Une polymalformation congénitale rénale rare révélée par un calcul urinaire : A propos d’un cas
IDM Yevi1, MM Agounkpé1, Nsounfon Y Ngapna1, DGJ Avakoudjo1, G Natchagandé1, DG Gbessi2, NO Bonou3, O Biaou3, PP Hounnasso1
1 Clinique universitaire d’urologie andrologie du CNHU-HKM Cotonou. 2 Clinique universitaire de chirurgie viscérale du CNHU-HKM Cotonou. 3 Clinique universitaire de radiologie du CNHU-HKM Cotonou
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.4.2266
Date
2017-04-27
Citer comme
Research fr 2017;4:2266
Licence
Résumé

Introduction : En l'absence de suivi prénatal, les malformations rénales sont souvent révélées à l'âge adulte ou à la suite de complications. Le défi du traitement conservateur reste permanent, surtout dans les pays où la transplantation n'est pas encore pratiquée. Observation : Nous rapportons le cas d'une patiente âgée de 22 ans, admise pour une anurie depuis trois jours accompagnée de signes digestifs. A l'examen clinique, il existait une masse hypogastrique droite, ferme, immobile et indolore. L’échographie abdomino-pelvienne et la tomodensitométrie abdomino-pelvienne sans injection ont objectivé un gros rein unique droit pelvien, avec dilatation des cavités rénales, et présence d'un calcul urétéral de 9 mm de diamètre. En outre, il y avait une dysrotation du rein avec un hile en position crânienne. Le traitement d'urgence consistait en une lithotomie ouverte. Le développement a été marqué par une amélioration de l'état clinique et de la fonction rénale. Un retrait du stent double J a été effectué 3 mois plus tard. Conclusion : La découverte en phase d'insuffisance rénale obstructive sévère par calcul enclavé reflète la gravité de ce cas.

English Abstract

Introduction: In the absence of antenatal follow-up, renal malformations are often revealed in adulthood at complicated stages. The challenge of treatment is to be as conservative as possible especially in countries where transplantation is not yet practiced. Observation: We report the case of a 22-year-old female patient admitted for anuria since 3 days with digestive signs. The clinical examination has found a firm fixed and painless hypogastric mass. Abdomino-pelvic ultrasound and a non-injection abdomino-pelvic CT scan revealed the presence of a large single kidney localized in the right pelvis with dilation of the renal cavities and a ureteral lithiasis of 9mm. There was a mal-rotation of the kidney with the hilum in the cranial position. Emergency treatment consisted of an open lithotomy. The evolution was favorable with an improvement of the clinical status and the renal function. A removal of double J stent was performed 3 months later. Conclusion: The discovery in phase of severe obstructive renal insufficiency by enclosed lithiasis reflects the seriousness of this case.

Introduction

Les malformations rénales sont diverses [1]. Elles peuvent être liées à la structure, à la topographie et au nombre. L’existence de l’une de ces malformations expose le rein à des complications variables mettant en jeu le pronostic fonctionnel voire vital du porteur. La rareté de ces malformations est à l’origine de leur découverte fortuite ou le plus souvent à l’occasion de complications. La prise en charge dans ce cas reste délicate surtout lorsque cette malformation survient sur un rein unique. Le dépistage anténatal permettrait de mieux prendre en charge les problèmes du rein ayant une anatomie particulière en position ectopique. Les auteurs rapportent un cas d’insuffisance rénale obstructive sur rein unique ectopique lithiasique.

