La paralysie phrénique associée à une paralysie du plexus brachial obstétricale : quelle prise en charge ?
N Khadre (nohakhadre at hotmail dot fr) #, M Lehlimi, A Habzi, M Chemsi, S Benomar
Service de néonatalogie et de réanimation néonatale, Hôpital d’enfants Abderrahim Elharouchi, Casablanca, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.822
Date
2014-05-21
Citer comme
Research fr 2014;1:822
Licence
Résumé

L’atteinte obstétricale du nerf phrénique peut résulter d'une hyperextension latéralisée du cou à la naissance. C’est une entité rare, mais grave, souvent sous-diagnostiquée, s’associe parfois à une paralysie du plexus brachial. Elle doit être suspectée devant une respiration irrégulière avec cyanose. Nous rapportons le cas d’un nouveau-né admis pour détresse respiratoire néonatale précoce et une parésie du membre supérieur droit. Il était issu d’un accouchement dystocique. La radiographie et l’échographie thoracique ont objectivé une ascension de la coupole diaphragmatique droite se projetant sur le sixième espace intercostal droit, constante. Le diagnostic retenu était une paralysie phrénique associée à une paralysie du plexus brachial secondaire à un traumatisme obstétrical. Le nouveau-né a été traité par une ventilation en pression positive continue (CPAP). L’évolution était favorable avec récupération spontanée à l’âge de 2 mois. La prise en charge de cette association n’est pas encore codifiée. La revue de la littérature trouve peu d’études sur l’incidence de cette association et de la relation entre la sévérité de la paralysie du plexus brachial et l’évolution de cette pathologie.

English Abstract

Obstetric phrenic nerve injury may result from lateralized hyperextension of the neck at birth. It is a rare but serious and often under-diagnosed condition, sometimes it is associated with brachial plexus palsy. It should be suspected with irregular breathing and cyanosis. We report a newborn case admitted to neonatal departement for respiratory distress and paresis of the right upper limb. He had a dystocic labor. Chest X-ray and ultrasonography objectified an ascent of the right diaphragmatic dome. The diagnosis was a phrenic paralysis associated with brachial plexus palsy secondary to birth trauma. The newborn was treated with a continuous positive airway pressure ventilation (CPAP). The outcome was favorable with spontaneous recovery at the age of 2 months. Management of this association is not yet codified. The literature review found few studies on the impact of this association and the relationship between the severity of brachial plexus palsy and evolution of this disease.

Introduction

La paralysie phrénique est une atteinte du système nerveux périphérique secondaire à l’étirement des fibres nerveuses C3, C4 et /ou C5 de la moelle cervicale ou au cours de leurs trajets. La lésion du nerf phrénique est souvent unilatérale et parfois associée à une paralysie du plexus brachial [1]. Les étiologies sont diverses, l’atteinte secondaire à un traumatisme obstétrical est rarement décrite. L’incidence est estimée à 1/15.000 à 1/30.000 naissances vivantes. La manifestation clinique se caractérise par une détresse respiratoire néonatale précoce. Le diagnostic différentiel peut se poser avec les maladies neuromusculaires. Le pronostic est réservé avec une mortalité de 10 à 15 %. Les recommandations thérapeutiques ne sont pas encore établies [2] [3]. Nous rapportons un cas de paralysie phrénique associée à une paralysie du plexus brachial droite secondaire à un traumatisme obstétrical, avec revue de la littérature.

Observation

Le nouveau-né M. est né par voie basse en présentation céphalique, issu d’une grossesse présumée à terme, d’une mère quatrième geste, quatrième pare. L’accouchement était dystocique en rapport avec une dystocie dynamique, avec une mauvaise adaptation à la vie extra-utérine (Apgar à 5 à la 5ème minute). Le poids de naissance était de 3000 g, la taille de 49 cm et le périmètre crânien de 35 cm. Le nouveau-né présentait dès la naissance une détresse respiratoire avec une diminution de la mobilité du membre supérieur droit. L’examen notait une tachypnée à 100 cycles / minute, une fréquence cardiaque à 172 battements / minute, une saturation d’oxygène à 88% à l’air libre et à 94% sous oxygène, une cyanose péribuccale lors des cris et un score de Silverman à 3/10. L’examen neurologique notait une parésie du membre supérieur droit avec main en pronation et supination. La radiographie thoracique a objectivé une ascension de la coupole diaphragmatique droite se projetant sur le sixième espace intercostal droit, constante sur plusieurs radiographies, sans trouble de la ventilation, ni atteinte osseuse (figure 1). L’échographie des coupoles montrait une coupole gauche en place, de mobilité normale et une coupole droite ascensionnée s’élevant lors de l’inspiration et traduisant une respiration paradoxale. Le diagnostic retenu était une paralysie phrénique droite associée à une paralysie du plexus brachial droit secondaires à un traumatisme obstétrical. Le nouveau-né a été traité par une oxygénothérapie (0,4 litres / minute) avec ventilation en pression positive continue, les besoins en oxygène étaient stables jusqu’aux quatre semaines de vie. Une discussion de la conduite thérapeutique était faite avec les chirurgiens. La décision était de maintenir le CPAP. Par ailleurs, une kinésithérapie a été démarrée à 3 semaines de vie. L’évolution était bonne avec récupération spontanée de la paralysie du plexus brachial à l’âge de 2 mois et de la paralysie phrénique à l’âge de 3 mois. Le recul actuel est d’un an et demi.

