Tumeur testiculaire à cellules de Leydig : A propos d’un cas et revue de la littérature
L El Achhab, L Amaadour, Z Benbrahim, S Arifi, FZ El M’rabet, N Mellas
Service d’oncologie médicale , CHU Hassan II. Fès
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.4.2269
Date
2017-05-15
Citer comme
Research fr 2017;4:2269
Licence
Résumé

Introduction : Les tumeurs testiculaires à cellules de Leydig sont rares. Elles font partie des tumeurs des cordons sexuels et du stroma. Nous rapportons le cas le cas clinique d’une tumeur testiculaire à cellules de Leydig et discutons des aspects cliniques et thérapeutiques par le biais d’une revue de littérature. Observation : Il s’agissait d’un patient âgé de 51 ans, sans antécédent pathologique, qui avait présenté une masse testiculaire droite. L’échographie testiculaire a confirmé la présence d’une volumineuse masse tissulaire. Les marqueurs tumoraux (HCG, AFP, LDH) étaient normaux. Une orchidectomie droite par voie inguinale a été réalisée. L’examen anatomopathologique a révélé une tumeur maligne à cellules de Leydig. Le bilan d’extension initial a mis en évidence deux petits nodules pulmonaires de nature incertaine. Après 28 mois, le patient a présenté une rechute ganglionnaire et métastatique (pulmonaire). Une chimiothérapie de type Bléomycine-étoposide-cisplatine a été administrée en première ligne. Après progression, il a reçu un traitement antiangiogénique par sunitinib, puis une chimiothérapie conventionnelle de rattrapage. L’évolution a été marquée par une stabilité, 30 mois après la rechute métastatique. Conclusion : Les tumeurs à cellules de Leydig sont rarement décrites dans la littérature. Leur réponse à la chimiothérapie reste assez modeste.

English Abstract

Introduction: Leydig cell tumors of the testis are rare. They are part of the tumors of the sexual cords and of the stroma. We report a case of a Leydig cell tumor of the testis and review clinical and therapeutic features of this disease. Case: a 51-year-old male patient with no medical history, presented a right testicular mass. The testicular ultrasound confirmed the presence of a voluminous tissue mass. Tumor markers (HCG, AFP, LDH) were normal. A right inguinal orchidectomy was performed. Pathological examination revealed a Leydig cell malignant tumor. CT of the chest, abdomen and pelvis revealed two small pulmonary nodules of uncertain nature. 28 months later, the patient had a lymph node and metastatic (pulmonary) relapse. Bleomycin-etoposide-cisplatin type chemotherapy was administered in the first line. After progression, he was given anti-angiogenic treatment (sunitinib) followed by conventional « rechallenge » chemotherapy. Evolution was marked by stability 30 months after metastatic relapse. Conclusion: Leydig cell tumors of the testis have been poorly described in the literature. Their response to chemotherapy remains very modest.

Introduction

Les gonades masculines assurent deux fonctions distinctes : une fonction exocrine qui consiste à la formation du sperme assurée par les tubes séminifères, et une fonction endocrine, qui consiste à la synthèse des hormones androgéniques assurée par le tissu interstitiel. L’interstitium est un tissu conjonctif lâche très vascularisé dans lequel on individualise des cellules endocrines appelées cellules de Leydig ou glande interstitielle du testicule. Les hormones stéroïdes synthétisées par ces cellules, principalement la testostérone, assurent la maintenance et l’intégrité de la lignée germinale. L’activité de ces cellules dépend de l’hormone lutéinisante antéhypophysaire [1].

Les tumeurs à cellules de Leydig sont rares, et représentent 1 à 3% de l’ensemble des cancers testiculaires. Les formes malignes représentent 10 à 15%. Elles touchent essentiellement l’adulte âgé entre 20 et 50 ans et sont souvent découvertes au cours du bilan d’une infertilité (oligo-térato-spermie ou azoospermie), gynécomastie, impuissance sexuelle ou baisse de la libido. Elles peuvent être asymptomatiques et de découverte fortuite au cours d’un examen clinique ou radiologique de routine. Contrairement aux tumeurs germinales, il n’existe pas de lien statistique entre la cryptorchidie et les tumeurs à cellules de Leydig, et les facteurs étiologiques demeurent toujours inconnus [2, 3]. En plus de la rareté de la pathologie, l’absence de données de littérature suffisantes sur le traitement de ces tumeurs, et notre recours à un avis d’expert font l’originalité de notre observation.

