Tuberculose rectale isolée : à propos de 2 cas
  1. Aziz Ouarssani #
    Ouarssani14 at yahoo dot fr
    Service de Pneumologie, hôpital Militaire Moulay Ismail, Meknès, Maroc
  2. Mustapha Idrissi Rguibi
    Service de Pneumologie, hôpital Militaire Moulay Ismail, Meknès, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.787
Date
2014-05-13
Citer comme
Research fr 2014;1:787
Licence
Résumé

La localisation rectale de la tuberculose est rare, de diagnostic souvent difficile, en raison de non-spécificité du tableau clinique et des examens complémentaires. Nous rapportons les observations de deux patients âgés respectivement de 45 et 50 ans, hospitalisés pour syndrome dysentérique, chez qui l’exploration endoscopique et radiologique avait mis en évidence une atteinte rectale évoquant une colite d’origine inflammatoire. L’étude histologique des biopsies rectales avait posé le diagnostic d’une tuberculose. Un traitement antibacillaire a été instauré à base de rifampicine, isoniazide et pyrazinamide avec évolution favorable. Le diagnostic de la tuberculose rectale est à la fois histologique et bactériologique. Le traitement médical spécifique est souvent efficace. Cependant, la chirurgie est réservée aux cas compliqués ou résistants au traitement médical.

English Abstract

Rectal tuberculosis is rare and difficult to diagnose because of the non-specificity of clinical and additional examinations. We report two cases of patients admitted for dysentery, with inflammatory colitis at the endoscopic and radiological examination. Histological examination of rectal biopsy indicated tuberculosis. Treatment was initiated based on rifampicin, isoniazid and pyrazinamide with good outcome. The diagnosis of rectal tuberculosis is both histological and bacteriological. Specific medical treatment is often effective. Surgery is reserved for complicated or resistant cases.

INTRODUCTION

La tuberculose, toute localisation confondue, constitue un problème majeur de santé publique au Maroc. Les atteintes extra-pulmonaires, en particulier digestives, demeurent rares et notamment la localisation rectale qui ne représente que 7 % des atteintes du tube digestif [1]. La tuberculose rectale est souvent de diagnostic difficile en raison de similitudes cliniques, radiologiques, endoscopiques avec d’autres affections rectales inflammatoires ou tumorales.

À partir de nos observations, nous rapportons les principales caractéristiques de cette affection et attirons l’attention sur les problèmes diagnostiques et thérapeutiques posés par la localisation rectale de la tuberculose.

Observation 1

Il s’agissait de monsieur M.M., âgé de 45 ans, sans antécédent pathologique particulier, admis dans notre service en 2005 pour un syndrome dysentérique évoluant depuis 6 mois, accompagné d’une diarrhée glairosanglante à raison de cinq selles par jour. Cette symptomatologie était associée à une fièvre chiffrée à 37.9°C, sueurs nocturnes, et un amaigrissement chiffré à 10 kilogrammes en 6 mois.

L’examen clinique à l’admission était sans particularité. L’examen proctologique avait retrouvé un orifice fistuleux externe à 3 heures suintant. Au toucher rectal, la muqueuse était irrégulière et siège de formations de consistance granulaire, le doigtier ramenait du sang rouge. La rectoscopie avait objectivé une muqueuse rectale congestive et ulcérée avec un orifice fistuleux interne à 12 heures, la coloscopie a montré une muqueuse rectale jusqu'à 20 cm congestive siège de vastes ulcérations sans zone de muqueuse saine. L’exploration des autres segments coliques était sans anomalie.

De multiples biopsies recto-sigmoïdiennes et coliques étagées ont été réalisées et l’étude anatomopathologique était en faveur d’une tuberculose caseo-folliculaire.

La radiographie thoracique était normale, l’intradermoréaction à la tuberculine était à 12 mm.

Le diagnostic de tuberculose rectale a été retenu. Le patient a été mis sous traitement antibacillaire associant isoniazide à la dose de 5 mg/kg/j, la rifampicine à la dose de 10 mg/kg/j et le pyrazinamide à la dose de 30 mg/kg/j pendant 2 mois puis un traitement par isoniazide et rifampicine pendant 4 mois avec évolution favorable et la rectoscopie de contrôle avait objectivé une muqueuse rectale normale.

Observation 2

Monsieur A.M. âgé de 50 ans, sans antécédent pathologique notable, était admis en 1999 pour un syndrome dysentérique évoluant depuis 8 mois, accompagné d’une diarrhée glairosanglante à raison de six selles par jour. Cette symptomatologie était associée à une fièvre chiffrée à 37.8°C, sueurs nocturnes, et un amaigrissement chiffré à 15 kilogrammes en 8 mois.

L’examen clinique était sans particularité, mais à l’examen proctologique on avait retrouvé un orifice fistuleux externe à 6 heures. Le toucher rectal avait objectivé une muqueuse siège de formation granulaire. Le lavement baryté a montré de multiples ulcérations spéculaires au niveau du rectum, le reste du côlon était sans anomalie. La rectoscopie avait objectivé une muqueuse congestive. De multiples biopsies recto-sigmoïdiennes et coliques étagées ont été réalisées et l’étude anatomopathologique était en faveur d’une tuberculose caseo-folliculaire.

La radiographie thoracique était normale, l’intradermoréaction à la tuberculine était à 13 mm.

