Néphropathie à IgA linéaire associée à une thyroïdite d’Hashimoto
Salem Bouomrani (salembouomrani at yahoo dot fr) #, Hassène Baïli, Maher Béji
Service de Médecine Interne. Hôpital Militaire de Gabès, 6000 Tunisie
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.2.1401
Date
2015-04-26
Citer comme
Research fr 2015;2:1401
Licence
Résumé

Introduction : L’association entre néphropathie à IgA linéaire et thyroïdite auto-immune reste exceptionnelle et ses mécanismes sont trop controversés. Observation : Une patiente âgée de 38 ans sans antécédents pathologiques notables fût hospitalisée pour œdème généralisé de type rénal et évoluant depuis une semaine. L’examen clinique était sans particularités, en dehors d’un œdème blanc, mou, indolore, déclive et gardant le godet. La biologie simple concluait à un syndrome néphrotique pur. L’échographie rénale était normale. Une ponction-biopsie rénale faite montrait des dépôts mésangiaux d’IgA compatible avec le diagnostic de néphropathie à IgA linéaire. L’enquête familiale était négative, de même que la recherche d’une autre atteinte systémique ou de connectivite sous jacente. Le bilan thyroïdien montrait une TSH à 15 µUI/ml. L’échographie cervicale objectivait un aspect de thyroïdite et la recherche des anticorps anti thyroglobuline et anti thyroperoxydase revenait fortement positive confirmant le diagnostic de thyroïdite d’Hashimoto. Une corticothérapie systémique ainsi qu’une hormonothérapie substitutive étaient instaurées avec une évolution favorable. Conclusion : L’association d’une thyroïdite auto immune authentique à une glomérulonéphrite primitive, en particulier une néphropathie à IgA linéaire est exceptionnelle. Elle mérite toutefois, d’être connue par le clinicien et un bilan thyroïdien se trouve justifié devant toute néphropathie primitive à IgA linéaire.

English Abstract

Introduction: The association between linear IgA nephropathy and autoimmune thyroiditis is exceptional and its mechanisms are controversial. Observation: A 38 year-old patient with no medical history was hospitalized for generalized renal type edema lasting for one week. Physical examination was unremarkable, apart from a white swelling, soft, painless, and sloping. The simple biology concluded to a pure nephrotic syndrome. Renal ultrasound was normal. Renal biopsy showed mesangial deposits of IgA compatible with the diagnosis of linear IgA nephropathy. The family investigation was negative, as well as searching or another systemic disease or any underlying connectivity. The TSH thyroid function test was 15 μUI / ml. Cervical ultrasound objectified one aspect of thyroiditis and the search for anti thyroglobulin and thyroid peroxidase antibodies came back positive, confirming the diagnosis of Hashimoto's thyroiditis. Systemic corticosteroids and hormone replacement therapy were established with a favorable outcome. Conclusion: The combination of genuine autoimmune thyroiditis and primitive glomerulonephritis, especially linear IgA nephropathy is exceptional. However, it deserves to be known by clinicians and thyroid function tests are justified before any primitive linear IgA nephropathy.

Introduction

L’élévation de la TSH est classique dans les protéinuries importantes, en particulier néphrotique. Elle est due à la fuite urinaire massive et prolongée des hormones thyroïdiennes. [1-5].

C’est ainsi qu’une hypothyroïdie, le plus souvent infra clinique, peut se voir au cours des syndromes néphrotiques particulièrement ceux de l’enfant [1, 2]. De même certains cas de syndromes néphrotiques ont été rapportés comme complications de l’hypothyroïdie sévère sans aucune lésion glomérulaire primitive sous jacente et avec une normalisation complète après hormonothérapie substitutive [6].

En revanche, l’association d’une néphropathie primitive à une thyropathie auto-immune reste rare. Nous en rapportons une.

