Maladie de Lafora : à propos d’un cas et revue de littérature
M Salhi (w-meriem55 at hotmail dot com), Y Kriouile
Unité de neuropédiatrie, Service de pédiatrie IIA, Hôpital d’enfant, Rabat, Maroc
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.964
Date
2014-07-20
Citer comme
Research fr 2014;1:964
Licence
Résumé

Introduction : La maladie de Lafora est une maladie héréditaire autosomique récessive caractérisée par une épilepsie myoclonique progressive sévère et une détérioration cognitive rapidement évolutive. Observation : Nous rapportons le cas d’une adolescente de 14 ans, qui commence à présenter dès l’âge de 10 ans trois types de crises épileptiques : des crises tonico-cloniques généralisées, des crises partielles visuelles type amaurose transitoire et des myoclonies massives avec dégradation progressive des fonctions cognitives et intellectuelle. L’électroencéphalogramme confirme ces trois types de crises. Le diagnostic de la maladie de Lafora a été confirmé grâce à la biopsie des glandes sudoripares. La malade a été mise sous traitement symptomatique. L’évolution était le décès après 4 ans. Discussion : La maladie de Lafora est classée parmi les épilepsies généralisées symptomatiques. C’est une maladie héréditaire transmise selon le mode autosomique récessif. C’est une anomalie génétique intéressant les gènes EPM2A et EPM2A, qui codent respectivement pour la protéine phosphatase de Laforine et l’ubiquitine ligase E3 malin. Le début de la maladie est variable entre 10 et 19 ans. Les manifestations initiales sont des crises épileptiques généralisée et ou partielles, une amaurose transitoire, une détériorations intellectuelle et myoclonies massives. Le tableau clinique présenté par notre patiente répond exactement à la description typique de cette maladie. L’électroencéphalogramme montre à la fois des anomalies généralisées et focales La confirmation diagnostique est apportée par la réalisation d’une biopsie cutanée à la recherche de corps de Lafora complétée d’une étude par biologie moléculaire. Le traitement reste symptomatique en l’absence d’un traitement curatif, mais l’évolution de la maladie est fatale au bout de 4 à 10 ans d’évolution. Conclusion : La maladie de Lafora est à rechercher devant chez tout adolescent qui présente des myoclonies associées à des crises visuelles avec détérioration cognitive progressive. La prise en charge du patient et de sa famille par une équipe pluridisciplinaire est indispensable devant le caractère grave et inéluctable de la maladie.

English Abstract

Introduction: Lafora disease is an autosomal recessive disease characterized by severe progressive myoclonic epilepsy and rapidly progressive cognitive deterioration. Observation: We report the case of a 14-year-old girl who begun to show at the age of 10 years three types of seizures: tonic-clonic seizures, partial seizures and transient amaurosis visual with massive myoclonus progressive deterioration of cognitive function and mental deterioration. The electroencephalogram confirms these three types of crises. The diagnosis of Lafora disease was suspected and confirmed by biopsy of the sweat glands. The patient received symptomatic treatment. The outcome was death after 4 years. Discussion: Lafora disease is classified as symptomatic generalized epilepsy. It is an autosomal recessive hereditary disease. It is a genetic defect affecting the genes EPM2A and EPM2B, which encode for protein phosphatase laforin and the E3 ubiquitin ligase. The onset of the disease is variable between 10 and 19 years. The initial manifestations are generalized seizures and partial or a transient amaurosis, intellectual deterioration and massive myoclonus occurring at rest and during action. Our patient responded exactly to the typical description of this disease. The electroencephalogram showed both generalized and focal abnormalities predominantly posterior and photosensitivity. The diagnostic confirmation was made by performing a skin biopsy. Treatment was only symptomatic and the evolution was fatal in about 4 to 10 years of development. Conclusion: Lafora disease is to be found in front of every teenager who has myoclonus associated with visual and tonic-clonic seizures with progressive cognitive deterioration. Care of the patient and his family by a multidisciplinary team is essential to the serious and inescapable nature of the disease.

Introduction

La maladie de Lafora est une maladie héréditaire de transmission autosomique récessive. Elle est caractérisée par une épilepsie myoclonique et une détérioration cognitive progressive. L’objectif de ce travail est d’informer le praticien sur cette maladie et l’inciter à y penser devant l’association de crises convulsives, d’anomalie de la vision et d’un déclin cognitif surtout que le diagnostique est possible par biopsie axillaire.

