Fracture d’un ostéochondrome : une complication exceptionnelle
Nabil Hammoune1 (nabilhammoune at gmail dot com) #, Faycal El Guendouz2, Siham Elhaddad3, Abdelaziz Hommadi1
1 Service de radiologie, 3 Hôpital Militaire, Laayoune, MAROC. 2 Service d’endocrinologie, 3 Hôpital Militaire, Laayoune, MAROC. 3 Service de radiologie, centre hospitalier périphérique, Taourirt, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.3.1484
Date
2016-01-15
Citer comme
Research fr 2016;3:1484
Licence
Résumé

L’ostéochondrome ou exostose est une tumeur osseuse bénigne fréquente. L’aspect radiographique est souvent pathognomonique et reflète son aspect pathologique. Il est souvent asymptomatique, mais il peut se manifester à l’occasion d’une complication. La fracture d'un ostéochondrome est une complication exceptionnelle. Nous rapportons un nouveau cas avec une revue de la littérature.

English Abstract

The osteochondroma or exostosis is the most common benign bone tumor. Its radiologic features are often pathognomonic and identically reflect its pathologic appearance. It is often asymptomatic, but can appear on the occasion of a complication. The fracture of an osteochondroma is an exceptional complication. We report a new case with literature review.

Introduction

L'ostéochondrome est une excroissance cartilagineuse et osseuse développée à la surface de la métaphyse d'un os à ossification enchondrale. Ces tumeurs bénignes peuvent être asymptomatiques ou se manifester à l’occasion d’une complication. Nous rapportons le cas d’une exostose compliquée d’une fracture chez un patient de 25ans.

Fracture d’un  ostéochondrome   : une complication exceptionnelle Figure 1
Figure 1. Tomodensitométrie du genou droit avec reconstruction coronale montrant une fracture complète d’une exostose pédiculée de la métaphyse inferieure du fémur droit avec continuité de la corticale et l’os spongieux du fragment pediculé avec l’os porteur.
Observation

Il s’agit d’un homme âgé de 25 ans, admis aux urgences pour douleur aigue au niveau de la cuisse droit suite d’un traumatisme de sport. Le patient signale une tuméfaction qui augmente progressivement de volume durant les deux dernières années. L’examen clinique a révélé la présence d’une tuméfaction osseuse dure au niveau de la face externe de la cuisse droite sans anomalie vasculaire, la contraction musculaire du quadriceps droit réveille une douleur importante. Le bilan radiologique a montré une fracture complète d’une excroissance osseuse pédiculée à la face externe de la métaphyse inferieure du fémur. La tomodensitométrie a confirmé le diagnostic (figures 1, 2), Le patient a été opéré, L’étude anatomopathologique de la pièce de résection a confirmé la bénignité de la tumeur.

Fracture d’un  ostéochondrome   : une complication exceptionnelle Figure 2
Figure 2. Tomodensitométrie du genou droit avec reconstruction 3D montrant une fracture complète d’une exostose pédiculée au tiers distal du fémur droit.
Discussion

