Place de la symphysiodese dans les osteo-arthropathies pubiennes
J Boukhris (jalalboukhris at yahoo dot fr), M Rifi, S Mezghani, JH Jaeger
Service de Chirurgie Orthopédique du Genou et de Traumatologie du Sport - Hôpitaux Universitaires de Strasbourg – CCOM - France
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.1167
Date
2014-11-08
Citer comme
Research fr 2014;1:1167
Licence
Résumé

L’ostéo-arthropathie pubienne est une atteinte de la syndesmose pubienne d’origine mécanique, entrant dans le cadre des pubalgies. Pathologie peu courante, de physiopathologie obscure et d’évolution imprévisible. Peu de publications ont été consacrées à cette affection et à notre connaissance, aucune grande série n’a été publiée dans la littérature. Ce travail comprend une étude des différents aspects sémiologiques, étiopathogéniques et thérapeutiques de ce type d’affection, en rapportant un cas d’ostéoarthropathie pubienne traitée chirurgicalement et ayant évolué favorablement.

English Abstract

The osteoarthritis of the pubis is an usual disease of syndesmosis of pubis symphysis within the scope of pubalgies. Its pathophysiology is obscure and the outcome unpredictable. Few publications have been devoted to this condition and to our knowledge, no large series have been published in the literature. This work includes a study with the various semiological, etiopathogenic and therapeutic features of this disease, by reporting a case of pubis osteoarthropathy treated surgically with favorable evolution.

Introduction

L’ostéo-arthropathie pubienne est une atteinte de la syndesmose pubienne d’origine mécanique, sans atteinte rhumatismale, ni infectieuse ou fracturaire, entrant dans le cadre des pubalgies, éliminant les atteintes de la paroi abdominale, de l’anneau inguinal et des adducteurs [1]. Pathologie peu courante, de physiopathologie obscure, la chirurgie est indiquée dans 5 à 10 % des cas, le geste chirurgical comporte une symphysiodèse avec ou sans résection de la symphyse pubienne, l’évolution reste imprévisible [2].

Place de la symphysiodese dans les osteo-arthropathies pubiennes  Figure 1
Figure 1. Radiographie standard du bassin de face montrant une ostéo-arthropathie pubienne.
Observation

Mme C.B, 59 ans, non sportive, accuse de douleurs pubiennes antérieures à l’effort depuis 2 ans avec retentissement sur la vie quotidienne. L’examen a objectivé des douleurs à la pression de la symphyse, le testing de la paroi abdominale et des adducteurs était sans particularités. Un traitement médical a été instauré pendant une durée de 2 ans comportant du repos, antalgiques et anti-inflammatoires non stéroidiens (AINS), puis infiltration de corticoïdes et rééducation fonctionnelle mais sans résultat, d’où l’indication opératoire.

Place de la symphysiodese dans les osteo-arthropathies pubiennes  Figure 2
Figure 2. Contrôle radiologique post-opératoire montrant la symphysiodèse avec greffe osseuse.

Le traitement a été chirurgical après échec du traitement médical conservateur. Les suites opératoires étaient simples. Aucune complication per ou post opératoire, n’a été relevée. La patiente a été revue en consultation de contrôle à 45 jours, 3 mois, 6 mois puis à un an. Les douleurs ont nettement régressé avec à l’examen une légère sensibilité à la pression de la symphyse.

Discussion

L’ostéo-arthropathie pubienne est la forme articulaire de la pubalgie. Cette articulation est une amphiarthrose avec un fibrocartilage. Les lésions rencontrées chez le sportif sont une atteinte de l’os, des anthèses et du fibrocartilage. L’appellation d’ostéo-enthésopathie symphysaire devrait être utilisée [1]. Cette atteinte articulaire, peu fréquente, ne diffère pas de l’atteinte des autres articulations. Cette affection est liée aux contraintes en cisaillement de la symphyse lors d'appuis unipodaux alternés. Une réduction de mobilité de la hanche ou, exceptionnellement, une hypermobilité de la symphyse sont des facteurs favorisants. La douleur est pubienne et/ou péri-pubienne, reproduite par la compression directe ou des manœuvres de cisaillement symphysaire par appui sur les ailes iliaques [2].

