Glomérulonéphrite membranoproliférative associée à une hépatite virale B occulte
Hassani Kawtar (kawtar1512_83 at hotmail dot com) #, Hamzi Mohamed Amine, Zajjari Yassir, Aatif Taoufiq, El Kabbaj Driss
Département de Néphrologie, Dialyse et Transplantation rénale, Rabat, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.4.2425
Date
2017-12-29
Citer comme
Research fr 2017;4:2425
Licence
Résumé

Introduction : La glomérulonéphrite membrano-proliferative est une manifestation extra-hépatique rare de l’infection par le virus de l’hépatite B. Nous rapportons le cas d’une infection occulte par le virus de l’hépatite B associée à une glomérulonéphrite membrano-proliférative ayant bien évolué sous traitement anti viral et corticoïdes. Observation : Il s’agissait d’un patient âgé de 45 ans, admis pour syndrome néphrotique profond, hématurie microscopique et insuffisance rénale. La charge virale de l’hépatite B était positive alors que les marqueurs sérologiques de l’hépatite B étaient négatifs. La biopsie rénale a mis en évidence un aspect de glomérulonéphrite membrano-proliférative de type I. Le patient a été mis sous Entecavir 0,5 mg tous les 5 jours. Un mois après, la charge virale de l’hépatite B était indétectable, mais devant la persistance du syndrome néphrotique et l’insuffisance rénale, un traitement à base de corticoïde a été introduit permettant l’obtention d’une rémission du syndrome néphrotique. Conclusion : L’infection occulte virale B peut être responsable d’atteintes extra-hépatiques notamment rénales, une attention particulière doit lui être réservée.

English Abstract

Introduction: Membranoproliferative glomerulonephritis is an uncommon manifestation of hepatitis B infection. We report a case of occult hepatitis B virus HBV infection associated with membranoproliferative glomerulonephritis with good response to antiviral therapy and corticosteroids. Case: A 45-year-old man was admitted for nephrotic syndrome, microscopic haematuria and renal failure. HBs antigen and anti HBs antibodies were negative whereas anti HBc antibodies were positive. HBV DNA was positive at 162 IU / ml. Pathological examination of renal biopsy revealed a type I membranoproliferative glomerulonephritis. The patient received Entecavir 0.5 mg per five days. One month later, laboratory tests revealed that the HBV DNA was negative but patient still had severe renal failure and nephrotic syndrome. The patient received then corticosteroids which allowed remission of nephrotic syndrome. Conclusion: Occult hepatitis B infection might be implicated in many glomerulonephritis. More attention should be given to this unusual cause.

Introduction

Les infections par le virus de l’hépatite B (VHB) sont pourvoyeuses d’atteintes extra hépatiques multiples. La principale présentation au niveau rénal est la glomérulonéphrite extra membraneuse. La glomérulonéphrite membrano proliférative (GNMP) a aussi été rapportée [1]. L’infection occulte par le VHB est définie par l’absence de détection des marqueurs sériques de surface du virus (Ag Hbs) avec la présence d’une charge virale du VHB positive [2]. Cette infection peut évoluer sur un mode silencieux durant plusieurs années avant que les symptômes d’une infection patente n’apparaissent [3].

Nous rapportons le cas d’une GNMP associée à une infection occulte par le VHB, ayant évolué favorablement sous thérapie anti virale et corticoïdes.

Glomérulonéphrite membranoproliférative associée à une hépatite virale B occulte Figure 1
Figure 1. Biopsie rénale en microscopie optique, coloration de Trichrome de Masson, montrant trois glomérules avec une prolifération mésangiale, endocapillaire et expansion de la matrice mésangiale
Observation

Il s’agissait d’un homme, de 45 ans, originaire du Cameroun, sans antécédent pathologique, admis dans un tableau d’œdèmes des membres inférieurs et hypertension artérielle. A son admission, la tension artérielle était à 180/100 mmhg aux deux bras, les œdèmes étaient mous, prenant le godet, sans signe inflammatoire, arrivant aux cuisses. L’examen clinique n’a pas retrouvé d’adénopathie ni lésion cutanée. Le bilan biologique était comme suit: albumine sérique à 11 g/l, protidémie à 49 g/l, protéinurie à 27g/jour, hématurie à 30000/ml, créatinine plasmatique à 849 µmol/l, urée à 24,5 mmol/l. Le bilan immunologique ayant inclut les anticorps anti DNA, anti nucléaires, anti cytoplasme des polynucléaires neutrophiles, était négatif. Les fractions C3/C4 du complément sérique n’étaient pas consommées. La cryoglobulinémie était négative, pas de composant monoclonal sérique et la goutte épaisse était négative. Les reins à l’échographie étaient de taille et différenciation cortico médullaire normales (12,5 cm à droite et 12 cm à gauche). Une biopsie rénale percutanée, gauche a été réalisée, elle a montré 12 glomérules à l’étude en microcopie optique. Tous étaient le siège d’une expansion de la matrice mésangiale avec une prolifération end capillaire diffuse, des dépôts sous endothéliaux avec aspect en double contours des membranes basales des capillaires glomérulaires. Une inflammation interstitielle et fibrose modérées (Figures 1, 2). L’étude des anticorps en immunofluorescence a objectivé des dépôts d’IgG, IgM et de C3 en sous endothélial. Le diagnostic de GNMP type I a été retenu.

