Duplicité du tendon long abducteur du pouce à l’origine d’une ténosynovite de De Dequervain : à propos d’un cas
J Boukhris, O Margad, H Sallahi, O Azriouil, M Daoudi, K Koulali Idrissi
Service de Traumatologie Orthopédie – HMA – CHU Marrakech - Maroc
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.3.1534
Date
2016-06-09
Citer comme
Research fr 2016;3:1534
Licence
Résumé

Par la présente étude, nous rapportons le cas clinique d’un patient pris en charge au service de traumatologie-orthopédie de l’hôpital militaire Avicenne de Marrakech, pour une ténosyno-vite de De Quervain, secondaire à une duplicité du tendon long abducteur du pouce, et nous faisons une approche de cette affection, et ce pour démontrer à travers les résultats acquis, l’importance de la chirurgie comme traitement radical sans récidive.

English Abstract

We report in this article a case of a patient admitted in the department of Trauma-Orthopedics at the military hospital of Marrakech, for De Quervain’s tenosynovitis secondary to a duplicity of the long abductor tendon of the thumb. We describe the features of this disease and demonstrate through the results achieved the importance of surgery as radical treatment with-out recurrence.

Introduction

La ténosynovite de Dequervain (TSDQ) est une ténosynovite chronique sténosante du 1er compartiment digital postérieur en rapport avec une inadéquation entre le volume des tendons court extenseur (EPB), long abducteur du pouce (APL) avec leur poulie ostéofibreuse [1]. On doit la description clinique à Dequervain en 1895. Son diagnostic est essentiellement clinique, l’échographie est le seul examen complémentaire nécessaire. Son traitement est souvent mé-dical de première intention, la chirurgie qui était réservée aux cas rebelles ou récidivants peut être proposée dés le début notamment devant une anomalie morphologique [2], le cas de notre présente étude.

Duplicité du tendon long abducteur du pouce à l’origine d’une ténosynovite de De Dequervain : à propos d’un cas Figure 1
Figure 1. Tuméfaction de la styloïde radiale du poignet droit.
But du travail

Notre étude vise à faire une approche de cette affection, et ce pour démontrer à travers les ré-sultats acquis, l’importance de la chirurgie comme traitement radical sans récidive de cette affection.

Duplicité du tendon long abducteur du pouce à l’origine d’une ténosynovite de De Dequervain : à propos d’un cas Figure 2
Figure 2. Echographie montrant une synovite hypertrophique autour de l’APL entourée d’un épanchement.
Cas clinique

Les auteurs rapportent un cas de ténosynovite de Dequervain, chez un patient âgé de 28 ans, pilote de chasse, droitier, ayant consulté pour une tuméfaction en aval de la styloïde radiale du poignet droit (fig.1), à l’origine d’une limitation de la mobilité du pouce. Le test de Brunelli +, un test de Finkenstein +. La radiographie standard s’est avérée normale. L’échographie a objectivé une hypertrophie synoviale et un épanchement péritendineux (fig.2). L’exploration chirurgicale a objectivé une synovite hypertrophique (fig.3) autour d’un tendon du long ab-ducteur du pouce (APL) surnuméraire (fig.4 et 5). Le patient a bénéficié d’un traitement chi-rurgical de 1ère intention, le geste chirurgical a consisté à une synovectomie avec résection du tendon long abducteur du pouce surnuméraire (fig.6) et fixation du lambeau capsulaire au derme pour éviter une subluxation antérieure des tendons du compartiment extenseur.

Duplicité du tendon long abducteur du pouce à l’origine d’une ténosynovite de De Dequervain : à propos d’un cas Figure 3
Figure 3. La synovite hypertrophique autour de l’APL.
Resultats

Avec un recul de 12 mois, notre patient est satisfait avec un poignet indolore et reprise libre des activités professionnelles et sportives (fig.7).

Discussion

Décrite par De Quervain en 1895, la ténosynovite de De Quervain définie comme un conflit tendineux intratunellaire uni ou bi-compartimentale du 1er compartiment digital postérieur, représente l’une des principales causes des douleurs du bord radial du poignet [3]. Soulager le patient de cette douleur source d’inconfort et/ou d’impotence fonctionnelle était depuis l’ère de Dequervain le souci des praticiens.

Duplicité du tendon long abducteur du pouce à l’origine d’une ténosynovite de De Dequervain : à propos d’un cas Figure 4
Figure 4. L’APL principal (3 chefs) et l’APL surnuméraire.

Si la majorité d’entre eux plaident jusqu'à nos jours pour prise en charge médicale, d’autres néanmoins orientent leur attitude vers une chirurgie précoce comme traitement radical sans récidive.

