Méningovascularite aigue syphilitique chez une jeune femme immunocompétente
Aouatef El Midaoui (aouatef dot tim at hotmail), Siham Bouchal, Moussa Toudou, Mouhamed faouzi Belahsen
Service de Neurologie, CHU Hassan II, FES, Maroc
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.2.1431
Date
2015-07-06
Citer comme
Research fr 2015;2:1431
Licence
Résumé

La neurosyphilis est une infection du système nerveux central (SNC) qui connait une recrudescence en particulier chez les patients immunodéprimés. Nous rapportons le cas d'une femme âgé de 46 ans qui n’a pas d’antécédent pathologique, admise pour état de mal épileptique (EME) fébrile avec hémiplégie et paralysie faciale droites. L’imagerie cérébrale a objectivé des lésions ischémiques dans le territoire carotidien et vertébro-basilaire. La ponction lombaire a mis en évidence une méningite lymphocytaire. Devant le tableau de méningovascularite aigue, une sérologie syphilitique a été demandée, qui s’est révélée positive dans le sang et le liquide céphalo-rachidien. La sérologie HIV était négative. La patiente a été traitée par la benzylpénicilline et un antiépileptique avec amélioration et disparition des crises épileptiques. Ensuite, elle a été réadmise pour EME secondaire à un arrêt du traitement et fût décédée. Notre observation souligne l’intérêt de demander la sérologie syphilitique devant tout tableau d’AVCI du sujet jeune. La survenue chez une jeune femme immunocompétente de ce tableau neurologique aigu dans un contexte fébrile avec à l’IRM cérébrale de multiples AVCI nous a orienté vers une endocardite infectieuse sur une valvulopathie rhumatismale qui reste la première étiologie d’AVCI à cet âge dans notre pays. Donc le clinicien doit être vigilant et la neurosyphilis doit être évoquée quelque soit le tableau neurologique même atypique qui n’a pas fait sa preuve chez un sujet jeune immunocompétent.

English Abstract

The neurosyphilis is an infection of the central nervous system (CNS), which recognizes a particular increase in immunocompromised patients. We report the case of a 46 year old woman who had no medical history, admitted for status epilepticus with hemiplegia and right facial paralysis. Brain imaging revealed ischemic lesions in the carotid and vertebral basilar territory. Lumbar puncture revealed lymphocytic meningitis. Syphilis serology was positive in blood and cerebrospinal fluid. The HIV serology was negative. The patient was treated by benzylpenicillin and an antiepileptic drug with improvement. But she was readmitted for status epilepticus following discontinuation of treatment and died. Our case emphasizes on the importance of syphilis serology in cases of ischemic stroke in young patients.

Introduction

La neurosyphilis est une infection bactérienne par le Treponema pallidum du système nerveux central qui est devenue rare depuis l’avènement de la pénicilline et grâce au dépistage et au traitement de la syphilis dans sa phase primaire. Cependant, elle connait dernièrement une réémergence dans le monde surtout avec l’augmentation de l’incidence de l’infection par le virus d’immunodéficience humaine (VIH). Elle peut toucher les différentes parties de système nerveux ce qui explique la variabilité de son expression clinique et radiologique. Il convient donc d’évoquer cette pathologie curable qui se présente rarement dans sa forme classique du tabès ou parésie générale, mais avec des signes et des symptômes atypiques [1, 2].

Nous rapportons un cas de méningovascularite syphilitique révélée par un état de mal épileptique chez une femme immunocompétente.

Méningovascularite aigue syphilitique chez une jeune femme immunocompétente  Figure 1
Figure 1. TDM cérébrale C- et C+ montrant des hypodensités (flèches) cortico-sous-corticales frontale et pariétale gauches et qui ne prennent pas le contraste.
Observation

Mme R.H âgée de 46 ans, sans antécédent pathologique notable, était admise aux urgences le 02/01/2015 pour un état de mal épileptique. L’examen avait trouvé une patiente inconsciente GCS à 8, fébrile à 39,6°C avec une hémiplégie droite et paralysie faciale centrale. Le scanner cérébral a montré une hypodensité cortico-sous-corticale hémisphérique gauche (Figure 1).

Méningovascularite aigue syphilitique chez une jeune femme immunocompétente  Figure 2
Figure 2. IRM cérébrale révélant des accidents vasculaires cérébraux ischémiques un dans le territoire carotidien gauche et un autre cérébelleux droit avec une prise de contraste méningée.

L’étude du liquide céphalorachidien mit en évidence une méningite avec 48 éléments blancs lymphocyataire normoglycorachique et normoproteinorachique. Le bilan biologique a montré une CRP à175.

Une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale avec des séquences d’angio-IRM artérielles (ARM) fut réalisée, montrant des infarctus multiples dans les territoires carotidiens et vértébro-basilaires (Figure 2).

Le diagnostic de méningovasculairite a été retenu. Une échographie cardiaque n’a pas montré des signes en faveur d’endocardite infectieuse. Un bilan immunologique était négatif. L’étude des sérologies a révélé une sérologie de syphilis positive dans le sang (VDRL à 1/32 et TPHA à 2560) et dans le LCR (VDRL à 1/8 et TPHA à 1280). La sérologie HIV est négative.

Le diagnostic d’une méningovascularite syphilitique a été retenu et un traitement par Pénicilline G avec une corticothérapie et des antiépileptiques a permit une amélioration clinique spectaculaire : la patiente a repris la conscience avec récupération progressive de déficit de l’hémicorps droit et elle gardait à sa sortie des troubles de langage et quelques troubles de comportement. La patiente a refait 15 jours après sa sortie un EME suite à un arrêt du traitement antiépileptique et elle a fait une mort subite.