La radiologie conventionnelle est insuffisante pour poser un diagnostic positif. Elle permet de dépister une surcharge symphysaire, une enthésopathie calcifiée, voire de l'arthrose. Le cliché en appui monopodal peut révéler une «instabilité symphysaire» [3]. L'IRM est l'examen de choix, permettant de préciser les différentes formes osseuse, enthésique ou cartilagineuse. La scintigraphie osseuse, bien que non spécifique, est utile pour établir un diagnostic précoce, effectuer le suivi évolutif et permettre surtout d'exclure une fracture de contrainte [4].

La stratégie préventive joue un rôle primordial dans la prise en charge de cette affection; elle a été parfaitement étudiée dans le monde du hockey sur glace aux Etats-Unis [5].Un programme idéal de prévention devrait associer proprioception, étirements et renforcement musculaires. Les étirements concernent avant tout les rétractions spécifiques et raideurs segmentaires, mises en évidence à l'examen clinique de présaison [6]. Le renforcement est centré sur la ceinture abdominale (tout particulièrement sur les muscles grands larges) et les muscles dorsaux. Un renforcement excentrique des adducteurs peut être effectué si une évaluation, par exemple isocinétique, montre une faiblesse de cette modalité par rapport aux abducteurs [7]. L'objectif recherché est l'équilibrage des tensions musculaires tant sur le plan de la force que de la souplesse. Enfin, un dépistage postural et podologique permet de traiter d'éventuels sujets à risque, sous forme de supports plantaires correcteurs, d'un travail de réharmonisation posturale globale et d'autres mesures appropriées [8]. Les règles élémentaires d'hygiène de vie et de diététique sont aussi rappelées et préconisées. Finalement, la charge de travail est adaptée tenant compte de l'alternance repos-travail, en fonction de l'état de fatigue individuel de l'athlète [9].

Devant l’échec du traitement conservateur et préventif, la chirurgie s’impose. Peu de cas chirurgicaux dans la littérature, à peu près 73 cas, en général les séries publiées sont petites et très hétérogènes [10]. On retrouve trois catégories de patients: Sportifs d’élite, les étiologies infectieuses et postopératoires et les autres patients (notre patiente).

La chirurgie reste efficace dans les deux premières catégories et imprévisibles dans la troisième catégorie. Les inconvénients restent propres à chaque technique: Résections: instabilité postérieure, Symphysiodèse: pseudarthrodèse, morbidité au site du prélèvement. La littérature reste pauvre pour définir des conclusions, Mehin et all. recommande: Sportifs: curetage, les étiologies septiques et post-opératoires: résection, pour la catégorie 3: symphysiodèse [11].

Conclusion

Les études sur l’ostéo-arthropathie pubienne manquent encore de rigueur scientifique et ne sont que très exceptionnellement prospectives et contrôlées. Elles sont le plus souvent fondées sur l'expérience clinique des auteurs et sur l'empirisme de techniques thérapeutiques plutôt que sur des preuves scientifiques. Le défi futur de toutes les équipes médicales qui s'occupent du suivi sportif d'athlètes à risque est donc d'effectuer des études rigoureuses. Toujours privilégier le traitement conservateur et n’opérer que mains forcées. Il faut bien filtrer les indications chirurgicales avec des discussions éclairées avec le patient.

Déclaration
Conflits d’interets

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts

Remerciements

Nos sincères remerciements au docteur Rifi MOJIB qui nous a fourni une riche bibliographie.

Références
  1. Ghebontni L., Roger B. et al. 1996 Pubalgie du sportif : intérêt de l’IRM dans le démembrementdeslésions. J. Traumatol. Sport, 13, 86-93. Rodineau J., Simon L. 1987 Micro-traumatologie du sport. Masson Ed.
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  9. Meyers W, Foley D, Garrett W, Lohnes J, Mandlebaum B. Management of severe lower abdominal or inguinal pain in high-performance athletes. PAIN (Performing Athletes with Abdominal or Inguinal Neuromuscular Pain Study Group). Am J Sports Med. 2000;28:2-8 pubmed
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  11. Tyler T, Nicholas S, Campbell R, Donellan S, McHugh M. The effectiveness of a preseason exercise program to prevent adductor muscle strains in professional ice hockey players. Am J Sports Med. 2002;30:680-3 pubmed
ISSN : 2334-1009