La paralysie phrénique associée à une paralysie du plexus brachial obstétricale : quelle prise en charge ? Figure 1
Figure 1. Radiographie thoracique face : ascension de la coupole diaphragmatique droite se projetant sur le sixième espace intercostal droit, constante sur plusieurs radiographies, sans trouble ventilatoire ni atteinte osseuse.
Discussion

La paralysie phrénique secondaire à un traumatisme obstétrical est une entité rare. Le premier cas était décrit en 1933, par la suite une centaine de cas ont été rapportés. L’association d’une paralysie phrénique avec une atteinte du plexus brachial sont les plus fréquentes (de l'ordre de 90 %) [4]. D’un autre côté, seulement 2,4 à 5 % des atteintes obstétricales du plexus brachial sont associées à une paralysie phrénique [1] [5]. On constate une prédominance de l’atteinte du côté droit 80 %.

Plusieurs facteurs de risque sont incriminés : les modalités d’accouchement, la présentation de siège, la macrosomie, l’utilisation de forceps ou de ventouse, la dystocie de l’épaule ou la malformation utérine [6] [7] [8].

La physiologie respiratoire diffère entre le nouveau-né et l’adulte. Celle du nouveau-né dépend en grande partie de la mobilité du diaphragme vu que le nouveau-né présente des côtes horizontales, une compliance pulmonaire diminuée, des muscles intercostaux faibles et des résistances pulmonaires élevées. Ce qui explique la gravité du tableau clinique chez le nouveau-né [1] [2].

La paralysie phrénique doit être suspectée devant toute détresse respiratoire néonatale précoce. Elle se manifeste par une cyanose et une diminution des mouvements de l’hémithorax affecté. Par ailleurs, la paralysie du plexus brachial se manifeste par une paralysie ou une parésie du membre supérieur atteint avec main en prono-supination, comme le cas de notre nouveau-né [9] [10] [11] La physiopathologie de cette détresse respiratoire peut être expliquée par deux mécanismes. Le premier est l’atteinte de la contraction du diaphragme causant une modification du volume thoracique avec une sur utilisation des muscles intercostaux et du diaphragme controlatéral, entrainant une respiration paradoxale avec une fatigue des muscles respiratoires par une défaillance énergétique. Le deuxième mécanisme est lié à l’élévation du diaphragme causant une atélectasie avec une susceptibilité aux infections respiratoires et à l’hypoxie.

La confirmation diagnostique se fait par la radiographie thoracique qui objective une surélévation de la coupole diaphragmatique. L’échographie thoracique permet l’évaluation qualitative de la fonction diaphragmatique. Dans notre cas, on a objectivé sur la radiographie thoracique une surélévation de la coupole diaphragmatique droite se projetant sur le sixième espace intercostal droit, image radiologique constante sur plusieurs clichés sans trouble ventilatoire [9] [12] L’électromyographie diaphragmatique permet la mesure du potentiel d’action diaphragmatique par une stimulation cutanée du nerf phrénique ; elle a pour intérêt la distinction entre une contusion et une lacération [7] [13].

Sur le plan thérapeutique, il n’y a pas encore de consensus. L’objectif est d’assurer un bon développement pondéral. Le traitement repose sur l’oxygénation, la ventilation par une pression positive continue des voies aériennes (CPAP nasale), une ventilation assistée ou une plicature chirurgicale du diaphragme par thoracoscopie ou thoracotomie. L’indication de chacune des méthodes suscitées n’est pas précise. Mais quel traitement choisir et à quel moment, restent controversés. Généralement, on démarre par une oxygénation et on change de traitement selon l’évolution de la symptomatologie [5] [12]. Dans notre cas, on a opté pour un traitement à base d’une oxygénothérapie avec ventilation en pression positive continue. Quant au procédé chirurgical, il consiste en une plicature diaphragmatique par la remise en tension de la coupole par suppression de son excès de longueur. Ce qui permet un grandissement de la cavité pleurale et une correction de la bascule des organes abdominaux. Cette chirurgie est indiquée en cas d’oxygèno-dépendance, d’échec de déventilation assistée ou en cas de besoin continu ou de nécessité d’un gavage continu causant un retard de croissance. Le moment de plicature chirurgicale est controversé, avant 20 jours ou à l’âge de 1 à 2 mois, car il semblerait qu’aucune amélioration spontanée ne peut être constaté après cet âge [14]. Des études discutent l’intérêt d’une chirurgie précoce avant 20 jours, surtout dans le cadre d’un traumatisme obstétrical, vu la rareté des cas décrits avec une amélioration spontanée. Cependant dans notre cas, la décision d’abstention chirurgicale était largement discutée avec une équipe multidisciplinaire. À notre connaissance, il s’agit d’un deuxième cas qui a bien évolué sous CPAP.

