Leucémie aigue mégacaryoblastique: à propos d’un cas et revue de littérature
A Yahyaoui, H Zahid, A El khazraji, F Labrini, R Hadef, N Messaoudi
Laboratoire d’Hématologie et d’immuno-hématologie de l’Hôpital militaire d’instruction Mohamed V Rabat Maroc
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.3.1512
Date
2016-04-21
Citer comme
Research fr 2016;3:1512
Licence
Résumé

La leucémie aigue mégacaryoblastique est une leucémie aiguë myéloïde très rare, à pronostic grave. Son diagnostic est basé sur la présence dans le sang ou dans la moelle de blastes à morphologie typique et exprimant des antigènes plaquettaires spécifiques. Cette observation décrit le cas clinique d’un homme âgé de 59 ans, qui présentait une faiblesse progressive, des douleurs osseuses et une pancytopénie. Il a été diagnostiqué comme un cas de LAM 7 de novo sur la base des explorations du sang périphérique, du myélogramme et de l’analyse immunophénotypique. Un traitement d’induction a été instauré, avec une mauvaise réponse initiale. Le patient est décédé dans un état de choc septique. Nous rappelons par le biais d’une revue de littérature les caractéristiques cliniques, histologiques et immunophénotypiques de la leucémie aiguë mégacaryoblastique.

English Abstract

Acute megakaryocytic leukemia AML 7 is a rare type of acute myeloid leukemia often presented with a serious prognosis. Its diagnosis is based on the presence in the blood or in bone marrow of blasts in typical morphology and expressing specific platelet antigens. This report describes a 59 years old male who presented with progressive weakness pancytopenia and bone pain. He was diagnosed as a case of de novo AML 7 on the basis of peripheral blood finding, bone marrow examination report and immunophenotyping. Induction therapy was instituted with bad initial response, and the patient died in septic shock. We review histological and immunophenotypic features of acute megakaryocytic leukemia.

Introduction

La leucémie aiguë mégacaryoblastique ou leucémie aiguë myéloïde 7 (LAM7) selon la classification FAB, est une leucémie aiguë avec au moins 20% de blastes parmi lesquels au moins la moitié appartient à la lignée mégacaryocytaire.

Cette leucémie a été décrite pour la première fois par Von Bros en 1931 [1]. Elle est de mauvais pronostic mais reste très rare représentant 2% des LAM de l’adulte et 7 à 10% des LAM de l’enfant [2, 3].

Le tableau clinique de la LAM7 comporte des signes d’insuffisance médullaire : pâleur, infection et hémorragie, une organomégalie (splénomégalie, adénopathies), et parfois des tumeurs médiastinales germinales.

Le diagnostic biologique est orienté par la présence d’une pancytopénie à l’hémogramme, et surtout la morphologie des blastes au myélogramme qui sont de petite à moyenne taille généralement inférieure à 20 µ, avec un rapport nucléo-cytoplasmique élevé, noyau à contours réguliers, chromatine fine nucléolée et cytoplasme basophile montrant des bourgeonnements. La confirmation du diagnostic de LAM7 se fait par la cytométrie en flux (CMF) qui confirme l’expression à la surface des blastes d’au moins un marqueur spécifique plaquettaire : CD41, CD42, ou CD61 [4, 5].

Observation clinique

Il s’agissait d’un patient âgé de 59 ans, habitant à Casablanca, retraité de l’armée, admis pour exploration d’une pancytopénie. Dans ses antécédents, il avait un tabagisme chronique à raison de 30 paquets/années, diabète de type 2 et un pneumothorax spontané droit drainé.

L’histoire de sa maladie remontait à 2 mois par l’installation progressive d’un syndrome anémique dans un contexte de fièvre non chiffrée et d’altération de l’état général sans point d’appel infectieux ni syndrome hémorragique.

L’examen physique a objectivé des douleurs osseuses diffuses au niveau des 2 membres inférieurs. Cependant, il n’y avait pas de syndrome tumoral palpable, ni d’hépato-splénomégalie, ni d’hypertrophie gingivale.

Leucémie aigue mégacaryoblastique: à propos d’un cas et revue de littérature Figure 1
Figure 1. Myélogramme coloré à MGG, observé au fort grossissement (x1000) montrant au centre 2 blastes avec des bourgeonnements cytoplasmiques

L’hémogramme a mis en évidence une bicytopénie avec notamment une neutropénie à 0.45 G/L et une anémie avec un taux d’hémoglobine à 6.5 g/dL macrocytaire et arégénérative (VGM : 102 fL et taux de réticulocyte à 50 G/L), par contre le taux des plaquettes était normal à 478 G/L. Le frottis sanguin n’a pas objectivé de blastes circulants. Le myélogramme a été envahi à 72% par des cellules blastiques de taille inégale, noyau irrégulier chromatine déliée et nucléolée, cytoplasme basophile contenant souvent des bourgeonnements périphériques et renfermant parfois des plaquettes ou des vacuoles en intra-cytoplasmiques (Figures 1, 2). La réaction à la myéloperoxydase (MPO) était négative.

