Transformation maligne de l’ostéomyélite chronique : à propos d’un cas
Z Essaadi1 (Essaadi dot z at gmail dot fr) #, H Abourrazek2, A Elomrani1, M Khouchani1
1 Service d’onco- radiothérapie – CHU Med VI - Marrakech - Maroc. 2 Services des urgences IBN Tofail - CHU Med VI - Marrakech - Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.2.1301
Date
2015-01-17
Citer comme
Research fr 2015;2:1301
Licence
Résumé

La dégénérescence maligne est reconnue comme une complication tardive rare d’ostéomyélite chronique. Le carcinome épidermoide est le plus fréquent. Nous rapportons l’observation d’un patient âgé de 52 ans, ayant eu une ostéomyélite chronique de l’extrémité supérieure de l’humérus évoluant depuis 8 ans. Une impotence fonctionnelle et un aspect bourgeonnant sont apparus récemment. Une radiographie a objectivé une ostéolyse de l’humérus avec déformation des parties molles. L'examen histologique était en faveur d’un carcinome épidermoïde bien différencié et invasif. Le traitement a consisté en une amputation avec une radiothérapie adjuvante. L’évolution était sans récidive locale ni à distance avec recul d’un an.

English Abstract

Malignant degeneration is recognized as a rare late complication of chronic osteomyelitis. The squamous cell carcinoma is the most common pathological type. We report the case of a 52 year-old male patient with chronic osteomyelitis of the upper end of the humerus evolving for 8 years. Functional impairment with a sprouting aspect appeared recently. Radiography showed osteolysis of the humerus with deformation of the soft parts. Histological examination was in favor of a well-differentiated invasive squamous cell carcinoma. The treatment was amputation with adjuvant radiotherapy. There was no recurrence after a follow-up of one year.

Introduction

La dégénérescence est une complication tardive et rare de l’ostéomyélite chronique expliquée par le long passé d’inflammation chronique et d’exposition chronique à des facteurs de croissance. Elle doit être suspectée devant toute hypertrophie ou bourgeonnement dure hémorragique. Pour les types histologiques les plus fréquents : épithélioma epidermoide, rhabdomyosarcome, réticulosarcome [1] [2].

Transformation maligne de l’ostéomyélite chronique : à propos d’un cas Figure 1
Figure 1. Aspect radiographique objectivant une ostéolyse massive de l’humérus avec une déformation des parties molles.
Observation

Il s’agissait d’un patient âgé de 52 ans, ayant comme antécédent un traumatisme ouvert de l’extrémité supérieure de l’humérus droit survenu il y a dix ans. Deux ans ans plus tard, une tuméfaction douloureuse dans le même endroit a été apparue, évoluant dans un contexte d’altération de l’état général et l’apparition d’une fistule avec issue de pus. Le patient a rapporté la récurrence de ces épisodes de fistulisation traitées chaque fois par des antibiotiques. Une impotence fonctionnelle totale du membre supérieure droit a été installée, Ce qui a amené le patient à consulter auprès d’un traumatologue. Une radiographie a objectivé une ostéolyse de l’os huméral avec des séquestres et déformation des parties molles (figure 1). Une biopsie de la masse osseuse a été réalisée. L’examen anatomopathologique a mis en évidence un carcinome épidermoide bien différencié et infiltrant.

Le traitement envisagé était une amputation (avec articulation scapulo-humérale en place).

A l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire, il s’agissait d’un carcinome épidermoide moyennement différencié et infiltrant d’une taille de 16 cm, qui envahissait l’épiderme en surface et les parties molles en profondeur. La ligne gléno-humérale était tumorale, avec 5 ganglions négatifs sur un total de 5 au curage axillaire. Une radiothérapie complémentaire a été préconisée.

L’évolution était sans récidive locale ni à distance avec recul d’un an.

