Kyste synovial du lunatum révélé par un traumatisme : à propos d’un cas et revue de la littérature
Aziz Mortaji (mortajiaziz at yahoo dot fr), Khalid Koulali, Farid Galuia
Service d’orthopédie traumatologie, hôpital militaire Avicenne, Marrakech, Maroc
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.1080
Date
2014-10-17
Citer comme
Research fr 2014;1:1080
Licence
Résumé

Le kyste synovial intra-osseux du lunatum constitue une étiologie rare des douleurs du poignet. Nous rapportons une observation d’un jeune militaire de 24 ans, droitier qui s’est présenté pour des douleurs du poignet droit suite à une chute sur la paume de la main droite. L’examen clinique trouvait un empattement modéré de la partie moyenne de la face palmaire et une douleur lors des mouvements extrêmes du poignet.La radiographie standard, la tomodensi-tométrie(TDM) et l’imagerie par résonance magnétique(IRM) du poignet ont révèlé un kyste intraosseux du lunatum. Le curetage-comblement par greffon spongieux prélevé sur la métaphyse inférieure du radius ipsilatéral a permis la guérison avec une bonne récupération fonctionnelle. Les aspects cliniques, radiologiques et thérapeutiques seront discutés par les auteurs.

English Abstract

The intraosseous synovial cyst of the lunatum constitutes a rare etiology of the wrist pain. We report an observation of a 24 year-old soldier, right-handed, who presented pain of the right wrist following a fall on the palm of the right hand. The clinical examination found a moderate footing of the middle part of the palmar face and a pain at the time of the extreme movements of the wrist. Standard radiography, scan and magnetic resonance imaging of the wrist have revealed an intraosseous cyst of the lunate bone. Curetting-filling by spongy graft taken on the lower metaphysis of the radius allowed a good functional recovery. The clinical, radiological and therapeutic aspects are discussed.

Introduction

Les kystes synoviaux intra-osseux sont définis par l’association d’une image radiologique caractéristique et d’une histologie évocatrice de prolifération synoviale intra-osseuse [1]. Ces lésions, lorsqu’elles sont localisées au niveau du lunatum, font partie des causes rares de douleurs du poignet [2]. Des rares cas en ont été rapportés, siégeant le plus souvent dans le scaphoïde et capitatum. Nous rapportons une observation d’un kyste synovial intra-osseux localisé au niveau du lunatum découverte suite à un traumatisme et traité par curetage et autogreffe spongieuse.

Kyste synovial du lunatum révélé par un traumatisme : à propos d’un cas et revue de la littérature Figure 1
Figure 1. Radiographie standard montrant une lésion kystique du semi-lunaire.
Patient et méthodes

Mr O.B âgé de 24 ans, droitier, militaire, s’est présenté à la consultation pour une douleur du poignet droit suite à une chute de sa hauteur sur la paume de la main droite. L’examen clinique trouvait un empattement modéré de la partie moyenne de la face palmaire et une douleur lors des mouvements extrêmes du poignet. L’amplitude articulaire du poignet était conservée. La radiographie du poignet droit a montré une lacune osseuse arrondie au niveau du lunatum (Fig. 1). Cette lésion était unique, bien limitée, avec une sclérose périphérique réactionnelle sans atteinte des corticales. L’examen tomodensitométrique a mis en évidence une image lacunaire au niveau du lunatum avec communication articulaire (Gig. 2), et l’IRM confirmait la nature liquidienne du contenu kystique (Fig. 3). Le patient a été opéré, le lunatum a été abordé par une voie dorsale median avec arthrotomie (Fig.4). Le kyste était visible à travers la trépanation osseuse avec un aspect gélatineux et jaune typique (Fig. 4). Le contenu du kyste a été cureté minutieusement et comblé par de l’os spongieux prélevé sur la métaphyse inférieure du radius ipsilatéral. L’analyse histologique de ce contenu kystique a confirmé l’origine synoviale du kyste. En postopératoire, le poignet a été immobilisé par une orthèse durant trois semaines, suivie d’une rééducation passive et active. L’évolution a été marquée par la sédation de la douleur, un poignet stable de mobilité normale. La radiographie standard a objectivé une disparition complète du kyste avec une bonne ostéo-intégration du greffon.