La prise en charge médicale permet de soulager 80% des malades, elle n’est pas néanmoins dénuée de complications. En effet les infiltrations peuvent entraîner, surtout si elles sont répé-tées, des troubles de la pigmentation et des névrites des branches sensitives du nerf radial. Dans la série de Harvey, Harvey et Horsley [4], parmi les 63 poignets infiltrés, deux avaient développé une dépigmentation en regard de la zone d’injection du corticoïde et 3 avaient pré-senté une hyperesthésie transitoire dans le territoire du nerf radial.

Duplicité du tendon long abducteur du pouce à l’origine d’une ténosynovite de De Dequervain : à propos d’un cas Figure 5
Figure 5. Le tendon APL surnuméraire après résection (interposé entre deux corps charnus).

La rupture tendineuse par nécrose secondaire à l’injection intratendineuse du corticoïde reste la hantise de ce traitement conservateur [5]. Ainsi il nous parait évident que toutes ces études convergent vers l’idée que le succès du traitement médical par infiltration cortisoniques reste tributaire d’un nombre de paramètres dont la technique adoptée dans l’injection, la justesse du geste et la présence ou non de variations anatomiques notamment le cas de notre patient. Par ailleurs ce traitement dit conservateur est loin d’être dénué de complications.

Duplicité du tendon long abducteur du pouce à l’origine d’une ténosynovite de De Dequervain : à propos d’un cas Figure 6
Figure 6. Résultat post-opératoire (pas de luxation palmaire à l’abduction).

La chirurgie était classiquement réservée aux cas réfractaires [6]. Actuellement en analysant les études de la littérature ainsi que nos résultats, il nous semble évident que la chirurgie trouve largement sa place en matière de gestion thérapeutique de la ténosynovite de De Quer-vain et cela pour deux raisons principales :

  • - Les complications rencontrées au cours des infiltrations cortisoniques : Ces incidents avaient poussé de nombreux auteurs à remettre en question l’efficacité du traitement médical et à orienter leur attitude vers un geste chirurgical [5].
  • - La suppression complète de la symptomatologie de la ténosynovite de De Quervain et une évolution sans récidive ne peuvent être obtenues qu’en supprimant les facteurs anatomiques incriminés qui sont aussi bien la synovite hypertrophique comme lésion sténosante, que les variations anatomiques prédisposant à cette lésion [7].

Le VIET [8] avait rapporté entre 1983 et 1990 une série de 59 cas de ténosynovite de Dequer-vain, dont 49 (soit 83,59%) ont été opérés après échec du traitement médical. Parmi les cas opérés 33 (soit 55,9%) avaient eu au moins une infiltration.

Chez notre patient, le geste opératoire a été indiqué en première intention. L’incision était longitudinale faisant 2 cm de longueur. Aucun problème de cicatrisation n’était rapporté. Par ailleurs, la vue obtenue était excellente et nous a permis une exploration large et un geste aisé. Chez notre patient, nous avons réalisé avec succès la technique de fixation du lambeau capsu-laire au derme pour éviter une subluxation antérieure des tendons du compartiment extenseur et cela après la réalisation d’une synovectomie et résection de l’anomalie musculo-tendineuse avec un résultat postopératoire excellent et sans récidive.

Conclusion

A la lumière de nos résultats et ceux de la littérature, il parait clair que la chirurgie offre une solution efficace dans la gestion thérapeutique de la ténosynovite de Dequervain et mérite d’être considérée comme le traitement de 1ère intention dans le cas de variation anatomique notamment musculo-tendineuse.

Conflits d’interets

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts.

Références
  1. Moore J. De Quervain's tenosynovitis. Stenosing tenosynovitis of the first dorsal compartment. J Occup Environ Med. 1997;39:990-1002 pubmed
  2. Maffulli N, Wong J, Almekinders L. Types and epidemiology of tendinopathy. Clin Sports Med. 2003;22:675-92 pubmed
  3. Jacques Rodineau, Gérard Saillant: Pathologie traumatique du membre supérieur du spor-tif: convergences et divergences. 15ème journées de traumatologie du sport. 1997.
  4. Harvey F, Harvey P, Horsley M. De Quervain's disease: surgical or nonsurgical treatment. J Hand Surg Am. 1990;15:83-7 pubmed
  5. Yuen A, Coombs C. Abductor pollicis longus tendon rupture in De Quervain's disease. J Hand Surg Br. 2006;31:72-5 pubmed
  6. Lapidus P, Guidotti F. Stenosing tenovaginitis of the wrist and fingers. Clin Orthop Relat Res. 1972;83:87-90 pubmed
  7. de Quervain F. On the nature and treatment of stenosing tendovaginitis on the styloid process of the radius. (Translated article: Muenchener Medizinische Wochenschrift 1912, 59, 5-6). J Hand Surg Br. 2005;30:392-4 pubmed
  8. D. Le Viet, L. Lantieri: Ténosynovite de De Quervain: cicatrice horizontale et fixation du lambeau capsulaire. Revue de chirurgie orthopédique 1992, 78: 101-106.
ISSN : 2334-1009