Manifestation parotidienne de la neurofibromatose de Recklinghausen : à propos d’un cas
Badr Chaoui1 (chaouibadr at hotmail dot com) #, Meryem Fikri2, Moulay El Hassani Rachid2, Mohammed Jiddane2
1 Service de radiologie, hôpital militaire d’instruction MEDV, RABAT, MAROC. 2 Service de neuroradiologie, hôpital des spécialités, CHU Avicenne RABAT, UMV, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.4.2402
Date
2017-11-30
Citer comme
Research fr 2017;4:2402
Licence
Résumé

Introduction : La maladie de Von Recklinghausen est une phacomatose due à un dysfonctionnement du tissu ectodermique embryonnaire. L’atteinte du nerf facial au cours de la maladie de Von Recklinghausen est rare. Observation : Il s’agissait d’une patiente âgée de 62 ans, suivie pour neurofibromatose de type 1, qui présentait depuis 8 mois une tuméfaction de la région parotidienne augmentant progressivement de volume. Une échographie et une TDM ont été réalisées, évoquant une tumeur neurogène, confirmée histologiquement. Conclusion : L’imagerie joue un rôle important dans l’orientation diagnostique et la recherche des lésions associées.

English Abstract

Introduction: Von Recklinghausen's disease is a phacomatosis due to a malfunction of the embryonic ectodermal tissue. The facial nerve is a rare localization. Case: A 62-years-old female patient with a history of type 1 neurofibromatosis type 1 had presented a swelling of the parotid area which increased gradually in volume for 8 months. Ultrasound and CT were revealed a 56mm tissue mass. Pathological examination of the mass revealed a neurogenic tumor. Conclusion: Imaging plays an important role in the diagnostic orientation and the search for associated lesions.

Introduction

La neurofibromatose de type 1 ou maladie de Von Recklinghausen est une maladie génétique autosomique dominante, en rapport avec des mutations dans le gène suppresseur de tumeur NF1, prédisposant les sujets atteints à une variété de tumeurs bénignes (neurofibromes et neurofibromes plexiformes) et malignes. Son incidence est d’environ 1/3000 naissances [1]. Ces lésions sont ubiquitaire et siègent le plus souvent au niveau des ceintures et des membres. Au cours de cette affection l'atteinte du nerf facial dans sa portion intra parotidienne est rare (0,5 à 1%) et font l'intérêt de la présentation de ce cas clinique.

Manifestation parotidienne de la neurofibromatose de Recklinghausen : à propos d’un cas  Figure 1
Figure 1. TDM crânio-faciale avec redu volumique objectivant la masse de la région parotidienne gauche. Ainsi que des neurofibromes cutanés diffus de tout le corps.
Observation

Il s’agissait d’une patiente âgée de 62 ans, suivie pour neurofibromatose type 1 qui présentait depuis 8 mois une tuméfaction de la région parotido-juguale gauche, indolore, augmentant progressivement de volume, sans paralysie faciale mais avec importante gêne esthétique. L’examen clinique retrouvait une masse rénitente, mobile par rapport aux deux plans, des neurofibromes cutanés diffus de tout le corps (Figure 1) ainsi que des tâches café au lait.

Manifestation parotidienne de la neurofibromatose de Recklinghausen : à propos d’un cas  Figure 2
Figure 2. TDM crânio-faciale en fenêtre parenchymateuse. A. coupe coronale. B. coupe axiale.

L’échographie parotidienne gauche a objectivé la présence d’une formation tissulaire ovalaire, hypoéchogène, discrètement hétérogène, de 56 mm de grand axe, avec en son sein des formations tubulées d'allure vasculaire. La TDM crânio-faciale avec injection de produit de contraste a objectivé la présence d’une volumineuse formation de la région parotido-juquale gauche avec double composante kystique et charnue entourée de lacis veineux avec rehaussement intermédiaire après injection de PDC, elle s’étend en endo-buccale gauche refoulant l’oropharynx et arrivant à l’étage sus-hyoïdien (Figure 2), la lecture en fenêtre osseuse (Figure 3) a permis de mettre en évidence des manifestations osseuses rencontrées dans la NF1 à savoir une dysplasie de la grande aile du sphénoïde gauche et déhiscence de la paroi inferieure de l’orbite avec enophtalmie, une agénésie de l’os zygomatique gauche ainsi qu’une déformation de la mâchoire inférieure. Une exérèse chirurgicale a été réalisée et l'examen anatomopathologique de la pièce opératoire a mis en évidence une prolifération tumorale nodulaire faite d'éléments cellulaires allongés aux noyaux sinueux contenus dans une trame conjonctive œdémateuse, sans atypie cellulaire, évoquant un neurofibrome diffus.