Une polymalformation congénitale rénale rare révélée par un calcul urinaire : A propos d’un cas Figure 1
Figure 1. Scanner abdomino-pelvien sans injection de produit de contraste montrant les loges rénales vides, le rein unique pelvien et la lithiase de 9 mm.
Observation

Il s’agissait d’une patiente de 22 ans, résidant dans le nord du Bénin au climat sahélien, sans antécédent particulier, admis pour anurie avec constipation, vomissement, douleur abdominale, et fièvre non chiffrée évoluant depuis 3 jours. Il ne présentait pas des signes urinaires du bas appareil. On notait une masse hypogastrique latéralisée à droite, ferme, immobile et indolore. L’échographie abdomino-pelvienne et le scanner abdomino-pelvien sans injection ont révélé la présence d’un gros rein unique pelvien droit avec dilatation des cavités rénales et la présence d’une lithiase urétérale de 9mm de diamètre. Par ailleurs, il existait une mal-rotation du rein avec le hile en position crâniale. Les loges rénales gauche et droite sont vides comme on peut le constater (Figures 1,2).

Une polymalformation congénitale rénale rare révélée par un calcul urinaire : A propos d’un cas Figure 2
Figure 2. Scanner abdomino-pelvien sans injection de produit de contraste montrant la dilatation du pyélon à 27 mm.

La créatininémie était à 118mg/L (10384µmol/l) et l’urée à 1,52g/L. A l’hémogramme, il y avait une anémie à 10g/dl. Devant ce tableau, une urétéro-lithotomie droite a été réalisée en urgence. En peropératoire, on retrouvait un rein pelvien droit mal roté, comportant un pyélon. On a repèré le calcul au niveau de la jonction urétéro-vésicale et on a procède à son ablation en passant par la voie extra-vésicale et la mise en place d’une sonde JJ dans l’uretère. Le calcul était brun, très dur, de forme régulière, circulaire, évoquant l’aspect d’un calcul oxalo-calcique sous réserve d’une analyse spectrophotométrique non disponible. Les suites opératoires avaient été marquées par une amélioration de la fonction rénale, au septième jour. L’urémie à 0,3g/L et la créatininémie à 7mg/L. Un uroscanner avec injection avait été réalisé montrant une diminution de la dilatation pyélo-calicielle, le rein mesurant 10,4 cm x 7,1 cm x 6,2cm bien différencié. La sonde JJ était en place (Figures 3, 4).

Une polymalformation congénitale rénale rare révélée par un calcul urinaire : A propos d’un cas Figure 3
Figure 3. Uroscanner réalisé après urétérolithotomie montrant la sonde JJ en place.

Au huitième jour post-opératoire, le patient avait présenté une pyélonéphrite aigue droite à Eschericha Coli (identifié à l’examen cytobactériologique des urines). Mis sous antibiothérapie (thiamphénicol), l’évolution avait été satisfaisante sans recours à l’ablation de la sonde JJ. Le patient revu 2 mois après sa sortie, n’avait présenté aucune complication avec une urémie à 0,18g/L et une créatininémie à 12mg/L. L’ablation de la sonde JJ a été faite 3 mois après l’intervention chirurgicale.

Une polymalformation congénitale rénale rare révélée par un calcul urinaire : A propos d’un cas Figure 4
Figure 4. Uroscanner réalisé après urétérolithotomie montrant la diminution de la dilatation du pyélon à 11mm.
Discussion

La méconnaissance de la malformation rénale par le patient et son entourage est source de plusieurs égarements diagnostiques à l’occasion de complications [2]. Contrairement aux études d’Abouteib et al. [3], les manifestations n’étaient pas, au début, évocatrices d’une lithiase urétérale, ce qui rend ce cas complexe, en tenant compte du fait que le rein soit unique. Notre patient a présenté au début de la symptomatologie des signes généraux d’infection et des signes digestifs. Lorsque l’anomalie est longtemps méconnue, elle fait le lit à d’autres complications comme la survenue de la lithiase chez notre patient. Les lithiases urinaires sont favorisées par plusieurs facteurs dont l’anomalie anatomique mise en évidence dans notre cas.