Observation

Il s’agissait d’un patient âgé de 51 ans, sans antécédent pathologique particulier, qui avait présenté une masse testiculaire droite, isolée, de consistance dure, fixe par rapport au plan profond, mobile par rapport au plan superficiel, mesurant 5 cm de grand diamètre. Le patient avait un état général conservé. Il n’avait pas de problème de fertilité, ni gynécomastie. Les aires ganglionnaires étaient libres.

L’examen échographique a objectivé une masse tissulaire prenant la quasi-totalité du testicule droit, d’échostructure hypoéchogène et hypervascularisée à l’étude doppler. Aucune lésion n’a été individualisée au niveau du testicule gauche. Les taux biologiques de testostérone, d’HCG, de LDH et d’AFP étaient normaux, dosés respectivement à 5,6 ng/ml, 0,81 mUI/ml, 200 UI/l et 2,15 ng/ml. Le taux des gonadotrophines LH et FSH était abaissé.

Une orchidectomie droite a été réalisée par voie inguinale. L’étude histologique de la pièce opératoire à objectivé la présence d’une tumeur à cellules de Leydig maligne, mesurant 6 cm de grand axe, sans envahissement de l’épididyme, du rete testis, de l’albuginée ni du cordon spermatique. La tumeur était classée initialement pT2NxMx. Les atypies cytonucléaires marquées, la nécrose étendue et la présence de multiples emboles vasculaires étaient les principaux critères de malignité.

Le testicule controlatéral avait un aspect normal à l’échographie testiculaire. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien a mis en évidence la présence de deux petits nodules pulmonaires, très denses, de nature incertaine, l’un était pleural axillaire gauche de taille infra-centimétrique, et l’autre lobaire inférieur droit mesurant 1 cm de grand axe (Figure 1).

Tumeur testiculaire à cellules de Leydig : A propos d’un cas et revue de la littérature Figure 1
Figure 1. Coupe scannographique axiale de l’étage thoracique montrant les lésions pulmonaires initiales.

Aucun traitement adjuvant n’a été indiqué. Après une durée de suivi de 28 mois, le patient a présenté une rechute ganglionnaire inguinale droite et pulmonaire sous forme de multiples nodules et micronodules dont la taille variait entre quelques millimètres et 3 cm, de nature secondaires (Figure 2). Une chimiothérapie de type BEP a été préconisée associant la bléomycine, l’étoposide et le cisplatine. Trois cures ont été reçues sans respect des intervalles intercures vu la mauvaise tolérance clinique et biologique du traitement malgré les facteurs de croissance. L’évaluation radiologique a objectivé une maladie métastatique stable. Une pause thérapeutique de 2 mois a été décidée vu le caractère diffus des lésions pulmonaires et la mauvaise tolérance de la chimiothérapie. Les métastases pulmonaires ont continué à progresser avec augmentation en taille et en nombre de ces dernières.

Tumeur testiculaire à cellules de Leydig : A propos d’un cas et revue de la littérature Figure 2
Figure 2. Coupe scannographique axiale montrant la rechute pulmonaire métastatique bilatérale.

Un traitement de deuxième ligne par sunitinib a été initié (50mg/j 4 semaines On/2 semaines Off) après un avis d’expert par analogie au traitement du cancer du rein et du corticosurrénalome. Ce traitement a été mal toléré par le patient car il avait présenté un syndrome mains-pieds et une thrombopénie grade 3 persistants malgré la réduction des doses à 37,5mg/jour en continu puis à 37,5mg/jour 4 semaines/6. On a opté pour une nouvelle ligne thérapeutique, vu la progression de la maladie métastatique pulmonaire en plus de la toxicité du sunitinib. Un schéma hebdomadaire de doxorubicine (20 mg/m2, J1, J8, J15) a été initié depuis 6 mois. Le patient tolère bien cette chimiothérapie et la maladie métastatique demeure stable.

