Cause inhabituelle d’encéphalopathie toxique aigue
Badr Chaoui1 (chaouibadr at hotmail dot com) #, Rachida Dafiri2
1 Hôpital militaire d’instruction Mohamed V, Rabat, Maroc. 2 Service de radiologie pédiatrique, CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.5.2594
Date
2018-05-31
Citer comme
Research fr 2018;5:2594
Licence
Résumé

Introduction : La potentille ansérine est une plante utilisée depuis l’antiquité pour ses vertus médicinales. Nous rapportons le cas d’une encéphalopathie toxique secondaire à l’ingestion abusive de cette plante. Observation : Il s’agissait d’un nourrisson de 6 mois, sans antécédent particulier, amené en urgence dans un tableau respiratoire et digestif depuis deux jours, suite à une auto-médication par plante médicinale pour fièvre avec installation de trouble de conscience le jour de son admission. Une tomodensitométrie cérébrale a objectivé des anomalies de densité des noyaux gris centraux et du pons, en rapport avec la prise de toxique. Il fût décédé deux jours après son admission en réanimation. Conclusion : L’utilisation de la potentille ansérine doit être codifiée en particulier chez les enfants. La tomodensitométrie cérébrale joue un rôle important dans le diagnostic et le suivi de ces intoxications aigues.

English Abstract

Introduction: Potentilla anserina is a plant used since antiquity for its medicinal properties. We report the case of a toxic encephalopathy secondary to the excessive ingestion of this plant. Case: A 6-month-old infant, with no medical history, had been brought to emergencies for respiratory and digestive symptoms with fever following self-medication by potentilla anserine. Consciousness disorders occurred few hours after admission. Cerebral computed tomography showed abnormalities of density in the basal ganglia and pons, in relation with the toxic taking. He died two days later after admission to the intensive care unit. Conclusion: The use of potentilla anserina should be codified especially for children. Cerebral computed tomography plays an important role in the diagnosis and monitoring of these acute intoxications.

Introduction

Les encéphalopathies d’origine toxique chez l’enfant sont relativement fréquentes. Elles peuvent être iatrogènes ou bien liées à des substances non médicamenteuses. La sémiologie radiologique est similaire à celle de l’adulte, déterminée par des anomalies de signal dont la nature et la topographie doivent orienter et faire évoquer le diagnostic [1]. Néanmoins, aucun cas d’imagerie concernant l’encéphalopathie toxique secondaire à l’ingestion de potentilla anserina, n’a été rapporté dans la littérature.

Cause inhabituelle d’encéphalopathie toxique aigue Figure 1
Figure 1. TDM cérébrale après injection de produit de contraste iodé en coupe axiale, mettant en évidence la présence de deux lésions hypodenses de la capsule externe, bilatérale et symétrique.
Observation 

Nous rapportons le cas d’un nourrisson âgé de 6 mois admis dans notre formation dans un tableau de gêne respiratoire associée à des troubles digestifs avec ballonnement abdominal et diarrhée dans un contexte fébrile remontant à une semaine, suite au traitement traditionnel par la potentille ansérine par voie orale. L’évolution a été marquée par l’installation brutale de troubles de conscience motivant la consultation aux urgences et conduisant son hospitalisation au service de réanimation. Une tomodensitométrie cérébrale a mis en évidence la présence de deux lésions hypodenses de la capsule externe bilatérale et symétrique (Figure 1) associée à une atteinte protubérantielle (Figure 2) à type de plage hypodense sans signe de rehaussement après injection de produit de contraste. Devant le contexte et l’aspect en imagerie, le diagnostic d’encéphalopathie toxique liée à l’ingestion de potentille ansérine, a été retenu. Il fût hospitalisé en réanimation médicale. L’évolution a été fatale au bout du deuxième jour d’admission.