Glomérulonéphrite membranoproliférative associée à une hépatite virale B occulte Figure 2
Figure 2. Biopsie rénale en microscopie optique, coloration de Trichrome de Masson, montrant la prolifération endocapillaire avec aspect en double contours

En complément du bilan étiologique de cette entité, la recherche des marqueurs de l’HVB a montré un antigène Hbs négatif, des anticorps anti Hbs négatifs, des anticorps anti Hbc positifs. L’ADN du VHB était positif à 162 UI/ml (2,21 Log UI/ml). Pas de co-infection par le VHC ni HIV n’a été retrouvée. Le bilan enzymatique hépatique était normal.

Glomérulonéphrite membranoproliférative associée à une hépatite virale B occulte Figure 3
Figure 3. Evolution de la protéinurie en g/j sous traitement

Le patient a été mis sous Furosémide 40 mg/jour, inhibiteurs calciques et Entecavir (Baraclude) 0,5 mg tous les cinq jours (adapté à sa fonction rénale). Après quatre semaines de traitement, la recherche de l’ADN VHB était négative mais le patient gardait un syndrome néphrotique (protéinurie à 25g/j) avec insuffisance rénale (créatinine à 844 µmol/l). Devant ce tableau sévère, une corticothérapie à base de prednisone à 1 mg/kg/j a été démarrée.

Glomérulonéphrite membranoproliférative associée à une hépatite virale B occulte Figure 4
Figure 4. Evolution de la créatinine en µmol/l sous traitement

Un mois du début du traitement, les œdèmes ont disparu, la protéinurie a baissé à 15 g/j et l’albuminémie était à 25 g/l. Après six mois du suivi, le patient était en rémission partielle de son syndrome néphrotique (Figures 3, 4).

Discussion

L’infection occulte par le VHB a été définie en 2008 par l’association européenne pour l’étude du foie (EASL) comme “la présence de l’ADN du VHB au niveau du foie (avec un ADN VHB détectable ou non au niveau du sérum) chez des individus n’ayant pas d’antigène de surface du VHB au niveau sérique ” [4].

Cette entité est considérée comme l’une des phases de l’histoire naturelle de l’hépatite B chronique [5]. Sa prévalence variable s’explique par l’hétérogénéité des populations étudiées et la variabilité des tests de dépistage sérologiques ainsi que la sensibilité des techniques de détection de l’ADN du VHB [4].

Les spécialistes s’accordent à dire que l’hépatite B occulte n’a pas de rôle pathogène propre en dehors de quatre situations: la réactivation virale dans le cas d’une forte immunosuppression, la transmission virale à l’occasion de don de sang ou d’organe (principalement de foie), un co-facteur d’aggravation des lésions de fibrose en cas d’hépatopathie associée et un important facteur de risque de développement du carcinome hépatocellulaire [5].

Les patients ayant une hépatite B occulte ont un antigène Hbs négatif et peuvent plusieurs profils sérologiques possibles. Le plus fréquent étant la présence d’un anticorps anti Hbc isolé, voire des anti-Hbc avec des anti Hbs et 35% des patients ont des anti Hbs isolés. L’antigène Hbe n’est détecté que rarement et environ 20% des patient n’ont aucun marqueur sérologique du VHB à part l’ADN du virus. Un titre élevé de l’ADN viral B est détecté chez les patients ayant un profil anti-HBc positif et anti-HBs négatif. Un titre modéré est retrouvé chez les patients ayant des anti-HBc associés aux anti-HBs et un titre très bas d’ADN viral B est retrouvé chez les patients séronégatifs. Du fait que l’ADN du VHB est faiblement détectable, le diagnostic de l’hépatite B occulte dépend fortement de la sensibilité et la spécificité de la technique [4, 6].

Plusieurs mécanismes pourraient induire le statut d’hépatite B occulte : la surveillance immune cellulaire de l’hôte, les co-infections virales (virus de l’hépatite C, la surinfection Delta), les facteurs génétiques et épigénétiques notamment des modifications post-transcriptionnelles qui pourraient participer à une réduction de la réplication virale rendant compte non seulement de la négativité de l’Antigène Hbs mais aussi du taux très faible d’ADN du VHB [5]. La réactivation d’une infection virale B occulte peut se rencontrer à l’occasion d’une immunosuppression : chimiothérapie, thérapies immunosuppressives, greffes de rein, de moelle, de foie, déficits immunitaires [5].

