Calciphylaxie d’expression pénienne : à propos d’un cas
J Avakoudjo, PP Hounnasso, MT Traore (t dot mamadou at gmail dot com) #, G Natchagande, F Soumanou, S Ouédraogo, albert Danai, F Lossitode, A Assalat, O Dandjelessa
Centre National Hospitalier Universitaire Hubert K Maga de Cotonou, Benin
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.2.1460
Date
2015-10-18
Citer comme
Research fr 2015;2:1460
Licence
Résumé

La calciphylaxie, ou artériolopathie urémique calcifiante, est un désordre rare mais critique, caractérisé par une calcification des tissus mous et en particulier des calcifications vasculaires. Elle survient chez les sujets en insuffisance rénale terminale, dialysés ou transplantés. Elle peut également survenir en cas d’hypercalcémie. Nous rapportons le cas clinique d’un patient âgé de 48 ans, diabétique de type 2, en insuffisance rénale chronique avec une diurèse conservée sous hémodialyse. Il a consulté pour une inflammation du gland survenue à la suite d'une rétention aiguë d'urine qui aurait requis la mise en place d’une sonde urétro-vésicale. A l'examen clinique, il existait une gangrène humide au niveau du gland du pénis, et une gangrène sèche au niveau du gros orteil du pied droit. La culture des prélèvements bactériologiques était polymicrobienne. L’examen anatomopathologique a mis en évidence une inflammation aiguë de nécrose ischémique. Il a subi une régularisation du moignon pénien. L’évolution était favorable avec cicatrisation satisfaisante de la verge.

English Abstract

T he calciphylaxis or calcific uremic arteriolopathy is a rare disorder characterized by calcifications of soft tissues and vessels. It occurs in patients with renal failure and hypercalcemia. We report a case of a 48 year old patient with unbalanced type 2 diabetes and chronic renal failure. He was admitted for inflammation of the glans with occurred after an acute urinary retention which required putting a urethral catheter. At physical examination there was a wet gangrene of the glans penis and a dry gangrene of the big toe of the right foot. The microbiological swabs of the glans was polymicrobial. Pathological examination revealed an acute inflammation and an ischemic necrosis. The patient underwent a resection of necrotic tissue in the distal third of the penis. The outcome was favorable with an acceptable cicatrization.

Introduction

La gangrène ischémique de la verge chez un patient diabétique et insuffisant rénal chronique est une pathologie peu décrite [1]. Ces mécanismes étiologiques demeurent incomplètement élucidés. De faibles séries ont été rapportées dans la littérature [2]. Encore appelée calciphylaxie ou artériolopathie urémique calcifiante [3], il s’agit d’un désordre rare critique caractérisé par une médiacalcinose des artères menant à une ischémie tissulaire survenant chez le sujet en insuffisance rénale terminale dialysé ou ayant bénéficié d’une transplantation rénale [4]. Elle peut être l’aboutissement d’autres causes hypercalcémies [5]. Certains terrains prédisposant sur fond d’insuffisance rénale sont retrouvés tels que le diabète, l’obésité artérite, calcifications vasculaires diffuses, cardiopathie et dénutrition. Le diagnostic doit être rapide ainsi qu’une prise en charge adéquate permettant d’éviter une évolution souvent fatale vers une septicémie [6]. Malgré, tout le traitement reste décevant et pronostic sombre avec une mortalité élevée [7]. La calciphylaxie pénienne engage avant tout le pronostic fonctionnel de la verge et peut engager le pronostic vital en raison de la septicémie qu’elle peut occasionner. Nous rapportons un cas.

Calciphylaxie d’expression pénienne : à propos d’un cas Figure 1
Figure 1. Nécrose du gland.
Observation

Un patient âgé de 48 ans qui a consulté pour une inflammation du gland survenue dans les suites d’une rétention aigue d’urine ayant nécessité la pose d’une sonde à demeure 5 mois auparavant. Il était connu diabétique de type 2. Sa glycémie n’était pas maîtrisée. Le patient bénéficiait de l’hémodialyse depuis 8 mois à cause d’une insuffisance rénale chronique à diurèse conservée.

Calciphylaxie d’expression pénienne : à propos d’un cas Figure 2
Figure 2. Aspect à la fin d’hospitalisation.