Cette pathologie peut évoluer vers une guérison spontanée entre un et deux mois et vers le décès dans 10 à 15 % des cas. Des complications sont décrites, l’hypertension artérielle pulmonaire si retard de chirurgie, des séquelles respiratoires avec des infections respiratoires à répétition et un retard staturo-pondéral [15]. Le pronostic dépend de la sévérité lésionnelle de la racine nerveuse cervicale atteinte. Les études n’ont pas objectivé une corrélation entre la sévérité des signes respiratoires résultant de la paralysie du nerf phrénique et la gravité de la paralysie du plexus brachial [5]. Dans notre cas, on a objectivé une guérison spontanée de la paralysie du plexus brachial.

Conclusion

La paralysie phrénique résulte d’un traumatisme obstétrical évitable grâce à une bonne surveillance des grossesses et des accouchements. On doit y penser devant toute détresse respiratoire néonatale. La prise en charge thérapeutique se discute au cas par cas. Cependant, le bénéfice d’une chirurgie avant 2 mois n’est pas démontré.

Declarations
Conflict of interest

Conflits d’intérêts : aucun

Références
  1. Stramrood C, Blok C, van der Zee D, Gerards L. Neonatal phrenic nerve injury due to traumatic delivery. J Perinat Med. 2009;37:293-6 pubmed publisher
  2. Meyers BF, Kozower BD. ACS Surgery: Principles and Practices, 6th ed., Chapter 4.6. Philadelphia: B.C. Decker Inc., 2008. Disponible à partir du: www.acssurgery.com/acs/Chapters/ch0406.htm
  3. Wijkstra P, Meijer P, Meinesz A. Diaphragm plication following phrenic nerve injury. Thorax. 2003;58:460 pubmed
  4. Murty V, Ram K. Phrenic nerve palsy: A rare cause of respiratory distress in newborn. J Pediatr Neurosci. 2012;7:225-7 pubmed publisher
  5. Bowerson M, Nelson V, Yang L. Diaphragmatic paralysis associated with neonatal brachial plexus palsy. Pediatr Neurol. 2010;42:234-6 pubmed publisher
  6. Al-Qattan M. Obstetric brachial plexus palsy associated with breech delivery. Ann Plast Surg. 2003;51:257-64; discussion 265 pubmed
  7. Dunham E. Obstetrical brachial plexus palsy. Orthop Nurs. 2003;22:106-16 pubmed
  8. Blaauw G, Slooff ACJ, Muhlig RS. Results of surgery after breech delivery. In: Gilbert A, editor. Brachial plexus injuries. Florence, KY: Taylor & Francis, 2001:217-24.
  9. Lemmer J, Stiller B, Heise G, Hubler M, Alexi-Meskishvili V, Weng Y, et al. Postoperative phrenic nerve palsy: early clinical implications and management. Intensive Care Med. 2006;32:1227-33 pubmed
  10. Shiohama T, Fujii K, Hayashi M, Hishiki T, Suyama M, Mizuochi H, et al. Phrenic nerve palsy associated with birth trauma--case reports and a literature review. Brain Dev. 2013;35:363-6 pubmed publisher
  11. Rennie JM. Respiratory problems of infants with neurological disease. In: Greenough A, Milner AD, editors. Neonatal respiratory disorders. London: Hodder Arnold, 2003:254.
  12. Escande B, Cerveau C, Kuhn P, Astruc D, Daemgen F, Messer J. [Phrenic nerve paralysis of obstetrical origin: favorable course using continuous positive airway pressure]. Arch Pediatr. 2000;7:965-8 pubmed
  13. Hughes C, Harley E, Milmoe G, Bala R, Martorella A. Birth trauma in the head and neck. Arch Otolaryngol Head Neck Surg. 1999;125:193-9 pubmed
  14. Tsugawa C, Kimura K, Nishijima E, Muraji T, Yamaguchi M. Diaphragmatic eventration in infants and children: is conservative treatment justified?. J Pediatr Surg. 1997;32:1643-4 pubmed
  15. Al-Qattan M, Clarke H, Curtis C. The prognostic value of concurrent phrenic nerve palsy in newborn children with Erb's palsy. J Hand Surg Br. 1998;23:225 pubmed
ISSN : 2334-1009