Alvéolite allergique extrinsèque chez l’enfant : à propos d’une nouvelle observation
M Banouar (m dot banouar at yahoo dot com), F Benbrahim, N Elhafidi, A Assermouh, S Benchekroun, C Mahraoui
Unité de pneumo-allergologie. Service de pédiatrie 1. HER, Maroc
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.965
Date
2014-07-20
Citer comme
Research fr 2014;1:965
Licence
Résumé

INTRODUCTION : Les alvéolites allergiques extrinsèques (AAE) sont des pneumopathies immunoallergiques résultant de l'inhalation d'un antigène auquel le sujet a été préalablement sensibilisé. Son incidence n'est pas connue. Les cas pédiatriques sont très rares. L’AAE représente moins de 2 % des pneumopathies interstitielles. Les pneumopathies par hypersensibilité les plus connues sont le poumon d’éleveur d’oiseau dû à l’inhalation de protéines aviaires et le poumon de fermier. OBSERVATION : enfant de sexe féminin, âgée de 12 ans, habitant en milieu rural, sans antécédents pathologiques particuliers, issue d’un mariage consanguin 1er degré, admise au service dans un tableau de bronchopneumopathie dyspnéisante trainante. La symptomatologie était faite d’une toux productive, une dyspnée d’effort puis de décubitus, des arthralgies diffuses dans un contexte fébrile et d’altération de l’état général. Un traitement antituberculeux a été démarré devant la pneumopathie persistante et le syndrome interstitiel à la radiographie thoracique sans preuve bactériologique, mais sans aucune amélioration. L’examen clinique à l’admission retrouvait un enfant ayant un bon développement staturo-pondéral, des signes d’insuffisance cardiaque globale et un hippocratisme digital. L’auscultation cardio-pulmonaire objectivait des râles crépitants bilatéraux et un bruit de galop. La radiographie thoracique de face objectivait un syndrome interstitiel diffus, des adénopathies médiastinales et cardiomégalie. La TDM thoracique avait montré une atteinte interstitielle en faveur d’une fibrose pulmonaire interstitielle associée à des adénopathies médiastinales. On retrouvait à l’échocoeur une HTAP importante et un ventricule droit très dilaté. La fibroscopie bronchique n’a pas été concluante et on retrouvait à la biopsie transbronchique étagée des remaniements fibreux inflammatoires. Le bilan biologique avait éliminé une sarcoïdose, une maladie de système, un déficit immunitaire, une hémosidérose. La reprise de l’interrogatoire avait montré un contact avec les oiseaux. La sérologie de la maladie du poumon d’éleveur d’oiseaux avait objectivé des arcs spécifiques des antigènes de déjections et plumes de pigeons positifs. Le diagnostic évoqué est une alvéolite allergique extrinsèque de type poumon d’éleveur d’’oiseau. La patients était mise sous corticothérapie, digitaliques et anti-diurétiques mais malheureusement l’évolution était défavorable vu le retard diagnostique.

English Abstract

INTRODUCTION: Extrinsic allergic alveolitis, an immunoallergic pneumonitis, results from the inhalation of an antigen to which the subject has been previously sensitized. Its incidence is not known. Pediatric cases are very rare, representing less than 2% of interstitial pneumonitis. CASE REPORT: A 12-year-old female child, living in a rural area with no medical history, was admitted for persistent dyspnea. Symptomatology included a productive cough, dyspnea, diffuse arthralgia with fever and poor general condition. Anti-tuberculosis treatment was started at the persistent pneumonia and interstitial lung disease on chest X-rays without bacteriological evidence. It was without any improvement. Physical examination on admission found a child with a good height and weight development, signs of congestive heart failure and clubbing. Cardiopulmonary auscultation revealed bilateral rales and gallop. The chest X-ray showed diffuse interstitial syndrome, mediastinal lymphadenopathy and cardiomegaly. Chest CT revealed an interstitial disease for interstitial pulmonary fibrosis associated with mediastinal lymph nodes. Echocardiography showed significant PAH and a very dilated right ventricle. Bronchoscopy was not conclusive and stepped transbronchial biopsy found inflammatory fibrous alterations. Laboratory tests had eliminated sarcoidosis, systemic disease, immune deficiency, hemosiderosis. We have re-examined the patient and we found that there was contact with birds. Serology tests identifed birds components. The working diagnosis is extrinsic allergic alveolitis, bird breeder's lung category. The patient was placed under corticosteroids, digitalis and diuretics, but the evolution was unfavorable.

