Une myiase du cuir chevelu à Wohlfahrtia magnifica: à propos d’un cas
E El Mezouari1 (Mezouari dot mostafa at gmail dot com) #, H A Lamrani1, O Hocar2, N Akhdari2, S Amal2, R Moutaj1
1 Service de Parasitologie Mycologie, Hôpital Militaire Avicenne, Marrakech, Maroc. 2 Service de Dermatologie, CHU Mohamed VI, Marrakech, Maroc
# : auteur correspondant
DOI
//dx.doi.org/10.13070/rs.fr.1.956
Date
2014-07-15
Citer comme
Research fr 2014;1:956
Licence
Résumé

Introduction : nous rapportons un cas de myiase du cuir chevelu associée à une teigne inflammatoire, diagnostiqué au service de parasitologie-mycologie de l’hôpital militaire Avicenne de Marrakech. Observation : il s’agissait d’un enfant âgé de 8 ans, qui a consulté pour des lésions furonculeuses accompagnées de chute des cheveux, évoluant sans adénopathie et sans fièvre depuis deux mois. L’enfant a été adressé au laboratoire pour une suspicion de teigne inflammatoire du cuir chevelu. À la réalisation du prélèvement mycologique, l’éclatement d’un bouton a permis la sortie de formes mobiles blanchâtres, identifiées par la suite sous la loupe comme larves de stade 3 d’une mouche : Wohlfahrtia magnifica. L’examen mycologique direct de l’atteinte pilaire été de type microide. La culture a permis l’isolement et l’identification de Trichophyton mentagrophytes. Discussion les myiases du cuir chevelu ne sont pas exceptionnelles. Ce sont des parasitoses liées aux conditions socio-économiques et la vie en proximité des bétails comme c’était le cas de notre patient. La prophylaxie reste le meilleur moyen pour lutter contre les myiases. Elle se base essentiellement sur l’enquête épidémiologique et le respect des règles d’hygiène générales. Conclusion : l’examen mycologique d’une teigne est doublement fondamental. Il peut être surprenant en montrant une surinfection parasitaire dont le traitement est différent de celui de l’atteinte pilaire.

Introduction

Les myiases sont des parasitoses dues au développement chez l’Homme et les animaux de larves de mouches. La teigne inflammatoire, elle, est une mycose du cuir chevelu causée par des dermatophytes zoophiles ou telluriques ; et qui constitue un terrain favorable à la surinfection non-fongique [1]. L’objectif de ce travail est d’étudier les aspects épidémiologiques des myiases sous-cutanées furonculeuses à travers un cas rare de myiase du cuir chevelu à Wohlfahrtia magnifica diagnostiqué au service de parasitologie mycologie de l’hôpital militaire Avicenne de Marrakech.

Une myiase du cuir chevelu à Wohlfahrtia magnifica: à propos d’un cas Figure 1
Figure 1. Teigne inflammatoire à l’admission.
Observation

Le cas colligé est celui d’un enfant âgé de 8 ans habitant la localité de Demnate (milieu rural) située à 80 kilomètres de la ville de Marrakech consultant pour des lésions furonculeuses accompagnées de chute des cheveux, évoluant sans adénopathies et sans fièvre depuis deux mois. L’examen clinique ophtalmologique et oto-rhino-laryngologique était normal. L’enfant a été adressé à notre laboratoire pour une suspicion de teigne inflammatoire du cuir chevelu (figure 1). Durant le prélèvement mycologique, l’éclatement d’un bouton a permis la sortie de formes mobiles blanchâtres (figure 2). Les larves récupérées ont été immédiatement fixées à l’alcool à 70 %, puis chauffées à 90 °C avec 5 % de glycérine. Il s’agissait de deux larves stade L3. Les aspects macroscopiques et microscopiques ont permis d’identifier comme des larves de Wohlfahrtia magnifica selon les critères de Zumpt [2]. L’examen macroscopique des larves a révélé des structures blanchâtres, glabres, de forme conique avec une extrémité antérieure effilée avec des crochets buccaux visiblement séparés, de couleur noirs. L’examen microscopique a montré un corps segmenté portant des épines marron. L’extrémité postérieure tronquée était munie de deux plaques de stigmates respiratoires, placées dans une cavité profonde dissimulée, formée uniquement par l’anneau postérieur. Les stigmates étaient constitués de fentes droites rectilignes légèrement verticales. À l’extrémité antérieure, deux plaques stigmatiques comprenant chacune quatre lobes étaient disposées symétriquement. Le diagnostic de myiase à W. magnifica a été posé en associant les données cliniques, épidémiologiques et morphologiques des larves prélevées.