Discussion

Les incidences de la transformation maligne de l’ostéomyélite chronique rapportées dans la littérature ne dépassent pas 1,7% [1] [2] [3]. Dont l’étiologie directe reste inconnue jusqu’à présent mais il semble que l’inflammation et l’irritation chronique contribuent a cette transformation [4]. Une prédominance masculine est objectivée. L’âge de diagnostic se fait généralement entre 50 et 60 ans [4]. Les lésions intéressent essentiellement les extrémités inférieures avec une prédominance au niveau du tibia (61%), suivi du fémur (19%). Les membres supérieurs ne sont touchés que dans 7% [4]. L’ostéomyélite peut être secondaire à une cause traumatique et/ou hématogène [4] [5]. La prédominance masculine peut être expliquée par le taux élevé des traumatismes chez les hommes [5]. Le carcinome épidermoide est le type histologique le plus fréquent [6]. D’autres types histologiques (fibrosarcome, myélome, lymphome, plasmocytome, angiosarcome …) ont été reportés [6].

Cliniquement, la symptomatologie est celle d’une ostéomyélite chronique, faite par des douleurs, l’odeur nauséabonde, les sinus de drainage chronique, et l’induration de la masse. Le diagnostic est posé souvent tardivement vue l’évolution chronique de l’ostéomyélite.

Sur la radiographie on note souvent des processus ostéolytiques avec des limites irréguliers. Le diagnostic final repose sur la biopsie et l’étude anatomopathologique.

Un bilan locorégional et à distance est obligatoire afin d évaluer l’extension tumorale, l’ atteinte ganglionnaire et l’évaluation des métastases viscérales [4].L’atteinte ganglionnaire est fréquemment associée aux métastases viscérales [6].

Le traitement dépend de siège, de stade de la pathologie néoplasique. Il repose essentiellement sur l’exérèse du processus tumoral voire une amputation [5]. Une atteinte ganglionnaire et/ou l’une des limites est tumorale, imposent une radiothérapie complémentaire. Une chimiothérapie palliative est indiquée pour les formes métastatiques [7].

Le pronostic dépend de type histologique, de siège et de stade de la tumeur [7].

Conclusion

La dégénérescence épithéliomateuse d’une ostéomyélite chronique est une complication rare et tardive. La symptomatologie est non spécifique et le diagnostic est souvent tardive d’où l’intérêt de bien traiter l’ostéomyélite, et d’assurer une surveillance régulière.

Références
  1. McGrory J, Pritchard D, Unni K, Ilstrup D, Rowland C. Malignant lesions arising in chronic osteomyelitis. Clin Orthop Relat Res. 1999;:181-9 pubmed
  2. Gebhart M, Fabeck L, Muller C. [Malignant transformation of chronic osteomyelitis and its scar tissue: apropos of 3 cases]. Acta Orthop Belg. 1993;59:327-32 pubmed
  3. Fitzgerald R, Brewer N, Dahlin D. Squamous-cell carcinoma complicating chronic osteomyelitis. J Bone Joint Surg Am. 1976;58:1146-8 pubmed
  4. Laffosse J, Bensafi H, Accadbled F, Fabie F, Tricoire J, Puget J. [Squamous-cell carcinoma and osteomyelitis: three cases and a review of the literature]. Rev Chir Orthop Reparatrice Appar Mot. 2007;93:72-7 pubmed
  5. Noonan K, Goetz D, Marsh J, Peterson K. Rapidly destructive squamous cell carcinoma as a complication of chronic osteomyelitis. Orthopedics. 1993;16:1140-4 pubmed
  6. Saglik Y, Arikan M, Altay M, Yildiz Y. Squamous cell carcinoma arising in chronic osteomyelitis. Int Orthop. 2001;25:389-91 pubmed
  7. Tobin C, Sanger JR. Marjolin’s Ulcers: A Case Series and Literature Review. Wounds. 2014;26(9):248-254.
ISSN : 2334-1009