Hamartome de l’oropharynx chez un nourrisson : à propos d’un cas
  1. Smail Kharoubi
    s_kharoubi at yahoo dot fr
    ORL des hopitaux, Faculte de medecine – Annaba, Universite Badji Mokhtar – Annaba 23000, Algerie
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.623
Date
2014-03-24
Citer comme
Research fr 2014;1:623
Licence
Résumé

L'hamartome de l'oropharynx est une tumeur congénitale histologiquement bénigne mais pouvant revêtir un tableau clinique grave sous forme d'une détresse respiratoire, néonatale ou du nourrisson, dûe au volume de la tumeur ou son caractère pédiculé responsable d’un effet « clapet » au niveau du vestibule laryngé. Le diagnostic est essentiellement clinique, en particulier la fibroscopie pharyngo-laryngée qui permet un diagnostic macroscopique (volume, forme, sessile ou pédiculée) et topographique (nasopharynx, oropharynx, hypopharynx) des lésions. Le traitement reste chirurgical et les récidives sont rares.

English Abstract

Hamartoma of the oropharynx is a congenital benign tumor that may lead to severe respiratory distress in newborns or infants due to the volume of the tumor or its pedunculated characteristics and laryngeal obstruction. The diagnosis is essentially clinical. Pharyngolaryngeal endoscopy allows to define macroscopic diagnosis (volume, shape, sessile or pedunculated) and topographic lesions (nasopharyngeal, oropharyngeal, hypopharyngeal location). The treatment remains surgical and recurrences are rare.

INTRODUCTION

Les tumeurs néonatales pharyngées sont rares mais pouvant se manifester dans un cadre d’urgence respiratoire [1]. Elles sont le plus souvent isolées mais pouvant coexister avec un syndrome polymalformatif. L’endoscopie pharyngée est la meilleure approche diagnostique. Le traitement est chirurgical.

OBSERVATION CLINIQUE

Nourrisson A.M, âgé de trois mois adressé en ORL par le pédiatre pour une « anomalie à l’examen de la cavité buccale ». Le motif de consultation initial était une difficulté lors des tétées et la présence d’un bruit respiratoire lors du sommeil.

L’examen de l’extrémité céphalique ne montrait aucun dysmorphisme, ni anomalie de la pyramide nasale ou de l’oreille externe.

Il n’y a eu aucun incident notable lors de l’accouchement.

Hamartome de l’oropharynx chez un nourrisson : à propos d’un cas Figure 1
Figure 1. Hamartome vue per opératoire (insertion ogive amygdalienne gauche).

L’examen de la cavité buccale à l’abaisse langue montrait une formation oblongue rosâtre de 45 mm de long à surface lisse et régulière. Une traction douce par une pince magill objectivait la présence d’un pédicule d’insertion au niveau de l’ogive amygdalienne gauche (Figure 1). Une nasofibroscopie ne retrouvait pas d’anomalie au niveau du pharynx ni du larynx. Une télé thorax était sans particularité.

L’exérèse de cette masse fut réalisée sous anesthésie générale et intubation orotrachéale (Figure 2) : incision de la muqueuse du pilier antérieur et dissection du pédicule, puis exérèse en monobloc avec fermeture en 2 points au fil résorbable (3/0). Les suites opératoires étaient simples avec reprise rapide des tétées et disparition du bruit respiratoire. L’examen anatomopathologique était en faveur d’un hamartome bénin.

Hamartome de l’oropharynx chez un nourrisson : à propos d’un cas Figure 2
Figure 2. Pièce opératoire (pédicule – haut de la pièce).
Discussion

Le concept d’hamartome a été décrit pour la première fois par EUGEN ALBRECHT en 1904 [2]. C’est une formation tumorale de type malformative ou innée développée aux dépens d’éléments tissulaires qui appartiennent à l’organe en cause. Une certaine confusion est parfois réalisée entre hamartome et tératome. L’hamartome dérive de l’un des trois feuillets embryologiques le plus souvent le mésenchyme. Le tératome est une entité différente correspondant à une néoplasie autonome spontanée étrangère ou différente du tissu au sein duquel elle se développe et englobe sur le plan ultra-structurel les trois feuillets embryologiques.