L'exostose ostéogénique ou ostéochondrome est la tumeur osseuse bénigne la plus fréquente. Elle correspond à une excroissance osseuse bien différenciée, produite par une coiffe de cartilage germinatif pendant la croissance [1, 2], les deux formes cliniques rencontrées sont les exostoses solitaires et la maladie exostosante [3], C'est la plus fréquente des tumeurs bénignes de l'os représentant 40% des tumeurs bénignes osseuses et 9,3% des tumeurs osseuses primitives [4]. La majorité des exostoses sont diagnostiquées chez l’enfant et chez l’adulte entre dix et 15 ans, avec une prédilection masculine [5]. Les localisations les plus fréquentes sont les os longs, où la topographie est d'abord métaphysaire puis migre progressivement vers la région diaphysométaphysaire en raison de l'allongement ultérieur de la portion distale de l’os [2]. Elle est soit pédiculée (base d’implantation étroite), soit sessile (large base d’implantation), plus de 50 % des cas siègent au niveau de l’extrémité inférieure du fémur, supérieure du tibia ou de l'humérus, [1-6]. L'exostose est constituée d'os bien différenciés, en continuité parfaite avec l'os porteur (corticale et contenu spongieux), mais peut comporter des résidus cartilagineux plus ou moins calcifiés. La coiffe cartilagineuse à l'âge adulte, est d'épaisseur pratiquement toujours inférieure à 10 mm et même le plus souvent à 5 mm [2]. Le plus souvent, l'exostose reste souvent asymptomatique, découverte avant l'âge adulte, soit de façon fortuite, soit à l'occasion de l'apparition d'une tuméfaction [1]. Les douleurs peuvent être liées aux phénomènes compressifs ou être en rapport avec une fracture du pédicule de l’exostose, un infarctus osseux, une bursite inflammatoire sur la face profonde d’un muscle ou de tendons ou à des conflits entre l’exostose et le muscle adjacent, limitant parfois les amplitudes [7, 8]. En pratique, l'imagerie peut et doit pouvoir poser le diagnostic de certitude dans la grande majorité des cas et en reconnaître les complications. L’aspect radiographique standard, est fréquemment pathognomonique du fait du caractère très évocateur de l'image [9], il s'agit d'une tuméfaction osseuse bien limitée perpendiculaire à la métaphyse et qui se dirige vers la diaphyse, rattachée à l'os dont elle est issue par une base sessile ou pédiculée qui se continue à plein canal avec l'os spongieux. L'exostose sera au mieux dégagée par des incidences obliques [2]. Le scanner n'amène pas d'élément supplémentaire sur le plan purement diagnostique, il confirme les caractéristiques de la radiographie standard, il permet de mieux préciser les rapports notamment dans les localisations telles que le rachis et le bassin et présente un grand intérêt dans le diagnostic différentiel en cas de complication ou de transformation maligne. il doit présenter une matrice plus dense en périphérie, des calcifications bien organisées, une coiffe cartilagineuse de 0 à 2 cm et être essentiellement constituée de tissu minéralisé [6-9]. L’imagerie par résonance magnétique est la meilleure modalité d’imagerie pour analyser l'ensemble de la formation tumorale et ses rapports avec les structures anatomiques de voisinage, et évaluer la coiffe cartilagineuse (hyposignal en pondération T1 et hyper signal en pondération T2) dont l’épaisseur est influencée par le degré de maturité. Elle observe aussi la continuité de la corticale (hyposignal) et de la cavité médullaire (signal graisseux) avec l’os adjacent. Il n’y a pas de rehaussement avec le gadolinium chez l’adulte, sauf en cas de bursite ou de complication fracturaire [6-9]. Selon sa localisation et son volume, une exostose peut être à l’origine de complications plus rares et anecdotiques: extrinsèques secondaires à la compression ou l’irritation d’une structure anatomique avoisinant l’exostose; intrinsèques en rapport avec une fracture de la base du pédicule ou une transformation maligne; mixtes en rapport avec des déformations osseuses et une gêne au jeu articulaire [10]. La fracture d’un ostéochondrome est une complication rare, surviennent en général dans le cadre des exostoses pédiculées, lorsque l'attache entre l'os et la tumeur est fine; elles entraînent en général une douleur modérée. Dahlin et Al ont rapporté uniquement quatre cas dans une série totalisant 727ostéochondromes, les localisations les plus à risque d’avoir une fracture sont situés près du genou [11]. Selon une étude de Carpintero et al, ces fractures sont dues soit à des traumatismes directs, soit une conséquence de contractions musculaires violentes au cours d’une activité physique [12]. La radiographie est habituellement suffisante pour démontrer la fracture sans recourir à d'autres imageries. Elle montre un trait linéaire clair et une angulation de la corticale près de la région de continuité avec l’os sous-jacent, le cal fracturaire peut se traduire sous forme d’une bande dense à la radiographie, et qui ne doit pas être pris pour une dégénérescence sarcomateuse. Des cas de régression ou résorption, spontanée ou après une fracture de l’ostéochondrome solitaire ont été rapportée [2-9].

Conclusion

Les ostéochondromes sont des tumeurs osseuses bénignes fréquentes. Dans leurs formes habituelles, elles sont souvent asymptomatiques.IL peuvent se manifester à l’occasion d’une complication, Fracture d'un ostéochondrome est une complication rare, la radiographie standard est largement suffisante pour poser le diagnostic.

Références
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ISSN : 2334-1009