Kyste synovial du lunatum révélé par un traumatisme : à propos d’un cas et revue de la littérature Figure 2
Figure 2. TDM du poignet avec une lésion lacunaire à bords scléreux et une perforation corticale du semi-lunaire.
Discussion

Le kyste synovial intraosseux est une tumeur osseuse bénigne de type ostéolytique touchant le plus souvent les régions épiphyso-métaphysaires des os longs. Sa localisation sur les os courts, et notamment sur les os du carpe a été peu rapportée dans la littérature. Au niveau du carpe, les os les plus affectés sont le scaphoïde et le semi-lunaire puis le grand os et l’os pyramidal, l’atteinte des autres os est beaucoup plus rares [3] [4].

Kyste synovial du lunatum révélé par un traumatisme : à propos d’un cas et revue de la littérature Figure 3
Figure 3. IRM du poignet montrant une image en hypersignal du semi-lunaire. Ceci correspond à une lésion kystique.

Les circonstances de découverte sont variables et souvent banales. La population cible est constituée d’adultes jeunes mais l’atteinte peut survenir à n’importe quel âge, avec atteinte équivalente des deux sexes. Aucune exposition aux microtraumatismes, professionnelle ou sportive, n’est habituellement précisée. La lésion peut être asymptomatique et mise en évidence à l’occasion de radiographies standards, effectuées pour une autre raison [5]. Dans d’autre cas, les douleurs décrites sont habituellement modérées, mais répondent souvent mal au traitement médical. Il existe parfois une légère tuméfaction des parties molles. Le kyste peut se révéler au cours de circonstances particulières comme une fracture pathologique et la rupture des tendons fléchisseurs [6]. Le bilan d’imagerie peut comprendre de manière plus ou moins associés des radiographies standards de face, profil et trois quarts, des clichés radiographiques dynamiques, un examen tomodensitométrique (TDM), un examen arthrographique ou arthroTDM, l’IRM et la scintigraphie.

Kyste synovial du lunatum révélé par un traumatisme : à propos d’un cas et revue de la littérature Figure 4
Figure 4. Curetage du kyste et comblement par greffon d’os spongieux prélevé au quart distal du radius.

Les radiographies précisent le caractère lytique de la tumeur, sa taille, son aspect uni- ou multiloculé, sa localisation et la présence d’une zone d’effraction corticale. Typiquement le kyste synovial intraosseux se présente donc comme une image lacunaire polycyclique bien limitée par un halo de condensation périphérique et sans caractère agressif [6] [7]. La TDM va renseigner de manière plus précise sur la densité osseuse, sur la taille réelle de la cavité, sur la taille et l’orientation de la zone d’ouverture corticale, et sur la présence d’une communication articulaire. L’arthrographie ou l’arthroTDM peuvent aussi révéler cette communication articulaire. L’IRM permettra de renseigner sur la vascularisation de la tumeur. Enfin, la scintigraphie est éventuellement utile pour préciser le caractère actif de la lésion [8].

Pour le diagnostic différentiel, seules les néoformations bénignes pourront réellement être discutées. La maladie de kienbock se caractérise par des douleurs cyclique avec à la radiographie un aspect condensé et irrégulier Le diagnostic positif d'ostéonécrose est habituellement apporté par l’IRM. L’absence de signal ou un hyposignal dans les séquences pondérées en T1 et en T2 est caractéristique d’une perturbation grave de la vascularisation osseuse avec nécrose osseuse. L’ostéome ostéoïde, assez facilement suspecté cliniquement, est rapidement confirmé par la scintigraphie osseuse et la tomodensitométrie qui localise le nidus. Le chondrome intra-osseux, est indolore et intéresse presque exclusivement le scaphoïde [9].Dans ces cas, c’est l’examen anatomopathologique qui apportera le diagnostic formel. Les autres tumeurs pouvant touché des os du carpe (kyste anévrysmal, tumeur à cellules géantes, fibrome chondromyxoide, métastase) ont une présentation radiologique très différente, ne laissant pas de place à la confusion. La maladie de Kienböck et la maladie de Preiser peuvent éventuellement donner lieu à une image géodique.