Leucémie aigue mégacaryoblastique: à propos d’un cas et revue de littérature Figure 2
Figure 2. Myélogramme coloré à MGG, observé au fort grossissement (x1000) montrant au centre 2 blastes avec des bourgeonnements cytoplasmiques et des noyaux à chromatine fine contenant des nucléoles.

L’immunophénotypage sur sang médullaire réalisé au cytomètre en flux Beckman Coulter FC500 a montré que les blastes étudiés exprimaient le marqueur d’immaturité CD34 et les marqueurs de différenciation myéloïde CD117 et CD13, et plus faiblement CD33 et CD11c, les marqueurs plaquettaires spécifiques CD41 et CD61 étaient fortement exprimés respectivement à 50% et 56%. Par contre les autres marqueurs étudiés en particulier les marqueurs lymphoïdes B et T étaient négatifs.

Le caryotype médullaire était normal, 46 XY.

Le reste du bilan était sans particularité à l’exception d’un syndrome inflammatoire objectivé par une CRP à 83 g/L.

Le patient a reçu un traitement palliatif comprenant la transfusion de culots de globules rouges et l’antibiothérapie (ceftriaxone puis tazocylline), puis un protocole d’induction à base de cytarabine et daunorubicine a été instauré. L’évolution a été marquée par une mauvaise réponse à la chimiothérapie avec un taux des blastes au myélogramme à 41% après l’induction, le patient a refusé tout protocole d’intensification, est décédé un mois plus tard suite à des complications infectieuses.

Discussion

La LAM7 est une affection très rare mais qui a un pronostic particulièrement grave marqué par la survenue des crises blastiques, toutefois la rémission et la survie à long terme sont fréquentes chez les enfants atteints de LAM7, spécialement chez les enfants atteints du syndrome de Down [6, 7].

Le cas rapporté dans cette étude est un homme de 59 ans, présentant un tableau clinique et biologique similaire à ce qui est décrit dans la littérature avec notamment fièvre, douleur osseuse et pancytopénie par contre il n’avait pas d’organomégalie ni de myélofibrose [4, 5, 8].

La morphologie typique des blastes au myélogramme avec surtout la présence des bourgeonnements cytoplasmiques a permis d’orienter le diagnostic chez ce patient, mais c’est l’expression des antigènes plaquettaires CD41 et CD61 à la surface des blastes qui a permis d’établir le diagnostic de certitude.

La cytochimie et surtout la réaction à la myéloperoxydase n’est pas très utile dans la LAM7 car elle est généralement négative.

La myélofibrose est un signe très important vue sa fréquence de près de 62% dans les LAM7 [9, 10] cependant parfois elle peut manquer, comme chez notre patient.

La LAM7 peut se présenter comme une leucémie de novo, secondaire à une chimiothérapie ou après la transformation d’un syndrome myélodysplasique ou d’un syndrome myéloprolifératif. Les anomalies cytogénétiques sont plus fréquentes (>90%) dans la LAM7 que dans les autres LAM [5], cependant notre patient avait un caryotype normal et était un cas de novo.

Conclusion

La LAM7 est une leucémie rare, donc il est important de connaitre ses caractéristiques, notamment la morphologie des blastes et leur mode de regroupement ainsi que la présence de la myélofibrose pour bien orienter le diagnostic, qui repose actuellement sur la présence des marqueurs myéloïdes en plus d’au moins un marqueur plaquettaire spécifique CD41, CD42, ou CD61 à la surface des blastes.

Références
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  2. Pagano L, Pulsoni A, Vignetti M, Mele L, Fianchi L, Petti M, et al. Acute megakaryoblastic leukemia: experience of GIMEMA trials. Leukemia. 2002;16:1622-6 pubmed
  3. Tallman M, Neuberg D, Bennett J, Francois C, Paietta E, Wiernik P, et al. Acute megakaryocytic leukemia: the Eastern Cooperative Oncology Group experience. Blood. 2000;96:2405-11 pubmed
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  7. Hayashi Y, Eguchi M, Sugita K, Nakazawa S, Sato T, Kojima S, et al. Cytogenetic findings and clinical features in acute leukemia and transient myeloproliferative disorder in Down's syndrome. Blood. 1988;72:15-23 pubmed
  8. Moody A, Simpson E, Shaw D. Florid radiological appearance of megakaryoblastic leukaemia--an aid to earlier diagnosis. Pediatr Radiol. 1989;19:486-8 pubmed
  9. Lange B, Kobrinsky N, Barnard D, Arthur D, Buckley J, Howells W, et al. Distinctive demography, biology, and outcome of acute myeloid leukemia and myelodysplastic syndrome in children with Down syndrome: Children's Cancer Group Studies 2861 and 2891. Blood. 1998;91:608-15 pubmed
  10. Oki Y, Kantarjian H, Zhou X, Cortes J, Faderl S, Verstovsek S, et al. Adult acute megakaryocytic leukemia: an analysis of 37 patients treated at M.D. Anderson Cancer Center. Blood. 2006;107:880-4 pubmed
ISSN : 2334-1009