des cas et les cytokératines dans 35% des cas. L’antigène de membrane épithéliale, la protéine S-100, et l’HMB45 ne sont généralement pas exprimés. 55% des tumeurs contiennent des agrégats intracytoplasmique de laminine. L’actine musculaire lisse alpha est exprimée dans 24% des tumeurs. Les ANG ont un mauvais pronostic si plus de 10% des cellules expriment le MIB-1, un marqueur de prolifération.

Conclusion

Le diagnostic des TOMP est généralement retenu sur l’analyse d’un ensemble d’arguments cliniques tels que l’âge et le siège de la lésion, radiologiques et morphologiques et ne peut se concevoir sans une bonne confrontation de ces données. Les avancées techniques en imagerie et en biologie cellulaire facilitent encore plus ce raisonnement.

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