INTRODUCTION

Les alvéolites allergiques extrinsèques (AAE) sont des pneumopathies immunoallergiques résultant de l'inhalation d'un antigène auquel le sujet a été préalablement sensibilisé. Son incidence n'est pas connue. Les cas pédiatriques sont très rares (1, 2). L’AAE représentant moins de 2 % des pneumopathies interstitielles. Les pneumopathies par hypersensibilité les plus connues sont le poumon d’éleveur d’oiseau dû à l’inhalation de protéines aviaires et le poumon de fermier.

Alvéolite allergique extrinsèque chez l’enfant : à propos d’une nouvelle observation Figure 1
Figure 1. Syndrome interstitiel avec cardiomégalie à la radiographie thoracique de face.
OBSERVATION

Il s’agissait d’une fille âgée de 12 ans, habitant en milieu rural, sans antécédent pathologique particulier, issu d’un mariage consanguin 1er degré, admise au service dans un tableau de bronchopneumopathie dyspnéisante trainante.

La symptomatologie était faite d’une toux productive, une dyspnée d’effort puis de décubitus, des arthralgies diffuses dans un contexte fébrile et d’altération de l’état général. Un traitement antituberculeux a été démarré devant la pneumopathie persistante et le syndrome interstitiel à la radiographie thoracique sans preuve bactériologique, mais sans aucune amélioration. L’examen clinique à l’admission retrouvait un enfant ayant un bon développement staturo-pondéral, des signes d’insuffisance cardiaque globale et un hippocratisme digital. L’auscultation cardio-pulmonaire objectivait des râles crépitants bilatéraux et un bruit de galop.

Alvéolite allergique extrinsèque chez l’enfant : à propos d’une nouvelle observation Figure 2
Figure 2. Micronodules centro-lobulaires aux limites floues, distribuées de manière homogène à l’ensembe du parenchyme pulmonaire associés à quelques plages en verre dépoli.

La radiographie thoracique de face objectivait un syndrome interstitiel diffus, des adénopathies médiastinales et cardiomégalie (figure 1). La TDM thoracique avait montré une atteinte interstitielle en faveur d’une fibrose pulmonaire interstitielle associée à des adénopathies médiastinales (figure 2). On retrouvait à l’échocoeur une hypertension artérielle pulmonaire importante et un ventricule droit très dilaté. La fibroscopie bronchique n’est pas concluante et on retrouvait à la biopsie transbronchique étagée des remaniements fibreux inflammatoires. Le bilan biologique avait éliminé une sarcoïdose, une maladie de système, un déficit immunitaire, une hémosidérose.

La reprise de l’interrogatoire avait montré un contact avec les oiseaux. La sérologie de la maladie du poumon d’éleveur d’oiseaux avait objectivé des arcs spécifiques des antigènes de déjections et plumes de pigeons positifs. Le diagnostic évoqué était une alvéolite allergique extrinsèque de type poumon d’éleveur d’oiseau.

La patiente était mise sous corticothérapie, digitaliques et anti-diurétiques mais malheureusement l’évolution était défavorable vu le retard diagnostique.