Le diagnostic d’une tuberculose rectale a été retenu. Le patient a été mis sous traitement antibacillaire associant isoniazide à la dose de 5 mg/kg/j, la rifampicine à la dose de 10 mg/kg/j et le pyrazinamide à la dose de 30 mg/kg/j pendant 2 mois, puis un traitement par isoniazide et rifampicine pendant 4 mois avec évolution favorable et la rectoscopie de contrôle avait objectivé une muqueuse rectale normale.

DISCUSSION

L’intestin est le deuxième site en fréquence de la tuberculose digestive. La région iléo-cæcale est la plus fréquemment touchée représente 42 %. L’atteinte colique est rare 12 % et la localisation rectale ne représente que 7% [1].

La tuberculose rectale peut être la localisation basse d’une colite bacillaire étendue. Plus souvent, elle est isolée et alors rarement primitive. L’inflammation se situe essentiellement au niveau de la sous-muqueuse et la séreuse entraînant un épaississement de la paroi lié à l’œdème, l’infiltration cellulaire inflammatoire, la formation de granulome et l’hyperplasie lymphatique, puis l’apparition d’une fibrose.

Des ulcérations de la muqueuse sont fréquentes et secondaires à une endartérite des vaisseaux de la sous-muqueuse [1] [2].

Sur le plan anatomique, on distingue 4 formes : ulcérée, hypertrophique, ulcéro-hypertrophique, et fibreuse.

Les signes fonctionnels sont faits d’une diarrhée avec émissions glairo-sanglantes, un syndrome rectal avec faux besoins et ténesmes.

L’examen endoscopique montre deux types de lésions [3] :

  • - la forme ulcéreuse est faite soit d’un ulcère unique, creusant, à bords décollés, soit de multiples érosions pouvant évoquer à tort le diagnostic d’une recto-colite hémorragique comme c’était le cas chez nos deux patients,
  • - la forme hypertrophique entrainant un épaississement de la paroi, et aboutissant à une sténose serrée à parois rigides cartonnées. Des lésions polyploïdes peuvent se voir.

Le diagnostic est de difficulté variable selon les circonstances. Lorsqu’il existe un foyer tuberculeux évolutif pulmonaire, péritonéal ou hépatique, la survenue de troubles digestifs et d’une lésion radiologique du rectum doit faire évoquer la tuberculose.

Si l’atteinte rectale a été isolée, le diagnostic devient difficile. Le diagnostic différentiel se pose essentiellement avec la maladie de Crohn. En effet, les deux affections touchent le grêle et le côlon, intéressent le sujet jeune et sont responsable de lésions de saut laissant entre elles des zones de muqueuse saine. Sur le plan clinique, aucune différence n’est significative.

Radiologiquement, la tuberculose donnerait des ulcérations plus profondes, un rétrécissement plus marqué et une fibrose moins régulière. En revanche, la formation des fistules, l’aspect pavé des lésions dû à l’association d’ulcères transversaux et longitudinaux évoquerait plus une maladie de Crohn [2] [4].

La tuberculose rectale peut prendre un aspect pseudo-tumoral et donner radiologiquement un aspect de virole ou de trognon de pomme [5].

Histologiquement, deux arguments sont essentiels pour poser le diagnostic de tuberculose rectale : la présence de BK sur les lames ou après culture des fragments ou par technique de PCR et l’étude anatomopathologique des fragments biopsies [6].

La réponse au traitement médical spécifique peut être spectaculaire comme en témoignent plusieurs observations de la littérature [4] [7] [8]. Le traitement chirurgical garde ses indications devant une résistance au traitement médical bien conduit, au stade de sténose cicatricielle à l’issue d’un traitement médical efficace ou en cas d’un doute diagnostique sur une éventuelle malignité.

Conclusion

La tuberculose rectale est une localisation exceptionnelle de la tuberculose digestive. Son diagnostic reste souvent difficile en raison de la non-spécificité du tableau clinique et des examens complémentaires. Le traitement est essentiellement médical par les antibacillaires et accessoirement chirurgical.

En fait le meilleur traitement est préventif basé sur la vaccination par le BCG et l’éducation sanitaire de la population.

Références
  1. FLORENT C. Tuberculose digestive. In: JC RAMBAUD. Ed.Traité de gastroenterology Paris Flam 2000 p 983-987.
  2. BARBIER PH. Tuberculose intestinale. Encyl.Med.Chir.Paris.Esto-mac/intestin ; 9060A10 ?4.7.12.
  3. Gupta A, Sharma V, Rathi G. Ano-rectal tuberculosis simulating carcinoma. Am J Proctol. 1976;27:33-8 pubmed
  4. Puri A, Vij J, Chaudhary A, Kumar N, Sachdev A, Malhotra V, et al. Diagnosis and outcome of isolated rectal tuberculosis. Dis Colon Rectum. 1996;39:1126-9 pubmed
  5. Sahoo D, Mahapatra M, Salim S. Rectal tuberculosis: a rare case. Trop Gastroenterol. 2004;25:84-5 pubmed
  6. Nagi B, Kochhar R, Bhasin D, Singh K. Colorectal tuberculosis. Eur Radiol. 2003;13:1907-12 pubmed
  7. Wong S, Chow H. Ulcero-hypertrophic tuberculosis of the rectum in a two-year-old child. Dis Colon Rectum. 1979;22:260-1 pubmed
  8. Das P, Radhakrishna K, Rao P. Rectal stricture: a complication of tuberculosis. J Pediatr Surg. 1996;31:983-4 pubmed
ISSN : 2334-1009