Une myiase du cuir chevelu à Wohlfahrtia magnifica: à propos d’un cas Figure 2
Figure 2. Sortie de la larve après prélèvement.

L’examen mycologique direct de l’atteinte pilaire a été de type microide. La culture a permis isolement et identification de Trichophyton mentagrophytes. L’évolution a été bénigne après l’extraction de toutes les larves au sein du laboratoire de Parasitologie Mycologie. Le traitement a été instauré au service de dermatologie associant un antibiotique (amoxicilline + acide clavulanique) durant une semaine suivi d’un traitement antifongique : Griséofulvine 25mg/kg/j pendant 6 semaines. L’évolution a été favorable après un mois de traitement.

Discussion

Les myiases du cuir chevelu ne sont pas exceptionnelles, car leurs conditions de survie y sont favorables [3]. Elles se localisent souvent au vertex qui, du fait de son émergence, reste la partie la plus exposée [4]. La localisation est en général ubiquitaire, mais les parties du corps les plus touchées sont le visage et le dos. Ainsi la présente localisation du cuir chevelu est cependant beaucoup moins rencontrée lorsqu’il s’agit de myiases à Wohlfahrtia magnifica.

La répartition géographique actuelle de Wohlfahrtia magnifica est très large. Elle s’étend du pourtour méditerranéen à la Russie, où elle est responsable de nombreuses wohlfahrtioses animales et rarement humaines [5]. Les adultes de Wohlfahrtia magnifica ont une activité diurne favorisée par l’ensoleillement; leur activité est maximale entre le mois de mai et le mois d’octobre. La femelle dépose des larves de premier stade sur le bord des blessures ou au niveau des cavités naturelles de l’hôte. Après deux mues, les larves quittent l’hôte et tombent sur le sol où se déroule la pupaison en conditions favorable durant 5 à 7 jours pour aboutir à la forme adulte [3].

Le diagnostic de myiase furonculoide est clinique puisque les manifestations engendrées par cette parasitose sont typiques. Il s’agit de papule ou de nodule, mais l’aspect classique le plus retrouvé est celui d’un furoncle qui ne mûrit pas [5]. L’affection touche le plus souvent les éleveurs et les touristes [6].

L’homme se contamine par contact direct avec la larve, ou plus souvent à travers le linge mouillé. La larve pénètre activement la peau en une minute sans aucune douleur. Après une à deux semaines, le développement est complet et la larve quitte son hôte et tombe sur le sol, se transformant en pupe, puis en mouche adulte. Dans notre observation, la contamination est fort probable liée à l’odeur dégagée par le cuir chevelu atteint de teigne inflammatoire surinfectée et qui a attiré la mouche [5].

Medicament Classe pharmaceutique Indication
IvermectineLactone macrocycliqueMyiase cutanée à Hypoderma sp. et Cochliomyia  homnivorax
Turpentine minéralHuile minéraleMyiase cutanée à Chrysoma sp
EthanolAlcoolMyiase cutanée à Cochliomyia homnivorax
Tableau 1. Les principaux médicaments larvicides utilisés pour le traitement des myiases cutanées chez l’Homme [12].

Le diagnostic différentiel est souvent difficile. Les espèces les plus souvent responsables de myiases furonculoides sont Cochliomyia anthropophaga ou ver de Cayor en Afrique et Dermatobia hominis en Amérique [7]. Dans les pays méditerranéens y compris le Maroc, deux espèces sont incriminées dans les myiases chez l’animal, Oestrus sp. et Wohlfahrtia sp. Pour différencier, le diagnostic parasitologique se base sur l’étude macroscopique et microscopique des larves extraites de la lésion.

Le traitement des myiases sous-cutanées repose essentiellement sur l'extraction mécanique de la larve parfois après occlusion vaselinée entrainant une anoxie et favorisant la sortie de la larve ou l’extirpation chirurgicale par l’application du lindane à 3 %, soit par irrigation à l’aide d’une solution d’eau physiologique, soit à l’aide de fines pinces, soit à l’aide d’une coton tige humidifiée.