Observation

Une patiente âgée de 38 ans, sans antécédents pathologiques notables, fût hospitalisé pour œdème généralisé de type rénal et évoluant depuis une semaine. L’examen clinique était sans particularités, en dehors d’un œdème blanc, mou, indolore, à prédominance déclive et gardant le godet. La patiente était apyrétique et sa tension artérielle était à 130 mmHg pour la systolique et 85 mmHg pour la diastolique. L’auscultation cardio-pulmonaire ainsi que l’électrocardiogramme et la radiographie standard de thorax étaient sans anomalies. Les examens biologiques concluaient à un syndrome néphrotique pur (protides à 50 g/l, albumine à 20 g/l et protéinurie de 24 heures à 3,8g, créatinine sanguine à 80µmol/l et pas d’hématurie ni leucocyturie au compte d’Addis-Hamburge). Par ailleurs, la numération formule sanguine, le bilan hépatique, la calcémie, l’ionogramme sanguin étaient normaux et le cholestérol total était élevé à 7.20 mmol/l. L’échographie rénale montrait deux reins de taille normale et bien différenciés. La ponction-biopsie rénale objectivait des dépôts mésangiaux d’IgA compatible avec le diagnostic de néphropathie à IgA linéaire. L’enquête familiale était négative, de même que la recherche d’une autre atteinte systémique ou de connectivite sous jacente. Le bilan thyroïdien montrait une thyréostimuline (Thydroïd Stimulating Hormone, TSH) à 15 µUI/ml et une thyroxine libre (Free tetra-iodothyronine, FT4) à 6 pmol/l. L’échographie cervicale objectivait un aspect de thyroïdite (glande globalement augmentée de taille et d’aspect finement hétérogène; la vascularisation thyroïdienne était normale au doppler) et la recherche des anticorps anti thyroglobuline (anti-Tg) et anti thyro-peroxydase (anti-TPO) par la technique ELFA (Enzyme-Linked Fluorescent Assay) revenait fortement positive (anti-Tg à 180 UI/ml et anti-TPO à 420 UI/ml) confirmant le diagnostic de thyroïdite d’Hashimoto. Une hormonothérapie substitutive était instaurée de façon progressive amenant à la normaliser la TSH au bout de deux mois avec la dose de 125µg/j de thyroxine. Vue l’importance de la protéinurie une corticothérapie systémique per os à la dose de 1mg/kg/j était associée pendant le premier mois suivie d’une décroissance progressive. L’évolution était favorable avec régression progressive de la protéinurie jusqu’à la disparition complète au bout de trois mois. A quatre ans de recul maintenant, la patiente est toujours asymptomatique avec un bilan rénal sanguin et urinaire sans anomalies.

Discussion

L’association d’une néphropathie primitive à une thyroïdite auto immune est rarement rapportée dans la littérature et plusieurs types de lésions rénales ont été observés : néphrite interstitielle sévère avec glomérulonéphrite proliférante et diffuse [7], glomérulonéphrite membrano-proliférative [8-11], lésion glomérulaire minime [12], glomérulonéphrite idiopathique lobulaire avec des dépôts immuns (IgM, IgA, IgG et C3, C4) massifs mésangiaux et sous endothéliaux [13].

La néphropathie à IgA linéaire n’est qu’exception retrouvée en association à la pathologie thyroïdienne [7, 14-16] en particulier celle auto-immune [7, 14].

Dans ces situations, l’hypothyroïdie peut rester infra-clinique et ne serait découverte que sur des tests biologiques demandés systématiquement [13, 14, 17]. Cependant, une hypercholestérolémie importante persistante après la rémission du syndrome néphrotique, ou bien la survenue d’une rhabdomyolyse massive à l’instauration d’un traitement par statine et qui persiste à l’arrêt de cette dernière doit faire évoquer une hypothyroïdie associée et faire doser la TSH [14]. L’association néphropathie primitive-dysthyroïdie peut rester isolée ou bien le plus souvent s’intégrer dans un cadre large d’associations syndromiques ou pathologiques : trisomie 21 [18], hypertension portale idiopathique [13], foie de Banti [7], insuffisance surrénalienne lente [15], vitiligo [15], sclérodermie systémique [19], diabète de type 1 [20] et sarcoïdose [21].

En effet, dans la série de 17 cas de patients porteurs de trisomie 21 de Said SM- et al ; chez qui une biopsie rénale a été réalisé pour insuffisance rénale ou anomalie du sédiment urinaire, la néphropathie à IgA linéaire était la plus fréquente parmi les lésions glomérulaires (5/17 soit 29%) ; 8 parmi ces 17 patients avaient déjà une hypothyroïdie associée [18].

Le mécanisme exact de cette association n’est pas encore bien élucidé [7]. Une nature immunologique auto-immune commune a été évoquée pour expliquer l’association de la néphropathie à IgA linéaire et la thyroïdite d’Hashimoto [2, 7]. Cette hypothèse se trouve réconfortée par les associations rapportées à d’autres pathologies auto-immunes telles que le vitiligo [7], l’insuffisance surrénalienne périphérique auto-immune [15] et le foie de Banti [7]. Ainsi que par la fréquence particulièrement élevée de CIC chez les sujets porteurs de néphropathie à IgA et ayant une thyréopathie associée : 26% virus seulement, 8% dans la population témoin [22]. En effet, des dépôts concomitants de CIC au niveau de l’épithélium folliculaire thyroïdien et des membranes basales glomérulaires occasionnant une thyroïdite d’Hashimoto associée à une glomérulonéphrite membraneuse ont été signalés [19].

D’autres auteurs ont suggéré que les dépôts de CIC et de thyroglobuline dans l’interstitium rénal et les glomérules rénaux pourraient être responsable de lésions histologiques rénales mais cette hypothèse n’a pas été toujours vérifiée [7].

Conclusion

L’association d’une thyroïdite d’Hashimoto à une néphropathie à IgA linéaire est exceptionnelle et non classique. Elle est cependant intéressante à connaitre et à chercher systématiquement car cache souvent d’autres pathologies souvent graves et nécessitant une prise en charge adaptée et précoce.

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ISSN : 2334-1009