En cas d’image asymptomatique de kyste synovial intraosseux, l’exérèse ne se discute évidemment pas. Dans les cas symptomatiques, un traitement médical incluant une mise au repos et un traitement antalgique peut améliorer les patients. Devant une symptomatologie invalidante et réfractaire, l’indication chirurgicale semble s’imposer. Le curetage du kyste et le comblement par greffon d’os spongieux prélevé au quart distal du radius ou en crête iliaque est le principal traitement pratiqué. L’utilisation associée ou isolée de ciment de comblement phosphocalcique a été également décrite. Une solution plus récemment décrite associe et mélange un greffon de moelle osseuse à un prélèvement de fibrine autologue [9] [10]. Ce traitement chirurgical peut être réalisé sous arthroscopie. Une immobilisation anti-brachio-palmaire est recommandée pour une durée de trois semaines, suivie d’une période de rééducation passive et active afin d’éviter tout risque d’enraidissement. Le pronostic fonctionnel est généralement bon et la récidive est exceptionnelle [10].

Conclusion

Les kystes synoviaux intra-osseux du carpe sont une rare cause de douleur de poignet. Ils sont souvent de découverte systématique. La localisation au niveau du lunatum est rare. Le traitement repose sur l’exérèse du contenu kystique suivi d'un bourrage par de l'os spongieux. Le pronostic de cette pathologie est généralement très bon.

Declarations
Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Remerciements

Je tiens à remercier tous ceux qui, par leurs coopérations, leurs suggestions et leurs corrections judicieuses, ont contribué à l'élaboration de cet article.

Références
  1. Kligman M, Roffman M. [Intra-osseous ganglion of scaphoid and lunate bones]. Harefuah. 1998;134:270-2, 335 pubmed
  2. Waizenegger M. Intraosseous ganglia of carpal bones. J Hand Surg Br. 1993;18:350-5 pubmed
  3. Uriburu I, Levy V. Intraosseous ganglia of the scaphoid and lunate bones: report of 15 cases in 13 patients. J Hand Surg Am. 1999;24:508-15 pubmed
  4. Kligman M, Roffman M. Bilateral intraosseous ganglia of the scaphoid and lunate bones. J Hand Surg Br. 1997;22:820-1 pubmed
  5. Uzel M, Cetinus E, Bilgic E, Bakaris S. Kyste synovial intra-osseux du semi-lunaire : à propos d’un cas. Revue du Rhumatisme. 203;70(5):776–8.
  6. Tham S, Ireland D. Intraosseous ganglion cyst of the lunate: diagnosis and management. J Hand Surg Br. 1992;17:429-32 pubmed
  7. Yamazaki H, Kato H, Murakami N. Closed rupture of the flexor tendons of the index finger caused by a pathological fracture secondary to an intraosseous ganglion in the lunate. J Hand Surg Eur Vol. 2007;32:105-7 pubmed
  8. Dumas P, Georgiou C, Chignon-Sicard B, Balaguer T, Lebreton E, Dumontier C. [Intra-osseous ganglion cyst of the carpal bones. A review of the literature underlining the importance of systematic computed tomography]. Chir Main. 2013;32:3-7 pubmed
  9. Chen Y, Wang S, Shen P, Huang G, Lee H, Wu S. Intraosseous ganglion cyst of the capitate treated by intralesional curettage, autogenous bone marrow graft and autogenous fibrin clot graft. J Chin Med Assoc. 2007;70:222-6 pubmed
  10. Calcagnotto G, Sokolow C, Saffar P. [Intraosseus synovial cysts of the lunate bone: diagnostic problems]. Chir Main. 2004;23:17-23 pubmed
ISSN : 2334-1009