Des auteurs ont testé une suspension d’ivermectine diluée à 10% dans du propylène glycol chez des patients présentant des myiases dues à Cochliomyia homnivorax et à Dermatobia hominis (tableau 1). Les douleurs disparaissaient en une heure. L’immobilisation des larves était objectivée entre une et deux heures, entraînant parallèlement une sédation des douleurs [8] [9].

Dans le cas de notre patient : une myiase associée à une teigne inflammatoire nécessite l’instauration d’une antibiothérapie à large spectre pendant une semaine avant d’entamer un traitement antifongique afin éviter d’éventuelles complications.

Après retrait, l’examen parasitologique des larves permet l’identification de l’espèce en cause. À cet effet, il est possible de les conserver dans de l’alcool isopropyl à 35%, dans l’alcool éthylique à 70% ou le formol à 10% [10].

Les cas de myiases du cuir chevelu à Wohlfahrtia magnifica rapportés dans la littérature sont peu nombreux. Notre observation représente le 3ème cas diagnostiqué au Maroc [1] [5].

La prophylaxie des myiases reste le meilleur moyen de lutte contre les myiases. Elle consiste à l'amélioration du niveau d'hygiène, la protection des plaies, l’utilisation des insecticides, le piégeage et la destruction directe des adultes. La lutte biologique par le lâcher de mâles stériles reste très complexe [11].

Conclusion

Les myiases du cuir chevelu sont des affections parasitaires de diagnostic facile mais souvent trompeur. Les examens clinique et parasitologique permettent de poser le diagnostic en visualisant les larves pour en réaliser l’extraction rapide. En matière de prophylaxie, seule une collaboration étroite entre médecins et vétérinaires peut aboutir à un plan rationnel de lutte contre cette parasitose.

Références
  1. Romli A, Agoumi A, Hamoutahra A, Zerhouni H, Nakari K, Lahlou M, et al. [Myiasis of the scalp due to Wohlfahrtia magnifica]. Ann Dermatol Venereol. 2010;137:560-1 pubmed
  2. Zumpt F. Myiasis in man and animals in the old world: a textbook for physicians, Veterinarians and zoologists. London Butterworth Co ed. 1965; 257p.
  3. Tligui H, Bouazzaoui A, Agoumi A. [Human auricular myiasis caused by Wohlfahrtia magnifica (Diptera: Sarcophagidae): about three observations in Morocco]. Bull Soc Pathol Exot. 2007;100:61-4 pubmed
  4. Yébenes M, Munoz C, Sabat M, Palacio L, San Vicente B, Travería F, et al. Multiple furunculoid myiasis on the scalp of a child. Dermatol Online J. 2007;13:13 pubmed
  5. Lmimouni B, Baba N, Yahyaoui A, Khallaayoune K, Dakkak A, Sedrati O, et al. [Wound myiasis due to Wohlfahrtia magnifica. First human case in Morocco]. Bull Soc Pathol Exot. 2004;97:235-7 pubmed
  6. Bassi E, Bournerias I, Bagot M, Revuz J. [Furuncular myiasis]. Ann Dermatol Venereol. 2006;133:734 pubmed
  7. Clyti E, Pradinaud R. [Labial myiasis]. Ann Dermatol Venereol. 2008;135:435-6 pubmed publisher
  8. Lindsay R, Stancil J, Ray J. Myiasis of facial wounds by Cochliomyia hominivorax sustained in a natural disaster in Haiti. Otolaryngol Head Neck Surg. 2010;143:595-6 pubmed
  9. Droma E, Wilamowski A, Schnur H, Yarom N, Scheuer E, Schwartz E. Oral myiasis: a case report and literature review. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod. 2007;103:92-6 pubmed
  10. Fassler C, Lanco S, Denis A, Penniello M, Duncombe-Poulet C, Guillois B. [Subcutaneous myiasis. A case report]. Arch Pediatr. 2000;7:840-3 pubmed
  11. Patrice Bouree, Paula Resende. Rôle pathogène des mouches. Revue Française des Laboratoires. 2001; 338: 65-7.
  12. McGraw T, Turiansky G. Cutaneous myiasis. J Am Acad Dermatol. 2008;58:907-26; quiz 927-9 pubmed publisher
ISSN : 2334-1009