Manifestation parotidienne de la neurofibromatose de Recklinghausen : à propos d’un cas  Figure 3
Figure 3. TDM crânio-faciale en fenêtre osseuse. A : coupe coronale. B. coupe axiale.
Discussion

La neurofibromatose de type 1 (NF1) est la plus fréquente des maladies autosomiques dominantes, décrite par Von Recklinghausen en 1883. Elle appartient à la famille des phacomatoses. La NF1 est affirmée chez un individu par des critères diagnostiques précis [2]. Dix pour cent des cas présentent des localisations faciales [3].

L’expression clinique de la maladie à la sphère craniomaxillofaciale peut prendre plusieurs formes : neurofibrome molluscum, neurofibrome cranio-orbitaire, neurofibrome parotido-jugal, neurofibrome cervical et neurofibrome plexiforme.

Le neurofibrome parotido-juguale est une lésion volontiers unique, centrée sur la région parotidienne et envahissant plus ou moins la région jugale. Le tissu parotidien est envahi par le neurofibrome et la position du nerf facial est imprévisible, le neurofibrome pouvant être développé à partir du nerf facial. On peut également retrouver une bascule postérieure du pavillon de l’oreille et des lésions ostéolytiques occipitales. Des prolongements endo-buccaux doivent être systématiquement recherchés [4].

Les déformations osseuses du maxillaire supérieur et inférieur sont clairement associées à la présence des neurofibromes faciaux qui envahissent les branches du trijumeau. Un élargissement progressif de la fissure orbitaire supérieure et du foramen ovale. La mandibule du côté atteint est asymétrique de même que la portion adjacente du maxillaire et la paroi externe de l’orbite sont détruites [5].

Une tuméfaction parotidienne pouvant traduire une atteinte nerveuse, tout en pensant au nerf facial même si son atteinte est rare (0,5 à 1%) [2], et étudier systématiquement, dans la mesure du possible, son trajet devant toute tumeur de la région parotidienne.

L’imagerie joue un rôle important dans le diagnostic positif, évaluation pronostique, orientation de la prise en charge thérapeutique, et le suivi évolutif des lésions.

Même si l'IRM est l’examen recommandé pour explorer la parotide, elle connaît toutefois des limites car, malgré des critères évocateurs, il peut être en pratique difficile d'appréhender la nature nerveuse de la tumeur et de la distinguer d'autres tumeurs parotidiennes dont les aspects IRM ne sont pas univoques [1, 2].

La TDM comme pour l’IRM, permet d’évoquer une tumeur d’origine nerveuse en montrant une masse d’aspect hétérogène avec des plages hypodenses qui vraisemblablement ressemblaient à des plages de nécrose coexistant avec des bourgeons tumoraux charnus prenant fortement le contraste. Cette prise de contraste intense est la plus évocatrice d’une tumeur nerveuse. La masse est souvent entourée de « lacs » veineux atones témoignant de la dysplasie des parois vasculaires artérielles et néoformation vasculaire veineuse source de saignement important en per opératoire.

Le traitement est chirurgical mais une abstention et une surveillance peut être indiqué car l’évolution est lente. L’indication chirurgicale peut être indiquée dans le but de confirmer le diagnostic, ou si la nature de la masse est incertaine, par l'examen anatomopathologique [1-3].

Conclusion

Les tumeurs du nerf facial peuvent entrer dans le cadre d'une neurofibromatose de Recklinghausen. Ces tumeurs sont des pathologies rares qui posent de réels problèmes diagnostiques aussi bien au plan clinique que paraclinique, lorsqu'elles siègent uniquement dans la région parotidienne. L’imagerie joue un rôle important pour évoquer le diagnostic ainsi que le bilan d’extension locorégionale et le suivi de ces tumeurs.

Déclaration
Conflits d’intérêt

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références
  1. Pinson S, Creange A, Barbarot S, Stalder J, Chaix Y, Rodriguez D, et al. [Neurofibromatosis 1: recommendations for management]. Arch Pediatr. 2002;9:49-60 pubmed
  2. Neurofibromatosis. Conference statement. National Institutes of Health Consensus Development Conference. Arch Neurol. 1988;45:575-8 pubmed
  3. Latham K, Buchanan E, Suver D, Gruss J. Neurofibromatosis of the head and neck: classification and surgical management. Plast Reconstr Surg. 2015;135:845-55 pubmed publisher
  4. Jayachandran D, Sunantha S, Gopalaiah H, Veeraraghavan G. Plexiform neurofibromatosis involving face and oral cavity. J Oral Maxillofac Pathol. 2014;18:114-7 pubmed publisher
  5. Friedrich R, Heiland M, Kehler U, Schmelzle R. Reconstruction of Sphenoid Wing Dysplasia with Pulsating Exophthalmos in a Case of Neurofibromatosis Type 1 Supported by Intraoperative Navigation Using a New Skull Reference System. Skull Base. 2003;13:211-217 pubmed
ISSN : 2334-1009