Même si la pathogénie reste discutée, la majorité des travaux s’accordent à dire que l’hépatite B occulte n’a pas de traduction pathologique évidente. Mais le virus de l’hépatite B peut causer des manifestations extra-hépatiques en particulier rénales, dont la prévalence est estimée à 10-20% [1]. Ces manifestations extra-hépatiques peuvent toutefois être au premier plan clinique et sont associées à une morbidité et une mortalité significative.

La première description d’hépatite B chronique associée à une atteinte rénale remonte à 1971, par la démonstration sur des biopsies rénales de complexes immuns Antigène Hbs/Anticorps anti Hbs. La forme la plus fréquente est la glomérulonéphrite extra membraneuse qu’on retrouve essentiellement chez l’enfant, on retrouve également la glomérulonéphrite membrano-proliférative et plus rarement la néphropathie à IgA [7].

Peu de cas ont été rapportés de GNMP dues à l’infection par le VHB [1].

La GNMP se déclare essentiellement par une protéinurie de débit variable allant jusqu’au syndrome néphrotique, hématurie, hypertension artérielle avec ou sans insuffisance rénale. Le complément sérique est souvent consommé et on détecte souvent des complexes immuns circulants. Au niveau histologique, la GNMP est souvent de type I, avec des dépôts sous endothéliaux prononcés et une prolifération mésangiale et endo capillaire. L’immunofluorescence retrouve les antigènes Hbs et/ou Hbc au niveau mésangial [8].

Le diagnostic de GN-VHB est retenu devant la positivé des marqueurs sériques viraux et surtout des antigènes viraux an niveau de la biopsie rénale ce qui suggère que cette complication est une sorte de réaction d’hypersensibilité à l’infection virale [9].

Le mécanisme exact à travers le quel certains patients ayant une infection chronique par le VHB développent une glomérulonéphrite n’est pas bien connu. Certains suggèrent un rôle délétère de l’Ag Hbs et le génome du VHB au niveau rénal [9].

Plusieurs traitements ont été testés dans les GN-VHB, incluant l’Interféron, Lamivudine et l’Entecavir avec ou sans adjonction de corticoïdes avec réduction de la protéinurie et amélioration de la fonction rénale [10].

Concernant notre cas, l’éradication du virus n’a pas permis à elle seule d’obtenir une réponse rénale. Pour cela et devant l’inflammation glomérulaire dominée par la prolifération endo capillaire importante, nous avons démarré un traitement par corticoïde dès négativation de la charge virale du VHB. Ceci a permis l’obtention d’une rémission partielle du syndrome néphrotique avec amélioration de l’insuffisance rénale au bout de six mois de suivi. Malheureusement le patient est retourné dans son pays avec interruption du suivi.

Conclusion

Il s’agit d’un cas rare d’association d’infection occulte par le VHB et une GNMP ayant bien répondu au traitement, malheureusement la recherche de l’ADN du VHB n’a pu être réalisée au niveau rénal mais l’évolution favorable appuie la relation de cause à effet entre les deux affections.

Références
  1. Bhimma R, Coovadia H. Hepatitis B virus-associated nephropathy. Am J Nephrol. 2004;24:198-211 pubmed
  2. Said Z. An overview of occult hepatitis B virus infection. World J Gastroenterol. 2011;17:1927-38 pubmed
  3. De Mitri M, Cassini R, Bernardi M. Hepatitis B virus-related hepatocarcinogenesis: molecular oncogenic potential of clear or occult infections. Eur J Cancer. 2010;46:2178-86 pubmed publisher
  4. Ocana S, Casas M, Buhigas I, Lledo J. Diagnostic strategy for occult hepatitis B virus infection. World J Gastroenterol. 2011;17:1553-7 pubmed publisher
  5. Pollicino T, Raimondo G. Occult hepatitis B infection. J Hepatol. 2014;61:688-9 pubmed publisher
  6. Torbenson M, Thomas D. Occult hepatitis B. Lancet Infect Dis. 2002;2:479-86 pubmed
  7. de la Fuente R, Gutiérrez M, Garcia-Samaniego J, Fernández-Rodriguez C, Lledo J, Castellano G. Pathogenesis of occult chronic hepatitis B virus infection. World J Gastroenterol. 2011;17:1543-8 pubmed
  8. Gupta A, Quigg R. Glomerular Diseases Associated With Hepatitis B and C. Adv Chronic Kidney Dis. 2015;22:343-51 pubmed publisher
  9. Kong D, Wu D, Wang T, Li T, Xu S, Chen F, et al. Detection of viral antigens in renal tissue of glomerulonephritis patients without serological evidence of hepatitis B virus and hepatitis C virus infection. Int J Infect Dis. 2013;17:e535-8 pubmed publisher
  10. Elewa U, Sandri A, Kim W, Fervenza F. Treatment of hepatitis B virus-associated nephropathy. Nephron Clin Pract. 2011;119:c41-9; discussion c49 pubmed publisher
ISSN : 2334-1009