La malformation rénale chez notre patient concerne plusieurs aspects. Elle est avant tout topographique avec une localisation pelvienne. Le rein pelvien est rapporté dans un cas sur 2000 à 3000 sur série autopsique [1]. L’unicité de ce rein l’expose d’emblée à une insuffisance rénale sévère devant tout facteur obstructif. Il n’existe pas dans ce cas de suppléance d’un rein controlatéral.

La mise en évidence de ces anomalies nécessite l’apport de l’imagerie qui est limitée en cas d’insuffisance rénale. L’échographie est l’examen le plus accessible puisqu’il est le moins invasif. Elle reste de première intention [4]. Dans notre cas l’apport du scanner sans injection a été capital puisque l’obstacle était lithiasique.

L’objectif du geste chirurgical est de lever l’obstacle dans un bref délai. La prise en charge des lithiases urinaires est de nos jours bien codifiée avec d’importants moyens moins invasifs. Dans le cas de malformations rénales, l’urétéro-rénoscopie est réalisée en première intention [4]. Ceci n’a pas été le cas dans notre étude, où il était nécessaire de procéder à une désobstruction chirurgicale réalisée en urgence à ciel ouvert du fait du manque de matériel, et aussi à cause de l’anurie obstructive qui est un état d’insuffisance rénale aigue par obstruction des voies urinaires supérieures. La mise en place de la sonde JJ permet d’assurer un bon drainage de la voie excrétrice et en cas de chirurgie ouverte une cicatrisation harmonieuse sans sténose. Les recommandations sur la prise en charge des lithiases en cas de rein unique sont identiques aux recommandations chez le sujet normal [1]. Quand il est pelvien, la prise en charge doit tenir compte des rapports anatomiques avec le risque de léser les intestins dans les néphrolithotomies percutanées [1]. La position de l’os iliaque constitue un obstacle pour les ondes si on sollicite la lithotritie extra-corporelle en l’absence d’obstruction. La prise en charge thérapeutique des maladies du rein ectopique pelvien dépend de la maladie elle-même et de son impact. L’évolution sans traitement pouvait conduire à une hydronéphrose géante et une insuffisance rénale chronique voire terminale. Une approche conservatrice doit être considérée si la fonction rénale le permet, surtout dans notre contexte où la transplantation rénale n’est pas encore pratiquée [5].

A défaut de la spectrophotométrie, la nature du calcul n’a été évoquée que sur la base de son aspect macroscopique pour une orientation globale de la prise en charge pour éviter la récidive.

Conclusion

Le dépistage anténatal des malformations rénales doit être pratiqué quotidiennement par les professionnels de santé responsables des consultations prénatales pour permettre d’anticiper s la prise en charge des différentes situations pathologiques qui en découlent, en particulier les lithiases urinaires, dont la méconnaissance peut se révéler par une insuffisance rénale chronique ou une insuffisance rénale aigue obstructive.

Références
  1. Traxer O, Lechevallier E, Saussine C. [Urolithiasis with complex or anomalous renal anatomy]. Prog Urol. 2008;18:992-6 pubmed publisher
  2. Aboutaieb R, Rabii R, el Moussaoui A, Joual A, Sarf I, el Mrini M, et al. [Lithiasis and ectopic pelvic kidney. Therapeutic aspects]. J Urol (Paris). 1996;102:229-32 pubmed
  3. Chen Z, Wei S, Cai S. [Attentive problem in the clinic about acute obstructive anuria at upper urinary tract]. Zhonghua Wai Ke Za Zhi. 2004;42:55-7 pubmed
  4. Carpentier X, Meria P, Bensalah K, Chabannes E, Estrade V, Denis E, et al. [Update for the management of kidney stones in 2013. Lithiasis Committee of the French Association of Urology]. Prog Urol. 2014;24:319-26 pubmed publisher
  5. Hsieh M, Ku M, Tsao T, Chen S, Chao Y, Tsai J, et al. Rare case of atrophic ectopic kidney with giant hydronephrosis in a 7-year-old girl. Urology. 2013;81:655-8 pubmed publisher
ISSN : 2334-1009