L’hamartome (hairy polyp pour les auteurs anglosaxons) est une tumeur rare chez le nourrisson. Les principales publications sont rapportées dans le Tableau 1.

LAPADO.AA [10] 1978 1 cas Hamartome nasopharynx. Nouveau né 2 mois Vomissements et extériorisation buccale masse
GLEESON.MJ [1] 1984 1 cas Hamartome Oropharyngé.
VAN HAESENDONCK.J [20] 1990 1 cas Hamartome Oropharyngé. Détresse respiratoire néo natale. Imagerie IRM.
WALSH.RM [11] 1996 1 cas Hamartome Amygdale : détresse respiratoire intermittente associée à une microtie et atrésie conduit auditif externe.
D’ANDREA.LA [12] 1998 1 cas Hamartome Pharynx stridor chez un nouveau-né.
BELCADHI.M [13] 2001 2 cas Hamartome Pharynx. Détresse respiratoire néonatale.
BURNS.BU [14] 2001 1 cas Hamartome Pharynx associé à un kyste amygdaloide cervical. Hypothèse origine de cette pathologie : anomalies de la deuxième fente.
EL MUSTAPHA.OM [8] 2003 1 cas Hamartome Oropharyngé, expulsion spontanée.
ANDRONIKOV.S [15] 2003 3 cas Hamartomes Pharynx. Détresse respiratoire présentation radiologique : Scanner et IRM.
KARAGAMA.YG [16] 2003 1 cas Hamartome Pharynx. Détresse respiratoire et bruit respiratoire.
PARK.SK [17] 2008 1 cas Hamartome Nasopharynx.
GAMBINO.M [18] 2008 2 cas Hamartome oropharynx. Détresse respiratoire néo natale.
HULSMANN.AR [6] 2009 2 cas Hamartomes Oro et Nasopharyngés.
MIRSHEMIRANI.A [19] 2011 1 cas Hamartome nasopharynx et division palatine chez un nouveau né de 20 jours.
BAHGAT.M [9] 2012 1 cas Hamartome Oropharynx : stridor, cyanose à la naissance, vomissements .exérèse au Laser CO2.
Tableau 1. Hamartomes du pharynx chez le nouveau ne : principales publications de la litterature.

C’est une lésion très souvent isolée ou parfois intégrée dans un cadre malformatif (division vélo palatine) [3].

Elle est découverte souvent à la naissance parfois quelques semaines après lors d’un examen périodique du nouveau-né (ou du nourrisson), ou à l’occasion d’une symptomatologie pharyngo-laryngée [4].

Un diagnostic anté-natal est possible par l’échographie motivée souvent par un excès de liquide amniotique. La masse est souvent visible au niveau de la face du fœtus (coupes coronales et sagittales) [5].

Le sexe masculin est le plus touché. L’analyse rétrospective du déroulement de la grossesse est le plus souvent normal.

La lésion est le plus souvent unique et le siège est éminemment variable. Tous les étages du pharynx peuvent être concernés [6] (Tableau 2). Le nasopharynx est le siège le plus fréquent mais de diagnostic tardif (en général bien toléré jusqu’à un certain stade). L’hamartome de l’oropharynx est peu fréquent de découverte rapide avec souvent une masse « accouchée » dans la cavité buccale. L’hypopharynx est plus rarement le siège des hamartomes notamment en milieu pédiatrique plusieurs observations rapportées concernant l’adulte). La lésion peut prendre des dimensions importantes sans traduction sémiologique majeure et qui est extériorisée à l’occasion des régurgitations générant des situations souvent alarmantes pour les parents.