L’examen clinique a conclu à une gangrène humide du gland de la verge (figure 1) et une gangrène sèche du gros orteil du pied droit. Un bilan sanguin en urgence a permis de retrouver une hypercalcémie et une hyperphosphatémie. La prise en charge a été pluridisciplinaire. Les troubles hydro électroniques ont été corrigés. Le geste chirurgical a consisté en une cystotomie avec sonde à demeure puis ablation de la sonde uréthrovésicale et au parage des lésions au niveau du pénis et du gros orteil. Un écouvillonnage du gland a été fait en per opératoire pour étude bactériologique et le resultat a conclu à un prélèvement poly microbien. La biopsie réalisée pour l’examen anatomopathologique a conclu à une calciphylaxie (infiltrat inflammatoire mixte associé à des zones de calcification et de fibrose). L’évolution en hospitalisation a été marquée par une extension de la gangrène au tiers distal de la verge ce qui a nécessité une régularisation du moignon pénien sur une sonde tutrice. L’évolution après régularisation du moignon a été favorable avec une cicatrisation satisfaisante de la verge (figure 2). La durée d’hospitalisation a été de 80 jours.

Commentaire

La maladie diabétique est pourvoyeuse de complications ischémiques en raison de la micro et de la macro-angiopathie qu’elle occasionne. La dialyse, qu’elle soit hémodialyse ou péritonéale [8] provoque également des atteintes vasculaires par le moyen des thromboses occasionnées par la circulation extracorporelle. L’hémodialyse génère pour son compte, des troubles phosphocalciques qui sont à la genèse de calcification intravasculaire [9]. L’association morbide diabète et insuffisance rénale chronique dialysée multiplie ainsi les complications vasculaires ischémiques qui se répercutent préférentiellement sur les vaisseaux de moyens et de petit calibre (calciphylaxie). La calciphylaxie dont le diagnostic est essentiellement clinique est caractérisée par l’apparition aiguë de lésions cutanées douloureuses, en général symétriques, pouvant entraîner des ulcérations et des escarres Ces lésions sont distales dans 90 % des cas et proximales dans 44 à 68% des cas touchant le tronc, les fesses, les cuisses et même le pénis [6]. L’atteinte bifocale (orteil et verge) de notre patient serait en faveur d’une occlusion des troncs artériels iliaques dont la mise en évidence a souffert de l’artériographie [10, 11]. Tariel [12] a décrit l’atteinte ischémique du périnée.

L’aspect macroscopique de la verge nécrosée avait fait évoquer une tumeur de la verge. Cette hypothèse a justifié la réalisation de la biopsie et de l’examen anatomopathologique. L’étude anatomo-pathologique peut aider au diagnostic mais elle n’est pas toujours possible car l’atteinte est segmentaire et la biopsie doit être profonde et large [7, 13].

Dans les formes typiques, il existe des calcifications constituées de dépôts de calcium et de phosphore dans la paroi des artérioles de la peau et des muscles avec une nécrose de la graisse et une infiltration par des cellules inflammatoires [14]. Ces calcifications sont bien visibles sur la TDM, considérée comme le meilleur examen pour évaluer l’athérosclérose [11, 15]. Cependant, en cas d’atteinte de la verge, l’IRM constitue l’examen le plus performant pour l’exploration des corps caverneux [16] permettant de mieux préciser la limite entre le tissu nécrotique et le tissu sain [11]. En plus, cet examen a l’avantage de pouvoir être réalisé sans risque chez les insuffisants rénaux. L’IRM a permis, dans le cas rapporté, de bien délimiter la nécrose du gland.

L’obésité et le diabète sont décrits comme facteurs favorisants, notre patient était diabétique de type 2. Dans la littérature l’équilibre glycémique n’était pas suffisant pour prévenir cette complication vasculaire. Le traitement adéquat de ces patients souffre d’un manque de consensus. Le traitement chirurgical repose sur l’excision du tissu nécrosé, des amputations si nécessaire et la greffe de peau [16-18]. Pour certains, dans le cas de la calciphyxie pénienne, une pénectomie partielle pourrait être préconisée [9, 10] alors que l’équipe de STEIN [19] préconise une expectative jusqu'à stabilisation de l’ischémie. La mortalité est de 63 à 72% en cas d’atteinte proximale et de 23 à 47% en cas d’atteinte distale [19]. Dans notre cas le patient a survécu.

Conclusion

L’intérêt de ce cas réside dans la rareté de la gangrène ischémique de la verge chez les patients diabétiques dialysés. Plusieurs hypothèses sont évoquées dans la genèse. La prise en charge n’est pas consensuelle. La connaissance et le traitement des facteurs de risque de la calciphylaxie est essentiel pour diminuer la mortalité chez les urémiques

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ISSN : 2334-1009