DISCUSSION

Les alvéolites allergiques extrinsèques (AAE), ou pneumopathies d’hypersensibilité représentent un groupe de maladies pulmonaires médiées par des mécanismes immunologiques et associées à l’exposition répétée à une grande variété de poussières organiques, suffisamment fines pour atteindre la périphérie du poumon (1). La liste des antigènes responsables s’est considérablement allongée depuis la description du « poumon de fermier » en 1929. Quel que soit l’agent causal, les AAE partagent un certain nombre de caractères communs, cliniques, radiologiques, histologiques et physiopathologiques. Les AAE peuvent être observées à tout âge chez l’enfant, mais l’âge le plus courant se situe autour de 10 ans (2). Quatre tableaux cliniques peuvent être individualisés (3) :

  • - les formes aigües sont caractérisées par un tableau clinique bruyant simulant une broncho-pneumopathie fébrile et débutant dans les heures suivant l’exposition. Elles s’accompagnent d’une altération de 'l’état général avec le plus souvent une perte de poids qui peut être très importante ;
  • - les formes subaigües sont les plus fréquentes. Elles sont marquées par un début progressif, une dyspnée d’effort ou de repos, une altération de l’état général et plus rarement une fièvre ;
  • - les formes chroniques témoignent le plus souvent d’un passage au stade fibrosant. Elles sont marquées par une dyspnée importante avec parfois cyanose, et par une altération de I’état général ;
  • - les formes suraigües sont rares et se manifestent par un tableau d’insuffisance respiratoire aigue, dans un climat hautement fébrile.

L’auscultation pulmonaire retrouve en règle des râles crêpitants aux deux bases pulmonaires parfois associés à des râles bronchiques. Le diagnostic d’AAE repose sur un faisceau d’arguments clinico-paracliniques:

  • 1-Preuve d’une exposition antigénique: interrogatoire + présence de plusieurs arcs spécifiques de plusieurs antigènes.
  • 2-Symptômes respiratoires compatibles: forme aiguë (syndrome pseudo grippal d’’apparition semi retardée) suivi d’une forme subaiguë (symptomatologie respiratoire peu spécifique avec altération de l’état général).
  • 3-Alvéolite lymphocytaire au Liquide broncho-alvéolaire.
  • 4-Spirométrie et transfert du CO dans la limite de la normale.
  • 5-Imagerie compatible avec les phases aiguë et subaiguë montrant de nombreux micro nodules centro-lobulaires flous bilatéraux distribués de manière homogène à l’’ensemble du parenchyme pulmonaire associés à des plages en verre dépoli.

Ces 5 critères réunis confirment le diagnostic selon le GERM’O’P, actualisés à partir de ceux proposés en 1986 par Terho (4). En l’absence du critère 5, il est licite d’’obtenirr une confirmation par des tests de provocation respiratoire et/ou histologique.

L’éviction totale et définitive de l’antigène est la principale mesure thérapeutique. La corticothérapie générale est nécessaire dans les stades aigus et subaigus.

Les lésions régressent lentement, en plusieurs mois. Si le dépistage de la maladie est tardif ou si l’exposition n’est pas stoppée, l’évolution peut être défavorable et il n’est pas sûr que les corticoïdes influencent le pronostic à long terme (5).

CONCLUSION

Il est important pour le radiologue et le clinicien de connaitre le diagnostic radio-clinique afin de la distinguer des autres diagnostics différentiels notamment la tuberculose fréquente dans notre contexte afin d’orienter la conduite à tenir, et d’éviter les désagréments d’un traitement par corticoïdes.

Références
  1. Ando M. [Pathogenesis and treatment of hypersensitivity pneumonitis]. Nihon Ishinkin Gakkai Zasshi. 2000;41:137-41 pubmed
  2. Molina C. Brun J. Alvéolites allergiques extrinsèques chez I’enfant. In: Paupe J, Scheinmann P, de Blic .I. eds. Allergologie pédiatrique. Paris : Flammarion Medecine-Sciences ; 1994. p 384-9.
  3. Jacques de Blic. Pneumologie pédiatrique. Wolters Kluwer France, 2002 - 331 pages.
  4. Terho EO. Diagnosis crieria for farmer’s lung disease. AM J Ind Med 1986; 10: 329.
  5. Roussel S, Reboux G, Dalphin JC, Piarroux R. Alvéolites allergiques extrinsèques et exposition aux moisissures. Rev Fr Lab 2005 ; 373 : 51-60.
ISSN : 2334-1009