Discussion

Les vascularites du système nerveux central sont rares et potentiellement graves. Elles posent souvent une difficulté diagnostique et thérapeutique. L’enjeu principal devant une vascularite cérébrale est de distinguer entre une vascularite secondaire d’une vascularite primitive. Ainsi le bilan étiologique doit être exhaustif, afin d’écarter toutes les causes possibles d’une vascularite secondaire notamment les causes infectieuses, qui nécessitent un traitement spécifique précoce et qui sont de bon pronostic par rapport aux vascularites cérébrales primitives [3, 4].

La syphilis est une infection à Treponema pallidum, sexuellement transmissible le plus souvent. La neurosyphilis, représente la principale manifestation de syphilis tertiaire.

Cliniquement, la neurosyphilis est décrite comme la grande simulatrice, revêt des aspects trompeurs pouvant rendre son diagnostic difficile. Sur le plan physiopathologique, l’atteinte du SNC peut être soit méningée responsables d’une méningite aigue ou chronique, soit vasculaire responsable des accidents vasculaires ischémiques ou parenchymateuse s’exprimant classiquement par la paralysie générale et le tabès [1, 5].

La Neurosyphilis touche les deux sexes. La particularité de notre observation est que c’est le seul cas de Neurosyphilis diagnostiqué chez une femme dans notre service par rapport à 85 patients de sexe masculin colligés durant 10 ans.

Environ 10% des patients atteints de neurosyphilis et presque 3% de tous les patients de syphilis présentent un accident vasculaire cérébral [6]. Ces patients qui sont plus jeunes pour ceux ayant un AVC athéromateux ou cardio-embolique. Dans une étude, jusqu'à 74% de cette catégorie de patients étaient âgés de moins de 50,7 ans et donc la sérologie syphilitique devraient être demandé devant tout AVC du sujet jeune qui n’a pas fait son preuve [6].

Le territoire vasculaire carotidien est plus touché que le territoire vertébro-basilaire [5]. Chez notre patiente les deux territoires sont concernés [6].

Notre cas illustre la diversité des symptômes neurologiques qui peuvent révéler la neurosyphilis.

Dans la neurosyphilis, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) du SNC met souvent en évidence une atrophie cérébrale cortico-sous-corticales touchant préférentiellement les lobes frontaux et temporaux. Elle peut montrer aussi des hypersignaux T2 intéressant le système limbique, ou des lésions d’artérite. Des lésions nodulaires (gommes syphilitiques) parenchymateuses, méningées ou rarement médullaires sont aussi décrites. Cependant aucune des anomalies décrites n’est pathognomonique de la neurosyphilis. L’IRM peut être normale [7].

Le diagnostic de certitude repose sur l’analyse du LCR avec sérologie syphilis dans le LCR. Les anomalies les plus caractéristiques dans le LCR sont une pleiocytose modérée, une hyperproteinorachie, un test VDRL et TPHA positifs. La positivité du VDRL dans le LCR est très spécifique mais de sensibilité moindre. En revanche, le TPHA-LCR a une forte valeur prédictive négative [1].

Le traitement classique repose sur la pénicilline G intraveineuse à raison de 12 millions d’unités par jours pendant 14 jours sur une durée de 12 à 24 mois en fonction de la sérologie syphilitique dans le LCR [8].

En cas d’allergie la doxycycline 200 mg/j ou la tétracycline2g/j sont efficaces et prescrites durant 4 semaines. La Céftriaxone est une alternative intéressante mais non encore validée [8].

Conclusion

Le diagnostic de Neurosyphilis reste un défi en raison de son polymorphisme clinique, il faut y penser devant un tableau neurologique même atypique. Le pronostic peut être très meilleur avec une récupération presque complète si le traitement approprié est commencé tôt.

Declarations
Références
  1. Timmermans M, Carr J. Neurosyphilis in the modern era. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 2004;75:1727-30 pubmed
  2. Kayal A, Goswami M, Das M, Paul B. Clinical spectrum of neurosyphilis in North East India. Neurol India. 2011;59:344-50 pubmed publisher
  3. Zuber M, Blustajn J, Arquizan C, Trystram D, Mas J, Meder J. Angiitis of the central nervous system. J Neuroradiol. 1999;26:101-17 pubmed
  4. de Boysson H, Faivre A, Pagnoux C. [Cerebral vasculitides]. Presse Med. 2012;41:1071-83 pubmed publisher
  5. Singh A, Romanowski B. Syphilis: review with emphasis on clinical, epidemiologic, and some biologic features. Clin Microbiol Rev. 1999;12:187-209 pubmed
  6. Abkur T, Ahmed G, Alfaki N, O'CONNOR M. Neurosyphilis presenting with a stroke-like syndrome. BMJ Case Rep. 2015;2015: pubmed publisher
  7. Peng F, Hu X, Zhong X, Wei Q, Jiang Y, Bao J, et al. CT and MR findings in HIV-negative neurosyphilis. Eur J Radiol. 2008;66:1-6 pubmed
  8. Bourazza A, Kerouache A, Reda R, Mounach J, Mosseddaq R. [Meningovascular syphilis: study of five cases]. Rev Neurol (Paris). 2008;164:369-73 pubmed publisher
ISSN : 2334-1009