Discussion

Les tumeurs à cellules de Leydig représentent la forme la plus fréquente des tumeurs du stroma testiculaire. Aucun facteur étiologique n’a été retrouvé, en particulier il n’existe pas de lien statistique avec la cryptorchidie, contrairement aux tumeurs germinales [4]. La gynécomastie et l’infertilité représentent les modes de révélation les plus fréquents, elles peuvent se manifester également par une impuissance sexuelle ou une baisse de la libido. Les formes asymptomatiques peuvent être découvertes fortuitement à l’occasion d’un examen de routine clinique ou échographique [5-7].

Le diagnostic histologique reste difficile étant donné que les anomalies cytonucléaires sont inconstantes même dans les formes malignes, et les formes bénignes ont le même profil immunohistochimique. La présence d’emboles vasculaires, la nécrose tumorale, les atypies nucléaires semblent être les signes de malignité les plus performants. On suggère qu’en l’absence de ces facteurs, les formes bénignes ont un pronostic meilleur [5, 8].

La chirurgie reste la seule modalité curative dans le traitement des tumeurs localisées, qui sont d’ailleurs les plus fréquentes, les formes métastatiques représentent seulement 10%. L’orchidectomie partielle est à préconiser à chaque fois que la taille tumorale le permet. La bénignité habituelle de ces tumeurs, la rareté des récidives et le besoin de conserver un maximum de fertilité justifient cette attitude [9-12]. La chirurgie des adénopathies et des métastases pulmonaires doit rester toujours envisageable devant une maladie pauci métastatique. Nous rapportons dans le tableau les principaux cas rapportés dans la littérature (Tableau 1).

Référence Nombre de cas Diagnostic Traitement Pronostic
Heer R et al. [15] 29Tumeurs à cellules de Leydig4 patients : énucléation 25 patients: orchidectomie radicaleBon: pas de récidive locale ou à distance sur une médiane de suivi de 49 mois.
Bhat GM et al. [16] 1Tumeur à cellules de LeydigChirurgie+ChimiothérapieMauvais
Di Tonno F et al. [17] 52Tumeurs à cellules de LeydigChirurgie : -2 patients : énucléation -5 patients : lymphadénectomierétropéritonéaleBon, 15-249 mois de suivi
Diekmann KP et al. [18] 1Tumeur maligne inclassée du stromaChimiothérapie6 mois de suivi
Bokemeyer C et al. [19] 4Tumeurs à cellules de Leydig-1 patient : orchidectomie+ lymphadénectomie -3 patients: chimiothérapie- Bon : 10 mois de suivi - Mauvais
Tableau 1. Tableau récapitulatif des principales séries rapportées dans la littérature [15-19].

L’efficacité de la chimiothérapie systémique est modeste dans cette pathologie et les données de la littérature en matière de cette entité sont assez pauvres. Plusieurs drogues ont été rapportées comme étant actives comme la combinaison 5FU – gemcitabine, l’Adriamycine en schéma hebdomadaire ou infusionnel et la chimiothérapie à base de platines (protocole BEP ou Cisplatine-Etoposide-Ifosfamide). Cependant, certains experts suggèrent qu’on peut traiter cette pathologie en analogie avec le cancer du rein et le corticosurrénalome vue que ces derniers partagent avec les tumeurs cellules de Leydig la même origine embryologique. D’autres auteurs suggèrent qu’elles font partie des tumeurs du système neuroendocrinien. Notre patient présente une tumeur à cellules de Leydig métastatique avec tous les critères histologiques et évolutifs de malignité, la thérapie antiangiogénique par Sunitinib pouvait être efficace mais elle était malheureusement très mal tolérée [13, 14].

Conclusion

Les tumeurs à cellules de Leydig sont rares. Aucun traitement standard n’a pu être identifié, seulement une chirurgie curative, lorsqu’elle est faisable, permettrait d’obtenir la guérison.