Observation

Il s’agit d’une adolescente de 14 ans, sans antécédent pathologique particulier, qui commence à présenter dès l’âge de 10 ans trois types de crises épileptiques : des crises tonico-cloniques généralisées, des crises partielles visuelles type amaurose transitoire et myoclonies massives avec dégradation progressive des fonctions cognitives et détérioration intellectuelle. L’électroencéphalogramme confirme ces trois types de crises : des pointes ondes diffuses avec ralentissement de l’activité de fond et perturbation des éléments physiologiques du sommeil. Le diagnostic de la maladie de Lafora a été évoqué devant ce tableau clinique et confirmé grâce à la biopsie des glandes sudoripares. L’étude génétique n’a pas pu être faite. La malade a été mise sous traitement anticonvulsivant, mais l’évolution était marquée par la diminution des crises convulsives d’une part mais d’une l’aggravation clinique d’autre part : la malade est devenue cachectique avec une dégradation des fonctions supérieures. Le décès est survenu après 4 ans d’évolution.

Discussion

La maladie de Lafora est une épilepsie myoclonique progressive d’origine génétique. La symptomatologie clinique est faite de crises tonico cloniques généralisées souvent associés à des crises partielles visuelles très caractéristiques de la maladie, ces crises occipitales se présentent sous forme d’hallucinations visuelles simples ou complexes, des scotomes, ou de cécité transitoire. Ces crises sont toujours accompagnées de myoclonie de repos ou d’action sévères [1] [2].

C’est une maladie universelle, mais elle est de répartition inégale dans le monde, les séries les plus importantes ont été rapportées en Europe du Sud, Afrique du Nord et en Inde. L’incidence en France est de 1 cas pour 1 million d’habitant, soit 5 à 10 cas par an. L’age de début en général est supérieur à 10 ans, c’est une maladie de l’adolescent âgé entre 12 et 17 ans. En parallèle s’installe une détérioration cognitive rapide plus ou moins sévère avec une dépression profonde et installation une dysarthrie et une ataxie que le praticien risque de passer à coté devant l’installation des troubles cognitifs. Chez notre patiente, le tableau qu’elle a présenté est pareil à la description de la maladie de Lafora.

Les anomalies de l’électro-encéphalogramme peuvent précéder les symptômes cliniques. On peut noter au début des anomalies épileptiques généralisées ou des myoclonies, par la suite s’installe un ralentissement d’activité de fond avec disparition des éléments physiologiques du sommeil puis apparition de pointes et poly pointes ondes rapides irrégulières et diffuses bi frontales ou généralisées. Des anomalies focales en particulier occipitales sont constatées, elles sont à l’origine de l’amaurose. Sur le plan cognitif, la détérioration intellectuelle s’installe rapidement aboutissant à une démence en quelques années d’évolution. Sur le plan génétique, c’est une anomalie autosomique récessive. On a pu identifier deux types de mutations responsables sur cette maladie, l’une est portée sur le chromosome 6q24 du gène EPM2A. Ce gène code normalement pour une protéine tyrosine phosphatase (laforine) qui en s’associant à la membrane cytoplasmique et au réticulum endoplasmique permet l’élimination des polyglucosans intracellulaires type amidon qui sont neurotoxiques. L’autre mutation intéresse le chromosome 6q22 codant pour un gène EPM2B, cette mutation est rare, elle a été identifiée chez des familles au Japon apparemment de bon pronostic que la première [3] [4]. Cependant, ces deux mutations ne sont pas suffisantes pour expliquer les mécanismes de cette maladie, car l’existence de cas et de familles porteurs d’anomalies cliniques et histologiques en faveur de maladie de Lafora non-porteur de mutations EPM2A ou B, signifie qu’il existe un 3ème locus. Il existe une grande hétérogénéité génétique, l’expression clinique est variable selon le gène touché, mais également selon l’exon touché.

Le diagnostic de cette maladie repose sur des critères cliniques bien définis (tableau 1).