Nasopharynx
  • Teratomes du cavum
    • Kystes Dermoides.
    • Tératoides et tératomes vrais.
    • Epignathus.
  • Heterotopie neurogliale
    • Méningocèles et Méningoencéphalocèles.
  • Tumeurs rares
    • hamartome, choristome, histiocytose X, neuroblastome, adénome pléomorphe, hémangiome.

Oropharynx
  • Kyste dermoide.
  • Epulis congénitale.
  • Kystes mucoides (Ranula).
  • Hémangiome.
  • Lymphangiome.

Hypopharynx
  • Hémangiomes.
  • Hamartome.
  • Kystes rétentionnels.

Tableau 2. Varietes anatomocliniques des tumeurs pharyngees neonatales.

La symptomatologie est variable en fonction du siège, de la taille et de l’âge de l’enfant. Une découverte fortuite lors d’un examen clinique est habituelle. Ailleurs il s’agit de difficultés lors de la prise des biberons, de bruits respiratoires, d’une toux rebelle voire une hypersalivation. Une détresse respiratoire néo natale est possible en particulier si l’hamartome est de volume important ou à pédicule d’implantation long faisant clapet au niveau du vestibule laryngé.

L’examen clinique est la clé du diagnostic et est souvent difficile à cet âge. Une inspection minutieuse de la cavité buccale et de l’oropharynx montre le plus souvent la lésion ayant habituellement tous les caractères de bénignité. Une masse rétro-vélaire traduit une localisation nasopharyngée.les formes hypopharyngées sont difficilement accessibles à l’examen clinique et apparaissent parfois brusquement lors d’une régurgitation. L’examen de l’extrémité céphalique doit rechercher des malformations associées : microties, agénésies des conduits auditifs externes, division palatine [3] [7].

La fibroscopie pharyngée et laryngée est l’examen de choix pour un bilan lésionnel complet : siège, forme, mensurations, tolérance. L’imagerie est rarement indiquée notamment dans un contexte d’urgence. L’examen tomodensitométrique ou l’IRM pharyngo-laryngée peut être utile en cas de difficultés de l’examen clinique, d’une pathologie associée ou certaines formes géantes. L’imagerie montre le caractère régulier de la lésion, sans signe d’agressivité locale ou loco-régionale et sans caractère vasculaire majeur. L’interprétation est parfois difficile en particulier l’identification de la topographie exacte.

Le diagnostic différentiel est surtout histologique et peut se poser avec un tératome, un rhabdomyome ou un kyste dermoide.

L’évolution spontanée est lente avec une tolérance progressive avec la croissance de l’enfant. L’aggravation de la symptomatologie peut se voir à l’occasion des épisodes infectieux et inflammatoires des voies aériennes supérieures. Une expulsion spontanée est possible [8].

Le traitement est chirurgical. Une détresse respiratoire aigue après accouchement impose une intubation d’urgence et un examen endoscopique des voies aéro-digestives supérieures. L’exérèse de l’hamartome est faite au cours de ce temps libérant ainsi les voies aériennes. Plus tard, il faut privilégier une exérèse sous anesthésie générale avec résection du pédicule d’implantation à l’anse, au laser ou aux microciseaux [9]. Les suites sont habituellement favorables et les récidives rares.

CONCLUSION

L’hamartome pharyngé est une lésion rare mais pouvant générer une situation d’urgence par détresse respiratoire chez le nourrisson. L’examen clinique (fibroscopie, endoscopie) permet le diagnostic et le traitement reste chirurgical.