Références
  1. Turner W, Derrick F, Wohltmann H. Leydig cell tumor in identical twin. Urology. 1976;7:194-7 pubmed
  2. Boulanger P, Somma M, Chevalier S, Bleau G, Roberts K, Chapdelaine A. Elevated secretion of androstenedione in a patient with a Leydig cell tumour. Acta Endocrinol (Copenh). 1984;107:104-9 pubmed
  3. Maqdasy S, Bogenmann L, Batisse-Lignier M, Roche B, Franck F, Desbiez F, et al. Leydig cell tumor in a patient with 49,XXXXY karyotype: a review of literature. Reprod Biol Endocrinol. 2015;13:72 pubmed publisher
  4. Cheville J, Sebo T, Lager D, Bostwick D, Farrow G. Leydig cell tumor of the testis: a clinicopathologic, DNA content, and MIB-1 comparison of nonmetastasizing and metastasizing tumors. Am J Surg Pathol. 1998;22:1361-7 pubmed
  5. Litta P, Saccardi C, Conte L, Codroma A, Angioni S, Mioni R. Sertoli-Leydig cell tumors: current status of surgical management: literature review and proposal of treatment. Gynecol Endocrinol. 2013;29:412-7 pubmed publisher
  6. Zanagnolo V, Pasinetti B, Sartori E. Clinical review of 63 cases of sex cord stromal tumors. Eur J Gynaecol Oncol. 2004;25:431-8 pubmed
  7. Oliva E, Alvarez T, Young R. Sertoli cell tumors of the ovary: a clinicopathologic and immunohistochemical study of 54 cases. Am J Surg Pathol. 2005;29:143-56 pubmed
  8. Stacher E, Pristauz G, Scholz H, Moinfar F. Bilateral ovarian well-differentiated Sertoli-Leydig cell tumors with heterologous elements associated with unilateral serous cystadenoma--a case report. Int J Gynecol Pathol. 2010;29:419-22 pubmed publisher
  9. Buckspan M, Klotz P, Goldfinger M, Stoll S, Fernandes B. Intraoperative ultrasound in the conservative resection of testicular neoplasms. J Urol. 1989;141:326-7 pubmed
  10. Danjou P, Cavrois G, Gilliot P, Rigot J, Mazeman E. [A priori benign Leydig cell testicular tumor: enucleation or radical orchidectomy?]. Prog Urol. 1993;3:234-7 pubmed
  11. Godec C, Fencl R, Cass A, Fisher R. Does testicular mass always require orchiectomy?. Urology. 1982;19:263-8 pubmed
  12. Kim I, Young R, Scully R. Leydig cell tumors of the testis. A clinicopathological analysis of 40 cases and review of the literature. Am J Surg Pathol. 1985;9:177-92 pubmed
  13. Davidoff M, Schulze W, Middendorff R, Holstein A. The Leydig cell of the human testis--a new member of the diffuse neuroendocrine system. Cell Tissue Res. 1993;271:429-39 pubmed
  14. Middendorff R, Davidoff M, Mayer B, Holstein A. Neuroendocrine characteristics of human Leydig cell tumours. Andrologia. 1995;27:351-5 pubmed
  15. Heer R, Jackson M, El-Sherif A, Thomas D. Twenty-nine Leydig cell tumors: histological features, outcomes and implications for management. Int J Urol. 2010;17:886-9 pubmed publisher
  16. Bhat G, Lone M, Alsolami S, Iqbal Q. Recurrent malignant Leydig cell tumor of testis: a case report with review of literature. Gulf J Oncolog. 2010;:42-5 pubmed
  17. Di Tonno F, Tavolini I, Belmonte P, Bertoldin R, Cossaro E, Curti P, et al. Lessons from 52 patients with leydig cell tumor of the testis: the GUONE (North-Eastern Uro-Oncological Group, Italy) experience. Urol Int. 2009;82:152-7 pubmed publisher
  18. Dieckmann K, Loy V. Response of metastasized sex cord gonadal stromal tumor of the testis to cisplatin-based chemotherapy. J Urol. 1994;151:1024-6 pubmed
  19. Bokemeyer C, Harstrick A, Gonnermann O, Schober C, Kuczyk M, Poliwoda H, et al. Metastatic leydig-cell tumors of the testis - report of 4 cases and review of the literature. Int J Oncol. 1993;2:241-4 pubmed
ISSN : 2334-1009