Cause inhabituelle d’encéphalopathie toxique aigue Figure 2
Figure 2. TDM cérébrale après injection de produit de contraste iodé en coupe sagittale, objectivant une hypodensité protubérantielle ne se rehaussant pas après injection de produit de contraste.
Discussion 

La potentille ansérine est une herbe médicinale appartenant à la famille des rosaceae utilisée pour ses effets antipyrétique, antalgique, hémostatique et antispasmodique. Une exposition prolongée et non contrôlée peut se greffer de complications plus ou moins importantes en fonction de la durée d’exposition et de la dose administrée.

Les leucoencéphalopathies d’origine toxiques chez l’enfant peuvent être liées à de nombreux agents parmi lesquels la radiothérapie, diverses chimiothérapies et toxines environnementales (champignons, hallucinogènes,…). Les encéphalopathies toxiques non médicamenteuses sont nombreuses et variées, et résultent d’intoxications involontaires ou volontaires, mais peu ont des traductions en imagerie [1]. L’éthanol et le monoxyde de carbone sont les intoxications les plus fréquentes responsables de modifications très évocatrices en IRM. L’éthanol est responsable de plusieurs encéphalopathies aiguës ou subaiguës (la maladie de Marchiafava-Bignami, la myélinolyse centro-pontique ou l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke) avec des lésions spécifiques en IRM. Le monoxyde de carbone reste une cause fréquente d’intoxication aiguë avec une mortalité importante sinon des séquelles telles que le syndrome extrapyramidal ou le syndrome démentiel [1].

Les encéphalopathies par plantes médicinales sont peu documentées, particulièrement la potentille ansérine pour laquelle aucun cas n’a été rapporté dans la littérature.

Sur le plan clinique, l’encéphalopathie toxique peut se manifester par une confusion mentale, des troubles du comportement, des troubles de la vigilance allant de l’obnubilation au coma profond, des myoclonies et des crises d’épilepsie. Devant ces signes, une imagerie cérébrale par tomodensitométrie ou IRM est préconisée, que le contexte toxique soit évident ou non [2].

La sémiologie radiologique est similaire à celle de l’adulte. L’imagerie permet d’approcher la nature de la lésion (œdème cytotoxique, œdème vasogénique, nécrose, démyélinisation) et apporte des éléments fondamentaux pour le pronostic [3]. L’IRM constitue l’examen de référence en cas d’encéphalopathie toxique. La nature et la topographie des lésions et des anomalies de signal peuvent constituer un élément fondamental pour l’orientation diagnostique [4].

La réflexion diagnostique doit alors reposer sur l'évocation systématique de chacune des étiologies. Dans tous les cas, l'amélioration clinique après la mise en place du traitement est un élément essentiel pour confirmer le diagnostic. Dans notre cas, le nourrisson n’a pas survécu jusqu’à la réalisation de l’IRM.

Conclusion

La potentille ansérine est très utilisée en médecine traditionnelle dans notre pays. Elle est connue pour ses effets antipyrétique, antalgique, hémostatique et antispasmodique. Le diagnostic d’encéphalopathie toxique doit être évoqué devant l’histoire clinique mais aussi devant les anomalies retrouvées à l’imagerie : atteinte préférentielle des noyaux gris centraux, bilatérale et symétrique.

Conflits d'intérêts

Les auteurs ne déclarent aucuns conflits d'intérêts

Références
  1. Vargas M, Lenz V, Bin J, Bogorin A, Abu Eid M, Jacques C, et al. [Brain MR imaging of chronic alcoholism]. J Radiol. 2003;84:369-79 pubmed
  2. Dubas F, Verny C. Encéphalopathies métaboliques et toxiques. Elsevier, édit. Éditions Techniques. Encycl Méd Chir, Neurologie, 17-055-A-70, 1996, 9p. Disponible à partir du: www.em-consulte.com/article/2436/encephalopathies-metaboliques-et-toxiques
  3. Valk J, van der Knaap M. Toxic encephalopathy. AJNR Am J Neuroradiol. 1992;13:747-60 pubmed
  4. Lang C. The use of neuroimaging techniques for clinical detection of neurotoxicity: a review. Neurotoxicology. 2000;21:847-55 pubmed
ISSN : 2334-1009