Références
  1. Gleeson M, Rosenfelder A. Airway obstruction from a polypoid oropharyngeal hamartoma. J Laryngol Otol. 1984;98:835-7 pubmed
  2. Ober W. Selected items from the history of pathology: Eugen Albrecht, MD (1872-1908): hamartoma and choristoma. Am J Pathol. 1978;91:606 pubmed
  3. He J, Wang Y, Zhu H, Qiu W, He Y. Nasopharyngeal teratoma associated with cleft palate in newborn: report of 2 cases. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod. 2010;109:211-6 pubmed publisher
  4. Yossuck P, Williams H, Polak M, Vaughan R. Oropharyngeal tumor in the newborn: a case report. Neonatology. 2007;91:69-72 pubmed
  5. Pellicano M, Zullo F, Catizone C, Guida F, Catizone F, Nappi C. Prenatal diagnosis of congenital granular cell epulis. Ultrasound Obstet Gynecol. 1998;11:144-6 pubmed
  6. Hulsmann A, de Bont N, den Hollander J, Borgstein J. Hamartomas of the oro- and nasopharyngeal cavity in infancy: two cases and a short review. Eur J Pediatr. 2009;168:999-1001 pubmed publisher
  7. Adam M, Abramowsky C, Brady A, Coleman K, Todd N. Rhabdomyomatous hamartomata of the pharyngeal region with bilateral microtia and aural atresia: a new association?. Birth Defects Res A Clin Mol Teratol. 2007;79:242-8 pubmed
  8. El-Mustafa O, Badie A. Spontaneous cure of an oropharyngeal hamartoma. Saudi Med J. 2003;24:104 pubmed
  9. Bahgat M, Bahgat Y, Bahgat A. Oropharyngeal teratoma, a rare cause of airway obstruction in neonates. BMJ Case Rep. 2012;2012: pubmed publisher
  10. Ladapo A. A case of benign congenital hamartoma of the nasopharynx. J Laryngol Otol. 1978;92:1141-5 pubmed
  11. Walsh R, Philip G, Salama N. Hairy polyp of the oropharynx: an unusual cause of intermittent neonatal airway obstruction. Int J Pediatr Otorhinolaryngol. 1996;34:129-34 pubmed
  12. D'Andrea L. Pathological case of the month. Benign pharyngeal hamartomatous polyp in a neonate with stridor. Arch Pediatr Adolesc Med. 1998;152:93-4 pubmed
  13. Belcadhi M, Bouzouita K, Sriha B, Mani R, Bouzouita H. [An unusual cause of neonatal respiratory distress: nasopharyngeal hamartoma. 2 case reports]. Rev Laryngol Otol Rhinol (Bord). 2001;122:171-3 pubmed
  14. Burns B, Axon P, Pahade A. 'Hairy polyp' of the pharynx in association with an ipsilateral branchial sinus: evidence that the 'hairy polyp' is a second branchial arch malformation. J Laryngol Otol. 2001;115:145-8 pubmed
  15. Andronikou S, Kumbla S, Fink A. Neonatal nasopharyngeal teratomas: cross sectional imaging features. Pediatr Radiol. 2003;33:241-6 pubmed
  16. Karagama Y, Williams R, Barclay G, Lancaster J, Kokai G. Hairy polyp of the oropharynx in a newborn: a case report. Rhinology. 2003;41:56-7 pubmed
  17. Park S, Jung H, Yang Y. Mesenchymal hamartoma in nasopharynx: a case report. Auris Nasus Larynx. 2008;35:437-9 pubmed
  18. Gambino M, Cozzi D, Aceti M, Manfredi P, Riccipetitoni G. Two unusual cases of pharyngeal hairy polyp causing intermittent neonatal airway obstruction. Int J Oral Maxillofac Surg. 2008;37:761-2 pubmed publisher
  19. Mirshemirani A, Khaleghnejad A, Mohajerzadeh L, Samsami M, Hasas-Yeganeh S. Congenital nasopharyngeal teratoma in a neonate. Iran J Pediatr. 2011;21:249-52 pubmed
  20. van Haesendonck J, Van de Heyning P, Claes J, Goovaerts G, Van Reempst P, De Schepper A, et al. A pharyngeal hairy polyp causing neonatal airway obstruction: a case study. Int J Pediatr Otorhinolaryngol. 1990;19:175-80 pubmed
ISSN : 2334-1009