Type d'évaluation Au Début Plus tard dans le cours de la maladie
Examen physique général, y compris le foie et la rate taillesNormalNormal
L'examen neurologique, y compris Fundi et réflexesNormalDysarthrie, l'ataxie, spasticité; fundi reste normale
Examen de l'état mentalHallucinations visuelles (épilepsie), une humeur dépressive, des déficits cognitifsAugmentation des hallucinations, l'agitation, et la démence avec troubles cognitifs principalement frontal affectant principalement la capacité de performance et les fonctions exécutives
EEGFond normal ou lent, perte de α-rythme et sommeil caractéristiques; photosensibilité est communFond lente, paroxysmes de rejets irréguliers pointe-ondes généralisées avec prédominance occipitale, et focale, en particulier occipitales, des anomalies
Tige visuel, somatosensoriel, et auditif cerveau potentiels évoquésHaute tension potentiels visuels et évoqué somatosensorielAmplitudes peuvent revenir à la taille normale; prolongation du tronc cérébral et des latences centrales
Études de conduction nerveuseNormalNormal
IRM du cerveauNormalNormal ou atrophie 1
Proton M. spectroscopie du cerveauDonnées non disponiblesRéduction de NAA / rapport de la créatine dans le cortex frontal et occipital, ganglions de la base et le cervelet; réduit NAA / rapport de myo-inositol dans la matière grise et blanche frontale; réduit NAA / rapport de choline dans le cervelet 2
La stimulation magnétique transcrânienne (TMS)Non applicableDéfectueux courte inhibition intracorticale (SICI): inhibition de l'ISI et ISI 6 ms 10 ms; longue inhibition corticale intervalle défectueux (LICI
Tableau 1. Les critères cliniques de la maladie de Lafora.

En 1911, on avait décrit des corps amyloïdes qui correspondent aux dépôts de poly glucosans, caractéristiques d’une anomalie neurologique sévère, ce sont les corpuscules de Lafora qu’on peut chercher au niveau du cortex cérébral, le parenchyme hépatique, les muscles striés ou les glandes sudoripares. Leur présence au niveau d’une biopsie axillaire est pathognomonique du diagnostique. Mais leur mise en évidence nécessite un œil expérimenté [5]. C’est le cas chez notre malades, le diagnostic a été porté par biopsie des glandes sudoripares, ce qui a permis de confirmer le diagnostic en absence d’étude génétique. La prise en charge de cette maladie est difficile. La gestion des crises convulsives fait appel à plusieurs drogues qui arrivent souvent à arrêter les crises surtout au début de la maladie : acide valproique, clonazépam, piracétam [6] avec la possibilité d’aggravation clinique des myoclonies sous carbamazépine phénytoine et lamotrigine. Le régime cétogène n’a pas montré d’efficacité [7]. Un accompagnement psychosocial des malades et de leur famille s’impose avec la possibilité d’administration de psychotropes en cas de troubles de comportement (antidépresseurs, neuroleptiques). Devant la physiopathologie non encore bien claire de cette maladie, les thérapeutiques sont purement symptomatiques et le pronostic reste réservé avec une mortalité après 4 à 10 ans d’évolution de la maladie.

Références
  1. Minassian BA. La maladie de Lafora. Vers une synthèse clinique, pathologique et moléculaire. Pediatr Neurol 2001;25:21-9.
  2. Berkovic SF, Cochius J, Andermann E, Andermann F. épilepsies myocloniques progressives: aspects cliniques et génétiques. Epilepsia. 1993;34 Suppl 3:S19-30.
  3. Gomez-Abad C, Gomez-Garre P, Gutierrez-Delicado E, Saygi S, R Michelucci, Tassinari CA, Rodriguez de Cordoba S, Serratosa JM. maladie de Lafora due à des mutations EPM2B:. une étude clinique et génétique0. Neurology 2005;64:982-6.
  4. Franceschetti S, Gambardella A, Canafoglia L, Striano P, Lohi H, Gennaro E, Ianzano L, Veggiotti P, Sofia V, Biondi R, S Striano, Gellera C, Annesi G, F Madia, Civitelli D, Rocca FE, Quattrone A , Avanzini G, B Minassian, Zara F. Les résultats cliniques et génétiques dans 26 patients italiens atteints de la maladie de Lafora. Épilepsie. 2006;47:640-3.
  5. Carpenter S, Karpati G. cellules des canaux des glandes sudoripares dans la maladie de Lafora: Diagnostic par une biopsie de la peau. Neurology 1981;31:1564-8.
  6. Crête C, Dupont S, E Leguern, Adam C, Baulac M. lévétiracétam en épilepsie myoclonique progressive:. Une étude exploratoire chez 9 patients. Neurology. 2004;62:640-3.
  7. Cardinali S, Canafoglia L, S Bertoli, Franceschetti S, G Lanzi, Tagliabue A, Veggiotti P. Une étude pilote d'un régime cétogène chez les patients avec une maladie de Lafora corps. Épilepsie Res. 2006;69:129-34.
ISSN : 2334-1009